Une filière en forte croissance

Publié le 10/04/2021

9 min

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En France, l’année 2020 a confirmé la forte dynamique et l’essor des gaz renouvelables dans nos territoires. Une croissance portée par la filière méthanisation arrivée à maturité avec le cap du millier de méthaniseurs franchi et par des filières en devenir comme la pyrogazéification ou le power to gas pour lesquels les projets et le démonstrateur se multiplient. Si le cadre économique et réglementaire reste encore à construire pour exploiter pleinement le potentiel de ces filières, l’écosystème qu’elles génèrent laisse présager de belles opportunités pour parvenir un objectif 100 % gaz vert en 2050.

Par Laura Icart

 

Au 31 décembre 2020, la France comptait 1 070 sites de méthanisation : 214 injectent du biométhane dans les réseaux gaziers, dont 91 ont été mis en service dans l’année. L’année dernière, la production de biométhane dans les réseaux a doublé pour atteindre 2,2 TWh, représentant 0,5 % de la consommation de gaz naturel. La capacité maximale annuelle d’injection a également doublé pour atteindre 3,9 TWh et le millier de projets inscrits à la fin de l’année dernière dépassaient les 26 TWh par an, correspondant à la consommation annuelle moyenne de 118 000 bus roulant au bioGNV ou de 4 millions de nouveaux logements chauffés au gaz. Preuve que les objectifs de production de biométhane injecté fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à 6 TWh en 2023 et entre 14 TWh et 22 TWh en 2028 ne sont pas en phase selon la filière avec le potentiel de production et la dynamique observée dans nos régions. Les gestionnaires de réseaux estiment même qu’elle devrait atteindre 13 TWh à horizon 2023-2024.

Un potentiel XXL pour la méthanisation

En avril 2021, 234 installations de production de biométhane injectent dans les réseaux gaziers en France : 205 sont raccordées aux réseaux de distribution et 29 aux réseaux de transport, correspondant à une capacité annuelle de production de plus de 4 TWh. Dans l’Hexagone, la majorité des sites de méthanisation sont implantés dans des exploitations agricoles, qui représentent près d’un tiers de la puissance installée, soit plus 1,3 TWh par an.  Selon le ministère de la Transition écologique, le parc français de méthanisation en injection est majoritairement (51 %) composé de petites installations d’une puissance inférieure à 15 GWh par an, représentant environ 28 % de la capacité totale installée avec une puissance établie de 1 101 GWh, dont la moitié a été mise en service uniquement sur l’année 2020. Actuellement, plus de 1 164 projets sont inscrits au registre des capacités, soit une capacité totale réservée avoisinant les 28 TWh par an. Si tous les projets ne verront pas le jour, la filière, qui juge que l’objectif de 6 TWh pourrait être dépassé d’ici la fin de cette année, est inquiète d’une situation qui porterait un véritable coup d’arrêt à la production. Elle estime qu’un accompagnement de l’État reste nécessaire, notamment au travers de l’instauration des mécanismes extrabudgétaires alors que le cadre réglementaire, qui a beaucoup évolué ces derniers mois, a entraîné un manque de visibilité et de l’inquiétude chez les acteurs de la filière et tout son écosystème, du bureau d’étude au fabricant de compresseurs.  

Un cadre réglementaire en pleine mutation

Le 24 novembre dernier, le décret actant le dispositif transitoire d’obligation d’achat de biométhane à un tarif réglementé a été publié. Ses dispositions prévoient notamment une baisse de 2 % par an du tarif, la dégressivité du tarif selon la taille des installations, le maintien d’une prime pour l’utilisation d’effluents d’élevage et la suppression de la prime pour l’utilisation de cultures intermédiaires. Les projets de plus de 300 Nm² par heure feront dès 2022 l’objet d’appels d’offres, conformément à la PPE. Certaines dispositions, notamment le durcissement des règles encadrant les installations de méthanisation classées pour la protection de l’environnement (ICPE), inquiètent la filière et en particulier le monde agricole alors que le gouvernement demande une baisse des coûts. Ces mesures pourraient au contraire les renchérir. D’ici le mois de juin, un décret modifiant la partie réglementaire du code de l’énergie relative à la vente de biogaz doit également fixer plusieurs cadres réglementaires dont le dispositif d’obligation d’achat à la suite d’un appel d’offres dont le seuil sera fixé à 25 GWh par an et celui sur la mise en œuvre d’un mécanisme de soutien pour les producteurs de biométhane non injecté. Les critères de durabilité des installations, et notamment la gestion des intrants pour certaines installations, seront fortement encadrés par la transposition de la directive européenne RED II dans nos textes réglementaires.

Le droit à l’injection maximise l’intégration du biométhane

Deux ans après l’instauration du droit à l’injection, dispositif introduit par la loi Egalim qui doit permettre d’accroître ou de renforcer la capacité du réseau à intégrer davantage de gaz vert, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) tire un premier bilan positif. Depuis mai 2020, elle a validé 216 zonages de raccordement couvrant presque la moitié du territoire français « sur lequel se concentre 50 % du potentiel de l’étude Solagro 2050 avec une capacité des réseaux qui a été multipliée par 6 » indique le rapport. Pour la CRE, ces zonages constituent de véritables « outils de planification stratégique » de la filière permettant de répondre à un double objectif : diminuer les délais de raccordement des installations de production et une maîtrise des coûts pour la collectivité. C’est dans les Hauts-de-France, deuxième région en termes de potentiel d’après l’étude Solagro (17,4 TWh par an) que les zonages déjà approuvés permettront d’accélérer plus significativement le développement du biométhane avec 87 % du gisement en mesure d’être valorisé. À moyen terme, les 28 TWh par an inscrits actuellement au registre des capacités pourrait aller « jusqu’à 35 TWh si le potentiel diffus est plus soutenu » précise le régulateur.

286 GWh de bioGNV ont été consommés en 2020

L’essor de la production de gaz vert dans notre pays offre autant de possibilités supplémentaires pour les territoires de verdir leurs flottes. En trois ans, la part du bioGNV est passée de 5,8 % à 17,5 %. La filière du GNV-bioGNV connaît elle aussi une belle dynamique, portée par une technologie très peu émettrice de polluants locaux qui convainc aujourd’hui un grand nombre de collectivités, de transporteurs et d’entreprises à convertir leurs flottes. Les bus et les bennes à ordures sont les principaux concernés. Près de 40 % des bus vendus en France circulent au gaz, une benne à ordures sur cinq aussi et le marché des poids lourds a quadruplé en trois ans. Aujourd’hui, entre cinq à six stations ouvrent chaque mois, portant le réseau d’avitaillement public à plus de 182 stations, sans compter les stations privatives. Plus de 25 000 véhicules roulent actuellement avec ce carburant en France dont 12 500 de véhicules lourds. Les obligations de conversion de flottes pour les collectivités publiques et pour les entreprises à échéance rapprochée ainsi que la mise en place obligatoire des zones à faibles émissions mobilité (ZFE) dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à fin 2024 devraient continuer à accélérer l’usage du biogaz, qui permet de réduire les émissions de 80 % par rapport à un véhicule diesel.

Les nouvelles voies de production

La méthanisation est aujourd’hui la première technologie mature de production de gaz renouvelable. À moyen et long terme, la filière pourra s’appuyer sur d’autres technologies et notamment la pyrogazéification de résidus de biomasse sèche ou de déchets ultimes préparés. Une filière arrivée à une maturité technologique suffisante, notamment avec la plateforme Gaya  et qui est prête à son industrialisation. Cependant, si cette filière semble particulièrement pertinente puisqu’elle pourrait couvrir en 2050 selon l’Ademe 40 % de la production nationale de gaz renouvelable, GRTgaz rappelle que la pyrogazéification attend « notamment la mise en œuvre des dispositions de la loi énergie climat sur les filières biogaz innovantes » pour créer le cadre régulatoire qui facilitera son déploiement à plus grande échelle. À l’horizon 2028, la filière considère que le gaz injecté issu des procédés de pyrogazéification permettrait de valoriser « près d’un demi million de tonnes de déchets par an, d’injecter 1 TWh de gaz dans les réseaux et ainsi de réduire les émissions de CO2 d’environ 165 000 tonnes ». Autre procédé d’avenir, le power to gas qui, en permettant de décarboner les usages du gaz, maximiser l’intégration des énergies renouvelables électriques et offrir une solution de stockage, s’installe dans le système énergétique de demain. La demande croissante d’injection de production d’hydrogène et de gaz de synthèse en France devrait encore s’accélérer, portée par  la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. Enfin, le procédé de gazéification hydrothermale affiche également de belles promesses puisqu’il pourrait permettre de produire, selon les hypothèses de mobilisation des gisements, entre 58 TWh et 138 TWh par an de gaz renouvelable à l’horizon 2050. Les principaux développeurs européens estiment que cette technologie pourrait atteindre l’échelle industrielle à horizon 2024-2025.

Crédit : Frédéric Berthet, GRDF.