Une décennie cruciale pour l’action climatique

 Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, la limite la plus ambitieuse de cet accord historique, les émissions de CO2 devront atteindre un pic avant 2025 et l'atteinte de la neutralité carbone nécessitera le développement des énergies renouvelables ainsi que la sortie de toutes les énergies fossiles sans captage de CO2, insiste le rapport de l'ONU; ©Shutterstock

Publié le 14/09/2023

6 min

Publié le 14/09/2023

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À moins de 80 jours de la COP 28, les pays du monde entier doivent faire « beaucoup plus, maintenant, sur tous les fronts » en matière de lutte contre le changement climatique, selon un premier bilan de la mise en œuvre de l’accord de Paris de 2015, publié le 8 septembre par l’ONU. « C’est  une décennie cruciale pour l’action climatique » estime le bilan publié sous l’égide de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Le monde n’est pas sur la trajectoire pour atteindre les objectifs de long terme de l’accord de Paris. » Ce constat sans appel, huit mois après la COP 15 à Paris n’est pas une surprise, tant les États du monde semblent loin d’atteindre leurs objectifs, alors même qu’avec déjà près de 1,2 °C de réchauffement, le monde subit dès à présent des événements extrêmes comme les canicules, sécheresses, inondations et méga-feux qui ont ravagé diverses régions du monde cet été, le plus chaud jamais mesuré sur le globe. Et sont démultipliés à chaque dixième de réchauffement supplémentaire.

Une forte attente à la COP 28

L’intérêt de ce nouveau rappel à l’ordre, qui puise dans les volumineux et alarmants rapports scientifiques du Giec, est qu’il constituera la base indiscutable des âpres négociations de la 28e conférence climatique de l’ONU aux Émirats arabes unis, annoncée comme la plus grande COP jamais réunie, avec au cœur des discussions l’avenir des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz. Mais la véritable chance de voir une échéance fixée pour la sortie des fossiles semble faible. Au G20, la semaine dernière, les négociations ont une nouvelles fois échoué. En 2019, les concentrations atmosphériques de CO2 ont atteint une moyenne annuelle de 410 ppm, ce qui est plus élevé que jamais depuis au moins 2 millions d’années, tandis que les concentrations de méthane (CH₄) étaient de 1 860 ppb et celles d’oxyde nitreux de 332 ppb, ce qui est plus élevé que jamais au cours des 800 000 dernières années. « La température moyenne à la surface de la Terre pour la période 2011-2020 était supérieure d’environ 1,1 °C à la moyenne préindustrielle » note le rapport « The Global Stocktake: a health check for the Paris Agreement ».

Plus d’ambition à tous les niveaux

Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, la limite la plus ambitieuse de cet accord historique, les émissions de CO2 devront atteindre un pic avant 2025 et l’atteinte de la neutralité carbone nécessitera le développement des énergies renouvelables ainsi que la sortie de toutes les énergies fossiles sans captage de CO2, insiste le rapport. Il faut faire preuve de beaucoup plus d’ambition dans l’action et le soutien pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation nationales et fixer des objectifs plus ambitieux dans les contribution déterminée au niveau national (CDN) afin de concrétiser les possibilités existantes et émergentes dans tous les contextes, afin de réduire les émissions mondiales de GES de 43 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019 et d’atteindre des émissions nettes de CO2 nulles d’ici à 2050 à l’échelle planétaire. « Il existe une fenêtre qui se referme rapidement pour augmenter les ambitions et mettre en œuvre les engagements existants afin de limiter le réchauffement à 1,5°C », prévient le bilan, qui suggère une nouvelle fois de multiplier les efforts en faveur de la finance, en premier lieu vers les pays en développement, de la baisse des émissions ou encore de l’adaptation au changement climatique.

74 % du total des mesures d’atténuation au niveau mondial liées aux systèmes énergétiques

L’atteinte de la neutralité carbone nécessitera des transformations profondes dans tous les secteurs et domaines, « y compris le développement des énergies renouvelables et la sortie des énergies fossiles sans captage du CO2« . L’intensification des énergies renouvelables et l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles « sont des éléments indispensables à des transitions énergétiques justes vers des émissions nettes nulles » rappelle le rapport. Les mesures d’atténuation des systèmes énergétiques pourraient « représenter 74 % du total des mesures d’atténuation au niveau mondial pour parvenir à des émissions nettes de GES nulles ». Entre 2010 et 2019, les tendances en matière d’énergies renouvelables ont été très prometteuses, avec des réductions notables des coûts unitaires pour l’énergie solaire (85 %), l’énergie éolienne (55 %) et les batteries lithium-ion (85 %), comme le souligne le dernier rapport (AR6) des  scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publié en mars dernier. Cela a entraîné une augmentation significative de leur déploiement, avec des taux de croissance de plus de 10 fois pour l’énergie solaire et de 100 fois pour les véhicules électriques, bien que les taux, les coûts et les avantages varient considérablement d’une région à l’autre. Le renforcement des réseaux électriques et du stockage est essentiel pour libérer le potentiel des sources d’énergie renouvelable et pour fournir une énergie propre à mesure que l’industrie des transports et les bâtiments s’électrifient. L’électrification, l’efficacité énergétique et la gestion de la demande, ainsi que le stockage de l’énergie, sont également des éléments importants des systèmes énergétiques nets zéro. Les mesures visant à mettre en œuvre les transformations des systèmes dans l’industrie, les transports, les bâtiments et d’autres secteurs doivent permettre « de réduire rapidement les émissions liées aux processus et à l’énergie » mais aussi « réduire les émissions dans leurs chaînes d’approvisionnement tout en réduisant les coûts ».

Toujours selon le dernier rapport du Giec, les projections montrent que les actions visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C nécessitent « une réduction de l’utilisation du charbon en l’état de 67 à 82 % d’ici 2030 » par rapport au niveau de 2019, tandis que la consommation de pétrole et de gaz diminuera plus lentement. D’ici 2050, le charbon ne devrait plus être utilisé pour la production d’électricité au niveau mondial, bien que les trajectoires mondiales modélisées dans le rapport ne précisent pas les trajectoires pour un seul pays.