Nucléaire et renouvelables : un appel au triplement des capacités mondiales

« Aujourd'hui des centrales à charbon sont encore en construction dans le monde. C'est une absurdité. Si nous voulons contenir le réchauffement de la planète à 1,5°C, le monde a besoin d’un virage absolu » a indiqué le 2 décembre à la COP28, Emmanuel Macron. ©COP28UAE

Publié le 03/12/2023

8 min

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Le 2 décembre, une vingtaine de pays, dont la France et les États-Unis, ont appelé dans une déclaration commune à tripler les capacités énergétiques nucléaires dans le monde d'ici 2050 lors de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP28). Le même jour, une centaine de pays se sont également engagés à tripler les capacités renouvelables dans le monde d’ici à 2030 et une nouvelle initiative pour accélérer la sortie du charbon a été lancée.  Par Laura Icart, avec AFP   Une vingtaine de pays dont les États-Unis, la France et les Émirats arabes unis, ont appelé le 2 décembre, dans une déclaration commune à la COP28 à tripler les capacités de l'énergie nucléaire dans le monde d'ici 2050, par rapport à 2020, ainsi que pour réduire la dépendance au charbon et au gaz. "C'est une avancée majeure" estime le président de la République française Emmanuel Macron. Une centaine de pays ont signé un engagement, non contraignant toutefois, appelant à tripler les capacités mondiales des renouvelables alors que celles-ci sont de plus en plus compétitives selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). Enfin, une nouvelle initiative visant à accélérer la sortie du charbon a été lancée par plusieurs pays, dont la France et la Commission européenne, et des organismes internationaux comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Tripler les capacités nucléaires d’ici 2050 L'annonce a été faite par John Kerry, l'émissaire américain pour le climat, à Dubaï, en compagnie de plusieurs dirigeants dont le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre belge Alexander de Croo. En tout ce sont 22 pays qui ont signé, même si la Chine et la Russie, importants constructeurs de centrales nucléaires dans le monde aujourd'hui, ne comptent pas parmi les signataires. Parmi ceux-ci figurent la Bulgarie, le Canada, la Finlande, le Ghana, la Hongrie, le Japon, la Corée du sud, la Moldavie, la Mongolie, le Maroc, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, l'Ukraine, la République Tchèque et le Royaume-Uni. "La déclaration reconnaît le rôle clef de l'énergie nucléaire dans l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050 et pour conserver l'objectif de (limiter le réchauffement à) 1,5 °C à portée de main", indique le texte. "Nous savons par la science, la réalité des faits et des preuves qu'on ne peut pas atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 sans nucléaire", a affirmé John Kerry lors de l'événement à Dubaï. Le président roumain Klaus Iohannis a expliqué que le nucléaire représentait pour son pays "une source stable d'énergie contribuant à la sécurité énergétique et la décarbonisation". Les pays signataires appellent également les actionnaires des institutions financières internationales - comme la Banque mondiale -  à inclure le nucléaire dans leurs financements. "Il existe des dispositions statutaires, parfois dans certaines institutions de crédit internationales, qui excluent le nucléaire. Je pense que ça, c'est complètement obsolète", avait déclaré un peu plus tôt à l'AFP le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi. Ses promoteurs voient dans l'énergie nucléaire, modulable et qui n'émet quasiment pas de gaz à effet de serre, un moyen incomparable de produire une électricité vertueuse et abondante. Certains défenseurs de l'environnement soulignent en revanche les risques d'accident, la question des déchets sur le très long terme ou encore les coûts élevés de l'atome. « Emmener collectivement les pays du monde à tripler le nucléaire d’ici 2050 : nous allons le faire ! Engagement pris. Pour le climat, pour notre avenir » a déclaré la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher sur X. 118 pays s'engagent à tripler les capacités d'énergies renouvelables d'ici à 2030 Un engagement non contraignant à tripler les capacités renouvelables dans le monde d'ici à 2030 a été signé par au moins 118 pays, soit plus de la moitié des États représentés à la COP28, a annoncé samedi son président Sultan Al Jaber. « La réalisation d'émissions nettes zéro dans le secteur de l'énergie d'ici à 2050 dépend de la capacité du monde à tripler la capacité de production d'énergie renouvelable d'ici à 2030 » soulignait l’Agence internationale de l’énergie. Montrant l'ampleur du chemin qui reste à accomplir, la liste fournie par la présidence de la COP28 n'inclut pas les plus grands pays producteurs ou consommateurs d'énergies fossiles : Russie, Arabie saoudite, Chine, Iran, Irak, Venezuela, Koweït, Qatar... Les autres pays se sont engagés à "travailler ensemble" en vue de porter les capacités mondiales d'énergies renouvelables (éoliennes, solaires, hydroélectricité...) à 11 000 gigawatts (GW) à cet horizon, contre environ 3 400 GW aujourd'hui, en prenant en compte "les différents points de départ et circonstances nationales" des différentes nations. Fin 2022, les capacités mondiales étaient de 3 372 GW, selon l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), dominées par l'hydraulique (37 %) et le solaire (31 %). La capacité de production d'énergie renouvelable ajoutée dans le monde a augmenté de près de 13 % en 2022. En 2023, elle devrait augmenter d'un tiers, car l'élan politique croissant, les prix élevés des combustibles fossiles et les préoccupations constantes en matière de sécurité énergétique entraînent un fort déploiement de l'énergie solaire photovoltaïque et de l'énergie éolienne, selon la mise à jour du marché des énergies renouvelables de l'AIE publiée le mois dernier. La production mondiale d'électricité à partir d'énergies renouvelables pourrait dépasser celle du charbon dès l'année prochaine, en fonction des conditions météorologiques. Les pays ont également promis de doubler le rythme annuel de progression de l'efficacité énergétique jusqu'en 2030, de 2 % à 4 %. Ces engagements n'ont toutefois pas de valeur contraignante. L'Union européenne avait lancé un appel en ce sens au printemps, soutenu par la présidence émiratie de la COP28 puis successivement par les pays du G7 et du G20 (80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre). "Avec cet objectif mondial, on envoie un message très fort en direction des investisseurs et des marchés financiers. On montre le sens de la marche. Et c'est pour eux une façon de plus dérisquer leurs investissements parce qu'ils savent que le monde entier se dirige vers cet objectif", a dit la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, dans un entretien à l'AFP à Dubaï. "Il y a des arguments très convaincants en faveur des renouvelables, parce qu'une fois installées, elles peuvent produire une énergie propre et locale. Donc cela vous rend indépendant et elles sont moins chères que les énergies fossiles", a-t-elle argumenté. Une nouvelle initiative visant à accélérer la sortie du charbon « Le triplement de la capacité renouvelable d'ici la fin de la décennie permettrait également de réduire de moitié la production d'électricité à partir du charbon, qui est la plus grande source d'émissions de CO₂ liées à l'énergie » indiquait récemment l’AIE dans un rapport. La demande mondiale de charbon a atteint un niveau record en 2022, avec 8,3 milliards de tonnes. En outre, plus de 500 GW de nouvelles capacités de production de charbon sont prévues et en construction et, selon l'AIE, pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris, le monde devrait mettre hors service l'équivalent de 92 GW de capacités de production de charbon par an. "Si nous n'accélérons pas sur le charbon, nous n'y arriverons pas" a souligné lors d'une conférence de presse Emmanuel Macron. Plusieurs pays comme le Canada, la France, le États-Unis ou le Royaume-Uni mais aussi l’UE ainsi que plusieurs organisations comme l'OCDE et la Banque mondiale ont lancé "Coal Transition Accelerator" qui vise à un partage d’expertises mais aussi à une recherche de mobilisation de financements publics et privés. L’initiative focalisera son action sur l’accélération des financements dans les énergies propres, le lancement d’une Commission sur la transition du charbon avec notamment un travail qui "comprendra des recommandations portant sur un nouveau système de transparence sur les émissions liées au financement du secteur privé en direction du charbon" , et l'évaluation des risques « climatiques et financiers » qui pèsent sur les États du monde qui continuent à investir dans des actifs charbonniers. Un premier retour des travaux est prévu en septembre 2024.  

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