La mise en œuvre du fonds sur les « pertes et dommages » des pays vulnérables adoptée

Dans une étude publiée en octobre 2022, le groupe V20, qui rassemble 58 économies « vulnérables » représentant environ 1,5 milliard de personnes, affirme que les chocs et les catastrophes liés au changement climatique ont déjà coûté 525 milliards de dollars à leurs économies au cours des deux dernières décennie. © Shutterstock

Publié le 01/12/2023

5 min

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La mise en œuvre du fonds destiné à financer les « pertes et dommages » climatiques des pays vulnérables a été adoptée le 30 novembre dès le premier jour de la COP28 à Dubaï, un pas positif pour espérer dégripper les tensions financières entre le Nord et le Sud en parallèle des négociations sur les énergies fossiles.

Par la rédaction, avec AFP

 

Cette décision historique, saluée par une standing ovation des délégués des près de 200 pays participants, concrétise le principal résultat de la COP27 en Égypte l’an dernier, où ce fonds avait été approuvé sur le principe mais dont les contours n’avaient pas encore été définis. « Je félicite les parties pour cette décision historique. C’est un signal positif pour le monde et pour notre travail« , a déclaré Sultan Al Jaber, le président émirati de cette COP. « Nous avons écrit une page d’histoire aujourd’hui. La rapidité avec laquelle nous l’avons fait est inédite, phénoménale et historique. » Après un an de bras de fer, pays du Nord et du Sud étaient parvenus le 4 novembre à Abou Dhabi à un fragile compromis sur les règles de fonctionnement de ce fonds, dont le démarrage effectif est désormais prévu en 2024.

Des « contributions significatives » attendues

Le financement climatique a été un point d’achoppement régulier des négociations entre pays, les économies avancées, principales responsables des émissions de gaz à effet de serre, n’ayant pas concrétisé les promesses de soutien à l’égard des pays vulnérables, bien souvent les plus affectés alors qu’ils ne sont pas à l’origine du réchauffement climatique. L’adoption du texte dès l’ouverture de la COP efface les craintes d’une remise en cause du compromis, qui aurait pesé lourdement sur le reste des négociations sur la réduction des gaz à effet de serre de l’humanité, responsables du réchauffement climatique. Madeleine Diouf Sarr, présidente du groupe des pays les moins avancés, qui représente 46 des nations les plus pauvres, a salué une décision d’une « signification énorme pour la justice climatique« . « Mais un fonds vide ne peut pas aider nos citoyens« , a-t-elle souligné. « Il faut désormais que les pays riches annoncent des contributions significatives« , a abondé Friederike Röder, de l’ONG Global Citizen, argumentant pour de nouvelles taxes internationales. « L’argent, il y en a, comme le montrent les bénéfices de l’industrie pétrogazière« , a-t-elle déclaré. Selon plusieurs négociateurs interrogés par l’AFP, l’Union européenne, l’Allemagne, la France, le Danemark sont sur le point d’annoncer une première mise de départ, de l’ordre de quelques centaines de millions de dollars. Les Émirats ont annoncé immédiatement leur contribution de 100 millions de dollars. Ces montants sont encore loin des dizaines de milliards nécessaires pour financer les dégâts climatiques des nations vulnérables.

Vers un objectif de 100 milliards ?

Des pays en développement ont réclamé un objectif de 100 milliards de dollars pour ce nouveau fonds, un chiffre équivalent aux 100 milliards d’aide annuelle dus par les pays développés pour l’adaptation et la transition écologique. Une promesse qui n’a pas été atteinte dès 2020 comme promis et a entamé durablement les relations Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique. Les premières contributions « permettront de financer des projets pilotes » et de tester le fonctionnement du fonds « avant un tour de table plus large dans un an ou un an et demi« , une fois qu’il aura prouvé sa crédibilité aux yeux des donateurs, explique un diplomate européen. Selon le texte adopté, le fonds doit être accueilli provisoirement, pour quatre ans, au sein de la Banque mondiale. Les pays en développement s’opposaient initialement avec force à cette option, reprochant à l’institution d’être aux mains des Occidentaux et inadaptée à leurs besoins. De leur côté, les pays développés, États-Unis en tête, ont refusé que leurs contributions soient obligatoires plutôt que volontaires et réclament un élargissement de la base des donateurs aux riches pays émergents, comme l’Arabie saoudite ou la Chine.

La Banque mondiale à la manœuvre

Le fonds pertes et dommages sera géré par la Banque mondiale (BM) mais les donateurs et bénéficiaires contrôleront la manière dont l’argent sera dépensé, a annoncé vendredi le président de l’institution, Ajay Banga. Plus de 400 millions de dollars ont d’ores et déjà été promis pour ce fonds visant à financer les pays touchés par les conséquences du réchauffement climatique. D’autres promesses de don sont attendues dans les prochains jours mais le montant total devrait être loin des 100 milliards de dollars dont les pays en développement disent avoir besoin pour faire face aux coûts provoqués par le changement climatique. « En réalité, la Banque ne joue pas de rôle dans l’allocation de l’argent« , a expliqué M. Banga lors d’un événement en marge de la COP. « Ce sera la tâche d’un conseil de gouvernance qui doit encore être créé et qui représentera les donateurs et les bénéficiaires. » La BM jouera de son côté un rôle plus limité en gérant les opérations du fonds au quotidien, a-t-il précisé. « Notre travail sera celui d’un fonds fiduciaire : nous le gérons, nous l’opérons et nous espérons faire en sorte que l’argent aille au bon endroit car nous savons comment le faire« , a ajouté Ajay Banga. Vendredi, M. Banga a souligné que la première mission du fonds sera d’aider à financer « une assistance technique et des analyses » auprès des pays touchés par le changement climatique. « Si les choses sont faites correctement, nous devrions voir dès l’année prochaine l’argent aller de manière effective aider les pays sur le terrain« , a insisté M. Banga.

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