Le président de la COP28 appelle à « tripler » d’ici 2030 la capacité mondiale de renouvelables

Selon la Banque Mondiale, 132 millions de personnes pourraient tomber dans la précarité énergétique d'ici 2030 en raison du changement climatique. @Shutterstock

Publié le 03/05/2023

6 min

Publié le 03/05/2023

Temps de lecture : 6 min 6 min

Le président de la COP28 a appelé le 2 mai à « tripler » d’ici 2030 la capacité mondiale de production d’énergies renouvelables. « Nous allons accélérer le développement des énergies renouvelables, qui doivent tripler leur capacité d’ici à 2030 et la doubler à nouveau d’ici à 2040 », a déclaré sultan Ahmed Al-Jaber, lors du Dialogue de Petersberg organisé à Berlin. La mobilisation annuelle de 100 milliards de dollars de financements pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique et à s’adapter à ses effets a également été à l’ordre du jour, tout comme la nécessité de décarboner rapidement les secteurs les plus émetteurs.

Par la rédaction, avec AFP

 

La conférence internationale intitulée Dialogue de Petersberg sur le climat est une série de négociations qui a vocation à préparer la prochaine conférence des parties sur les changements climatiques (COP) qui aura lieu en fin d’année à Dubaï. À Berlin, durant deux jours, plusieurs points majeurs ont été évoqués : l’objectif de triplement des  capacités mondiales de production d’énergies renouvelables, évoqué également pendant la réunion des ministres de l’énergie du G7 il y a quelques semaines, la sortie « progressive » des énergies fossiles et la nécessité d’atteindre rapidement l’enveloppe des 100 milliards de dollars annuels promise aux pays en développement. Un objectif fixé initialement en 2020 qui pourrait être « effectif » cette année a indiqué la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock. La France de son côté a porté selon la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, la volonté d’accélérer dans la mise en œuvre de politiques publiques « plus ambitieuses » pour réduire les gaz à effet de serre et la nécessité de fixer « collectivement » des objectifs sur tous les secteurs d’activité « pour décarboner notre énergie ». « Plus de renouvelable, plus de nucléaire et moins d’énergie fossile » a précisé la ministre lors de son arrivée à Berlin, le 2 avril.

Tripler les capacités d’EnR d’ici 2030

Dans une récente synthèse de ses travaux, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) avait prévenu que le monde risquait de franchir la limite clé de réchauffement climatique de 1,5 degré Celsius dans environ une décennie. Ces experts des Nations unies ont appelé à des réductions spectaculaires des émissions de réchauffement, avec une transformation particulièrement rapide nécessaire dans le domaine de l’énergie. À la fin de 2022, la capacité mondiale de production d’énergie renouvelable s’élevait à 3 372 gigawatts (GW), augmentant le stock d’énergie renouvelable de 295 GW, « un record » pour l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), soit une hausse de 9,6 %. Près de 83 % de toutes les capacités de production d’énergie ajoutées l’année dernière « ont été produites par les énergies renouvelables ». Une augmentation encourageante mais insuffisante cependant pour rester sur la trajectoire de réchauffement à 1,5 °C. Cet objectif de triplement est également prôné par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui a estimé dans un récent rapport que les ajouts de capacité d’énergies renouvelables doivent tripler d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2022. Il s’agit de déployer au niveau mondial environ 1 200 GW par an, selon l’AIE.

Acter une sortie des énergies fossiles est-elle envisageable ?

Les énergies fossiles ont encore un rôle à « jouer » dans un « avenir prévisible » a indiqué le 3 mai  le président de la COP28, également patron du géant pétrolier ADNOC, misant notamment sur la technologie de captation de CO2. « Notre objectif devrait être axé sur l’élimination progressive des émissions de tous les secteurs, qu’il s’agisse du pétrole et du gaz ou des industries à fortes émissions« , a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse commune avec Annalena Baerbock. Interrogée hier lors de son arrivée à Berlin sur le niveau d’ambition du président de la COP28, la ministre française indique qu’il y aura des engagements à prendre du côté du secteur pétrolier et gazier à 2030 et 2040 pour rendre rapidement concrète cette diminution des émissions des énergies fossiles, tout en saluant l’engagement pris par le sultan Ahmed Al Jaber de faire de la COP28 une COP aussi ambitieuse que celle de Paris. « La prochaine conférence de la COP représente une occasion unique pour nous tous de trouver des solutions pratiques à toutes les questions climatiques qui se posent et de travailler à l’utilisation de ces solutions pour promouvoir la prospérité économique et sociale pour tout le monde » a souligné de son côté Annalena Baerbock. De leur côté, les ONG n’ont pas tardé a exprimé leurs craintes : « Nous ne pouvons pas prétendre que la solution à la crise climatique réside dans des solutions techniques peu fiables et non testées qui entraîneront de nouveaux risques et de nouvelles menaces », a ainsi réagi dans un communiqué Tasneem Essop, directrice exécutive du Réseau Action Climat.  

L’aide devrait atteindre 100 milliards en 2023

Les pays développés se sont engagés dès 2009 à mobiliser 100 milliards de dollars par an de finance­ments pour l’action climatique dans les pays en développement pour la période 2020-2025. En 2020, 83,3 milliards de dollars ont été mobilisés par les pays développés (contre 79,9 milliards en 2018 et 80,4 en 2019) soulignait l’OCDE dans un rapport. Le président de la COP28 a enjoint les pays développés à débloquer chaque année les 100 milliards de dollars promis aux pays en développement pour faire face au réchauffement. « Cela retarde les progrès. » Ahmed Al-Jaber a dit « attendre des engagements ambitieux, transparents et responsables des pays et entreprises qui façonneront les politiques des parlements et les budgets », lors de la future COP28. « Dans le cadre de mes actions de sensibilisation, je demande aux pays donateurs de fournir une évaluation de la réalisation de cet engagement avant la COP28 », a ajouté M. Al-Jaber. Cette somme allouée annuellement aux pays en développement serait sur le point d’être « atteinte » pour l’année 2023 s’est réjouie la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock. M. Ahmed Al-Jaber a aussi plaidé pour une réforme de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, censée permettre de « débloquer beaucoup plus de financements, atténuer les risques et attirer plus de capitaux privés ». La France, qui verse en moyenne 6 milliards d’euros chaque année, soutiendra ce nouveau pacte financier qui demande davantage de « transparence » et qui inclut de nouveaux secteurs comme l’aviation ou le transport maritime qui seront davantage mis à contribution. Le gouvernement français soutiendra également dans le cadre du sommet de Paris sur le nouveau pacte financier climatique qui aura lieu en juin , « des positions fortes pour permettre des évolutions structurelles » du FMI, de la Banque mondiale et des banques de développement « pour permettre aux pays d’avoir accès à des financements plus aisés et moins chers » mais également « en mettant en place des financements innovants moins risqués à destination du secteur privé » précise Agnès Pannier-Runacher.