Précarité énergétique : 3,5 millions de ménages concernés en France

En 2019, selon le Secours Catholique, 40% des impayés concernent les factures d’énergie.

Publié le 15/01/2021

6 min

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L’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) a publié le 14 janvier son bilan annuel. En 2019, la précarité énergétique touche « au moins » 3,5 millions de ménages dans notre pays, soit 11,9 % des Français. Un taux en léger repli (12,1 %) par rapport à l’année précédente mais qui « devrait pourtant s’aggraver » selon l’ONPE dont les experts se disent inquiets pour les ménages frappés par la précarité énergétique alors que les effets de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 laissent présager des « années difficiles ».

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Un ménage est en situation de précarité énergétique s’il « éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat » indique la loi du 10 juillet 2010, dite loi Grenelle 2. Créé en 2011, l’ONPE piloté par l’Ademe doit permettre à l’État de comprendre qui sont les ménages touchés, quelles sont leurs pratiques et quels sont les leviers d’actions pour les accompagner plus efficacement. Pour cela l’observatoire s’appuie sur plusieurs indicateurs de suivi de la précarité énergétique historiquement calculés en France à partir de l’enquête nationale logement (ENL) de l’Insee.

Entre vulnérabilité économique et inconfort thermique

Le taux d’effort énergétique (TEE), estimé par le ministère de la Transition écologique, est l’indicateur qui permet un suivi annuel de l’évolution de ce phénomène dans notre pays. Il correspond au nombre de ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus au règlement de la facture énergétique de leur logement et qui appartiennent aux 30 % des ménages les plus modestes. Deuxième indicateur, celui dit « des bas revenus », dépenses élevées (BRDE) qui considère les ménages en situation de précarité énergétique si leurs revenus sont faibles (inférieurs au seuil de pauvreté) et si leurs dépenses énergétiques, rapportées à la taille du logement (m²) ou à la composition familiale (UC), sont élevées, soit supérieures à la médiane nationale. Enfin, l’ONPE s’appuie également sur le ressenti du froid. Cet indicateur portant sur la sensation de froid exprimée par les ménages tiré du baromètre « énergie-info » du médiateur national de l’énergie permet de quantifier les phénomènes d’auto-restriction (de chauffage) que ne capte pas le TEE, principalement basé sur la facture énergétique. Cet indicateur considère un ménage en situation de précarité énergétique s’il déclare avoir souffert du froid pendant au moins 24h dans son logement au cours de l’hiver précédent.

11,9 % des ménages français concernés

En 2019, 3,5 millions de ménages, soit 11,9 % des ménages, sont en situation de précarité énergétique en France métropolitaine, en particulier 30 % des Français les plus pauvres, selon le TEE. Un indicateur en légère baisse (- 0,2 %) par rapport à 2018, dû à des températures hivernales clémentes combinées à la baisse de la consommation moyenne d’énergie par logement, en lien avec l’amélioration des performances des logements et des équipements de chauffage. « La hausse du prix hors taxes de l’énergie et la stagnation de pouvoir d’achat freinent toutefois le recul de la précarité énergétique » souligne l’ONPE. Un taux qui descend même à 10,1 % selon le MTE si l’on tient compte de l’augmentation du montant du chèque énergie (200 euros en moyenne contre 150 euros en 2018) et de son élargissement à un plus grand nombre de bénéficiaires (5,8 millions de ménages contre 3,6 millions en 2018). Au cours de l’hiver dernier (2019-2020), 14 % des ménages français ont souffert d’une sensation de froid chez eux, selon l’indicateur du froid ressenti du médiateur national de l’énergie. Cette situation d’inconfort provient pour une part importante d’une mauvaise isolation de leur logement (41 %) et d’une limitation de leur consommation pour des raisons financières (3 1%). À noter que cet argument est en très forte progression par rapport à l’année précédente, où il n’avait été évoqué que par 7 % des sondés.

La précarité va s’intensifier, accentuée par le confinement

Toujours d’après le baromètre énergie-info 2020, 80 % des ménages déclarent que la consommation d’énergie est un réel sujet de préoccupation, contre 70 % en 2019. C’est « la proportion la plus élevée depuis son suivi en 2007 » indique dans son communiqué l’ONPE. L’Observatoire constate que cette hausse des prix de l’énergie a un impact sur le nombre de factures impayées. 18 % des ménages ont déclaré avoir rencontré des difficultés de paiement en 2019, contre 10 % en 2018. Plus de 661 000 ménages ont subi une intervention d’un fournisseur d’énergie (réduction de puissance, suspension de fourniture, résiliation de contrat) suite aux impayés d’énergie contre 572 440 ménages en 2018, soit une augmentation de 18 %. Autre fait notable : 53 % des foyers déclarent restreindre leurs consommations d’énergie pour limiter leur facture énergétique. En France, 15,6 % de la population à faibles revenus se déclarent dans l’incapacité à maintenir une température adéquate dans le logement, une moyenne certes élevée mais en dessous cependant de la moyenne européenne (17,9 %). Les experts de l’ONPE s’inquiètent de l’augmentation du nombre de ménages ayant souffert du froid l’hiver dernier, en particulier les jeunes (18-34 ans), qui ont déclaré restreindre volontairement leur consommation de chauffage (66 %) et éprouvaient des difficultés à payer les factures (32 %). Inquiets également du risque d’aggravation de la précarité énergétique pour les années à venir, alors que « les prix de l’énergie devraient continuer à augmenter et que les aides vont elles diminuer », dansun contexte économique qui sera fortement marqué par la crise pandémique.

En 2020, les mesures de confinement mises en place par le gouvernement ont eu des conséquences « plus importantes pour les ménages précaires » note l’ONPE, notamment la baisse des revenus d’activités qui fait craindre à l’observatoire « une explosion des impayés et demandes d’aides aux services sociaux » alors que le paiement des factures d’énergie a été suspendu durant une trêve hivernale rallongée et que les dispositifs d’aides et les travaux d’amélioration du logement ont été considérablement freinés en 2020.