France relance : ce plan qui valait 100 milliards !

Publié le 05/09/2020

7 min

Publié le 05/09/2020

Temps de lecture : 7 min 7 min

Le Premier ministre Jean Castex a présenté le 3 septembre le vaste plan de relance de l’économie française. Baptisé « France relance », il doit de l’aveu même du président de la République « reprendre notre destin en main et construire la France de 2030 ». Un plan à 100 milliards tourné vers la transition écologique avec en ligne de mire d’importants moyens alloués à la rénovation énergétique, le développement de l’hydrogène vert, la décarbonation de l’industrie, la transition agricole et la transformation des mobilités. La filière biogaz n’y figure pas.

Par Laura Icart

 

C’est donc près de 100 milliards d’euros qui seront injectés, sur les deux prochaines années, dans l’économie française. L’Union européenne financera 40 % de notre plan de relance dont l’objectif stratégique, décliné en trois axes majeurs, écologie, compétitivité et cohésion sociale et territoriale, doit permettre de « moderniser l’économie française pour qu’elle soit plus durable, plus économe en ressources et plus compétitive » indique Matignon dans un communiqué. Pour y parvenir, 30 milliards seront directement fléchés vers la transition écologique. Si les 70 milliards restants seront consacrés à la fiscalité et au financement des entreprises, à l’emploi, à la formation des jeunes, à la modernisation de notre appareils productif, à l’innovation, à l’amélioration de notre système de santé, ils devront tous apporter « [leurs] contributions à la transition écologique » précise-t-on du côté de Matignon, sans donner à ce stade plus de précisions.

Plein gaz sur la rénovation énergétique

On le savait, la rénovation énergétique serait un des fers de lance du plan de relance. Sans surprise, l’amélioration de la performance énergétique de nos bâtiments devient une priorité nationale avec une enveloppe promise de 6,7 milliards d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, dont 2 milliards pour MaPrimeRénov’ sur 2021-2022. Une vraie nécessité alors que notre pays compte toujours autant de précaires énergétiques (un Français sur cinq en moyenne) et qu’une récence étude du ministère de la Transition écologique fait état de près de 5 millions de « passoires thermiques » sur les 29 millions de résidences principales. MaPrimeRenov’ sera étendue aux copropriétés, à la rénovation globale et à tous les particuliers, indépendamment de leurs conditions de ressources. La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, a notamment détaillé une enveloppe de 20 000 euros par foyer pour une rénovation globale du logement (isolation des murs, des combles et planchers et installation d’une pompe à chaleur). Objectif affiché : parvenir à la rénovation de 500 000 logements par an jusqu’en 2050, en commençant par supprimer les passoires thermiques occupées par des personnes aux revenus modestes à horizon 2025. 4 milliards d’euros sont consacrés à la rénovation des bâtiments publics (écoles, universités, bâtiments étatiques), dont 2 milliards dédiés à la rénovation énergétique des Ehpad et des hôpitaux dans le cadre du Ségur de la santé. Pour les 700 millions restants, 500 sont prévus pour la rénovation lourde des logements sociaux et 200 millions seront mobilisés pour aider les TPE et PME à rénover leurs locaux. Si beaucoup soulignent l’ambition et les moyens alloués, rappelons tout de même que le secteur du bâtiment représente en France près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre et plus de 40 % de la consommation énergétique. Un suivi rigoureux des moyens mis sur la table s’avérera nécessaire dans un secteur de la rénovation où les fraudes se sont multipliées ces dernières années, faute de contrôle efficace.

Une ode à l’hydrogène vert

Au même titre que la rénovation énergétique, le soutien à l’hydrogène était particulièrement attendu, notamment par les acteurs de la filière qui réclamaient depuis plusieurs années des moyens pour créer un écosystème industriel français de l’hydrogène et passer la filière à l’échelle. Le gouvernement va mobiliser 7 milliards d’euros d’ici 2030 pour développer l’hydrogène vert dont 2 milliards pour les deux prochaines années. La France fait donc le pari de l’hydrogène, à l’image de son voisin allemand et de l’Union européenne et espère devenir une championne de l’hydrogène en soutenant notamment le vivier d’entreprises et de chercheurs français qui excellent dans ce domaine, mais aussi via un mécanisme de soutien à l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau et par la mise en place d’un projet commun européen (IPCEI) pour soutenir et industrialiser des solutions françaises. « Cette impulsion forte donnée aujourd’hui préfigure une stratégie hydrogène ambitieuse et cohérente sur la décennie qui va donner le cadre et la visibilité nécessaire à l’ensemble des acteurs de la filière. Les acteurs ont maintenant la responsabilité de co-construire un déploiement coordonné et structuré dans les territoires » a déclaré Philippe Boucly, président de l’Afhypac à l’annonce du plan de relance.

Décarboner l’industrie et favoriser le développement des mobilités du quotidien

En France, le secteur industriel est un grand consommateur d’énergie, générant encore environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises. Pourtant, c’est bien l’industrie qui, ces dernières années, a le plus contribué à l’amélioration de l’efficacité énergétique. La plan de relance prévoit 1,2 milliard d’euros pour « aider les entreprises industrielles à investir dans des équipements moins émetteurs en CO2« , comme par exemple l’installation de pompes à chaleur pour des procédés industriels ou des projets de conversion de chaudière charbon pour la production de chaleur en une installation neuve biomasse neutre en carbone. Le développement d’une mobilité plus durable est l’un des principaux objectifs de la transition énergétique et l’une des clés pour limiter les impacts des émissions de polluants atmosphériques et de CO2 sur notre santé, notre environnement et notre climat. France relance prévoit d’affecter 1,2 milliard d’euros pour promouvoir des mobilités dites plus douces et plus actives avec notamment un développement massif de l’usage du vélo et des transports en commun. Des moyens, précise le gouvernement, qui viendront « compléter le financement des collectivités » et « qui pourraient permettre un investissement dans les territoires de l’ordre de 5 milliards d’euros ». À noter que le plan de relance prévoit 4,7 milliards d’euros pour soutenir le secteur ferroviaire avec notamment l’ambition d’augmenter les lignes de desserte dans nos territoires et proposer aux Français une alternative à la route.

Pas de milliards pour le biogaz

Dans un communiqué publié hier, l’Association française du gaz regrette « le manque de considération affichée pour la filière biométhane ». Il est vrai que cette filière particulièrement dynamique dans notre pays ne bénéficie pas d’un soutien particulièrement prononcé des pouvoirs publics. Pourtant, note l’AFG, cette filière « est ancrée dans les territoires ruraux, source d’emplois non délocalisables et reposant sur des technologies maîtrisées par les industriels français, [elle] coche toutes les cases de la relance ». Même son de cloche du côté de l’ATEE qui souligne que « les filières gaz verts constituent un atout majeur de renforcement économique » de notre pays et qu’elles permettront « au-delà des emplois créés [à la France] de reprendre la main sur l’utilisation de ses ressources et la production de son énergie ».

Les mesures de ce plan de relance seront donc déclinées ces deux prochaines années dans nos politiques publiques et feront l’objet d’un « suivi rigoureux » de l’exécutif via un certain nombre de comités de conseil et de comités au niveau national mais aussi à un niveau local via une déclinaison territoriale de la relance. Jean Castex s’est engagé à rendre compte tous les deux mois au Parlement de l’avancée du plan.

Crédit : Olivier Sampson.