« La pollution de l’air affecte chaque cellule de chaque organe de notre corps. Aucun n’est épargné ! »

Publié le 03/01/2020

4 min

Publié le 03/01/2020

Temps de lecture : 4 min 4 min

3 questions à…

Sophie Fleckenstein, experte en santé et environnement

Sophie Fleckenstein est consultante environnement, spécialiste des questions de santé environnementale. Juriste en droit de l’environnement de formation, elle a travaillé plusieurs années au sein d’ONG sur cette thématique, notamment à France Nature Environnement.

Propos recueillis par Laura Icart

 

Quelles sont les conséquences sanitaires et environnementales de la pollution de l’air ?

Elles sont multiples ! Les polluants atmosphériques présents dans l’air affectent quotidiennement notre santé et ils dégradent aussi notre environnement. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 4,5 millions de personnes sont mortes en 2015 des effets directs ou indirects de la pollution de l’air. Neuf personnes sur 10 respirent un air pollué dans le monde et si les habitants des zones urbaines sont particulièrement concernés, la pollution de l’air est également bien présente dans les zones rurales. Il n’y a aujourd’hui aucun endroit dans le monde où nous sommes réellement protégés de la pollution de l’air, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Et les dernières études scientifiques parues sur le sujet mettent en avant un nombre de décès prématurés nettement plus conséquent que les chiffres annoncés par l’OMS. Les effets de la pollution de l’air sur la santé concernent évidemment notre système respiratoire, mais vont en réalité bien au-delà. Les polluants de l’air affectent chaque cellule de chaque organe de notre corps. Aucun organe n’est épargné ! Aujourd’hui, de nombreuses études démontrent que les polluants atmosphériques peuvent avoir un lien avec les maladies cardiaques, certains diabètes, certains cancers comme celui de la vessie, la fragilisation de la peau et des os. Des liens sont faits avec certaines maladies mentales, l’hyperactivité et même, selon certaines études, avec l’autisme. La pollution de l’air a aussi des effets sur notre environnement car elle contribue à l’altération des végétaux et de la biodiversité, notamment du fait de l’acidification qu’elle provoque, ou encore à la dégradation du patrimoine bâti.

Les pics de pollution offrent une visibilité médiatique à la pollution de l’air mais sont-ils vraiment les plus impactants pour notre santé ?

Les pics de pollution, c’est-à-dire des concentrations très élevées de certains polluants dans l’air, ont des effets indéniables sur notre santé, notamment sur les populations fragiles. Mais la pollution qui impacte le plus durablement notre santé c’est la pollution de fond, celle que l’on subit au quotidien, le « tueur invisible ». Et dans les polluants de l’air, les particules fines et ultrafines sont particulièrement préoccupantes, qui nous exposent à des risques à long terme. L’augmentation des taux de particules fines dans l’atmosphère a été, par exemple, associée à une augmentation de l’asthme et à des allergies chez les enfants. Cette pollution chronique est présente aussi bien à côté du Mont-Blanc qu’au cœur de nos grandes métropoles. Dans une étude parue en mars 2019, l’Anses a alerté sur les effets néfastes sur la santé du carbone suie et des particules ultrafines. Il devient plus qu’urgent de réduire l’exposition à ces particules et d’ajuster les réglementations les concernant en conséquence.

Quelles mesures devraient être prises pour prévenir les effets sur la santé de la pollution de l’air ?

En premier lieu, il faudrait respecter les réglementations existantes ! La France (et ce n’est pas la seule) dépasse régulièrement pour certains polluants les seuils autorisés par la réglementation européenne pour les concentrations dans l’air de plusieurs polluants. Des politiques plus ambitieuses permettraient de faire vite mieux. Ensuite, il faudrait également lutter contre les idées reçues comme celle qui consiste à dire que l’on respire un air plus sain à la campagne qu’en ville, que la pollution de l’air ça n’est que les voitures ou encore que faire du vélo en ville est dangereux pour la santé (nous sommes plus exposés en voiture). En France, nous avons un réseau particulièrement efficace pour nous informer : celui des AASQA (associations agréées de surveillance de la qualité de l’air) qui mesure les principaux polluants sur tout le territoire 24h/24. Il ne faut pas hésiter à consulter régulièrement leurs données. Le citoyen a aussi un rôle à jouer, il doit être responsabilisé dans ses choix au quotidien de mobilité, d’aménagement et d’ameublement, les gestes d’aération de sa maison, de son lieu de travail, tout ce qui a des conséquences sur l’air qu’il respire.

Crédit : D.R.