« Agricarbur est un carburant 100 % issu du monde agricole et nous en sommes fiers ! »

Publié le 29/03/2020

4 min

Publié le 29/03/2020

Temps de lecture : 4 min 4 min

3 questions à…

Damien Roy, éleveur laitier

Damien Roy est éleveur, à la tête d’un troupeau de 150 vaches laitières en Vendée. Il fait partie d’un collectif de dix agriculteurs qui, il y a six ans, sont devenus producteurs de gaz vert en fondant Agribiométhane, une unité de méthanisation qui injecte du biométhane dans le réseau de GRDF. En 2017, ils sont également devenus distributeurs de bioGNV issu directement des effluents d’élevage. Une première en France.

Propos recueillis par Laura Icart

 

Vous vous êtes lancés dans l’aventure de la méthanisation agricole en 2014. Vous étiez alors le deuxième site de France à injecter du biométhane dans les réseaux gaziers. Pourquoi avoir fait ce pari ?

Nous sommes un groupement d’agriculteurs de Vendée et du Maine-et-Loire, réunis sur quatre exploitations [trois laitières et une porcine, NDLR] entre Cholet et Mortagne-sur-Sèvre. Nous réfléchissions à ce projet depuis 2012, convaincus que la diversification de nos activités était nécessaire dans un contexte économique difficile pour l’agriculture française, particulièrement pour les éleveurs laitiers [en 2016, un éleveur français perdait 14,31 centimes par kilogramme de lait produit, NDLR]. Nous avons créé la société Agribiométhane en 2012 et deux ans plus tard l’unité de méthanisation située à Mortagne-sur-Sèvre rentrait en fonctionnement. Notre unité est alimentée aux deux tiers par nos effluents d’élevage et pour le tiers restant par les sous-produits agroalimentaires provenant d’entreprises environnantes. Nous traitons annuellement près de 25 000 tonnes de déchets, ce qui nous permet d’injecter environ 110 Nm3 par heure de biométhane dans le réseau de GRDF, couvrant les besoins en chauffage de 1 500 Mortagnais. En moyenne, nous injectons entre 9 et 10 GWh de biométhane chaque année. Autre avantage indéniable pour nous de la méthanisation : le digestat produit, qui nous permet d’éviter chaque année l’achat de 75 tonnes d’engrais et de produits phytosanitaire, et de fait d’alléger les charges fixes de nos quatre exploitations. En tant qu’agriculteur, nous sommes convaincus de l’intérêt de récupérer le méthane agricole pour le réinjecter dans le réseau.

En 2017, vous avez créé une station-service affiliée à votre unité de méthanisation pour distribuer du bioGNV. Pourquoi le choix d’un tel modèle ?

« Agribiométhane carburant » est la première station de carburant vert issu de la transformation de déchets agricoles en biométhane en France. Elle est détenue à 90 % par notre société Agribiométhane [et 10 % par la société d’économie mixte Vendée Énergie, NDLR]. Du bioGNV distribué sous le nom d’Agricarbur, 100 % issu du biomethane produit sur l’unité de méthanisation agricole à 300 mètres de la station. Nous en sommes fiers car ce modèle est porté par des agriculteurs et cela fait sens pour nous ! 25 % de notre production de biométhane est revendue sous forme de bioGNV dans notre station. 90 % est contractualisée avec des transporteurs et des entreprises locales. La station possède trois voies pour poids lourds et une voie pour les véhicules légers. Elle peut alimenter en bioGNV jusqu’à huit camions par heure. Distribuer notre propre carburant Agricarbur était un vrai pari il y a trois ans. Il est vrai que même si nous sentons un engouement important sur le bioGNV, notamment en raison de son prix [80 centimes le litre, NDLR] et de son faible impact environnemental, nous espérons vraiment que cette carburation se développe davantage et qu’une offre constructeur émerge, notamment dans le domaine agricole.

Votre modèle (unité et station affilié) intéresse de nombreux acteurs de la méthanisation et notamment des agriculteurs. Les accompagnez-vous pour la création d’un concept similaire au vôtre ?

Effectivement, nous travaillons déjà avec d’autres agriculteurs pour la création d’un projet similaire. D’ailleurs une station vient d’être ouverte à Saumur [mise en service mi-janvier, NDLR]. Nous collaborons également sur un même projet avec des agriculteurs dans le nord de la France. Agricarbur est un carburant mais aussi une marque et nous aimerions la labelliser afin de valoriser un circuit court de production, avec un bioGNV issu majoritairement des déchets agricoles.