Air, mobilité, économie circulaire : le (bio)GNV est dans la place !

Publié le 19/01/2020

8 min

Publié le 19/01/2020

Temps de lecture : 8 min 8 min

Il n’est plus rare de croiser un véhicule roulant au GNV et au bioGNV sur nos routes. Il faut dire que la filière française s’est structurée et a développé en quelques années une flotte et un réseau de stations des plus prometteurs et des plus dynamiques en Europe. L’essor de la production de biogaz dans de nombreuses régions permet déjà une production de bioGNV 100 % locale. Un modèle, pur produit de l’économie circulaire, contribuant de fait à l’indépendance énergétique des territoires, et qui semble voué à se multiplier.

Par Laura Icart

 

À l’heure où nos régions et nos collectivités doivent faire des choix importants pour construire la mobilité de demain, tout en travaillant à améliorer la qualité de l’air, le gaz naturel pour véhicule (GNV) et le bioGNV apparaissent comme des solutions pertinentes. Une alternative au tout-électrique, qui s’appuie sur une dynamique territoriale et une autonomie avérée à des coûts compétitifs, notamment pour le transport de marchandises et de voyageurs.

Une filière ambitieuse et structurée

En moins d’une décennie, le GNV a pris un essor considérable dans notre pays. Cinq à six stations ouvrent chaque mois, le nombre de nouvelles immatriculations est en constante augmentation avec plus de 20 000 véhicules (lourds et légers) qui sillonnent désormais le territoire. Des véhicules qui peuvent se ravitailler dans les 149 points d’avitaillement publics ouverts auxquels 70 supplémentaires devraient s’ajouter d’ici la fin de l’année. Un réseau qui vient compléter les quelque 300 stations privées installées dans les collectivités, chez les transporteurs ou les exploitants de bennes à ordures (BOM) pour alimenter leurs flottes captives. Une croissance qui a de quoi réjouir le secrétaire général de l’Association française du GNV (AFGNV) Gilles Durand, qui souligne que l’objectif de la filière, à savoir 250 stations à la fin de cette année, « est à 90 % atteint ». Il faut dire que le déploiement du réseau d’avitaillement GNV est bien plus rapide que les objectifs fixés en novembre 2016 dans le cadre de la transposition nationale de la directive « Alternative Fuels Infrastructure », à savoir 80 stations publiques GNC et 115 à l’horizon 2025, auxquelles s‘ajoutent 25 stations GNL supplémentaires, soit un total de 140 stations, déjà dépassé, cinq ans avant la date butoir. Une réalité qui est loin d’être une surprise pour l’AFGNV : « La dynamique engagée ces dernières années sur le terrain est importante. » Même constat du côté de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui fixe un objectif minimum de 140 stations en 2023, puis de 330 en 2028. C’est sur le marché des véhicules lourds que la dynamique est la plus forte, 10 ans après l’arrivée des premiers bus et des premières BOM dans nos grandes agglomérations. Aujourd’hui, en France, 10 % des BOM et 12 % des bus roulent au GNV.

Le GNV a la cote dans le secteur des poids lourds

Depuis quelques années, les ventes de poids lourds au gaz pour le transport de marchandises décollent, tirées par la multiplication des points d’avitaillement, des conditions fiscales avantageuses, la possibilité de circuler même pendant les pics de pollution avec leur vignette Crit’Air 1 et des évolutions technologiques qui font aujourd’hui du GNV une solution compétitive et rentable par rapport au diesel. La France est devenue le premier marché d’Europe pour les poids lourds roulant au GNV et bioGNV. « Depuis 2014, les immatriculations des véhicules lourds roulant au GNV augmentent en moyenne de 20 % par an », précise Gilles Durand. Carrefour, Saint-Gobain, Jacky Perrenot, Auchan, Casino, XPO Logistics, Ikea : ils sont désormais très nombreux à avoir fait le choix d’intégrer dans leurs flottes des camions GNV et bioGNV. Et si le GNV permet déjà une réduction des émissions de CO2 de 10 à 15 % par rapport au diesel, l’incorporation progressive du bioGNV produit en France à partir de déchets permettra de les réduire de 80 %. Sans compter que cette forte croissance du marché des poids lourds GNV est aussi source d’emplois. Preuve en est : en 2018, le géant italien du secteur Iveco, relocalise en France, à Bourbon-Lancy, la production de moteurs de camions au gaz jusque-là produits en Chine. L’usine FPT Powertrain Technologies est l’une des rares au monde à produire des moteurs gaz dédiés aux bus et aux camions.

Quel soutien ? Quelle fiscalité ?

Le développement du GNV a été soutenu ces dernières années : avec une aide à l’investissement dans les motorisations GNV via le dispositif d’amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel sur les poids lourds et une fiscalité avantageuse pour la consommation de GNV ; avec un soutien aux infrastructures de recharge dans le cadre des projets d’investissement d’avenir de l’Ademe ; avec la loi de finances 2019 qui a conforté les dispositions fiscales déjà prises en faveur du GNV. Ainsi, la taxe carburant (TICPE) pour le GNV est gelée à sa valeur 2018 jusqu’en 2022. Le dispositif de suramortissement pour l’achat de véhicules industriels GNV est quand à lui prolongé jusqu’en 2021.

Le bioGNV, le carburant vert issu de nos déchets

Le bioGNV produit à partir de déchets organiques issus de l’industrie agro-alimentaire, de biodéchets ou d’exploitations agricoles, d’ordures ménagères ou de boues de stations d’épuration, s’installe progressivement comme un carburant incontournable sur nos territoires. « Le taux d’incorporation de biométhane dans le GNV est de 17 % en 2019 », souligne Gilles Durand. « Ce résultat est le rapport entre volume de garanties d’origine utilisées à usage carburant l’année dernière et le volume total de GNV consommé » précise-t-il. Un taux qui doit normalement atteindre 23 % en 2023 selon la PPE. Le bioGNV présente plusieurs atouts non négligeables pour l’attractivité et le dynamisme de nos territoires. Il est en premier lieu issu de la méthanisation de nos déchets, une activité qui génère aujourd’hui un revenu complémentaire pour de nombreux agriculteurs. C’est également une énergie locale, pouvant être distribuée directement aux habitants et répondant à logique d’économie circulaire. Le développement du bioGNV est totalement lié à l’essor des unités de méthanisation injectant dans les réseaux gaziers, aujourd’hui au nombre de 123. Ainsi, les déchets organiques de 4 000 habitants permettent de produire l’équivalent de la consommation annuelle d’une BOM (7 000 habitants pour un bus). Le bioGNV est de fait une externalité directement consommable, qui permet de faire profiter les territoires et les citoyens des bénéfices de la méthanisation et permettrait peut-être une meilleure acceptabilité des projets dans nos campagnes.

La « GNV story » des territoires

Aujourd’hui, la moitié des villes françaises de plus de 200 000 habitants a choisi de passer une part significative de sa flotte de bus au GNV. La Métropole européenne de Lille (MEL) a ainsi été la première à faire rouler des bus avec du biogaz issu d’une station d’épuration et est aujourd’hui la seule métropole de France à faire circuler l’intégralité de sa flotte de bus urbains au GNV et bioGNV. A Nancy, 59 % des bus roulent au GNV : un pari fait par la ville il y a une vingtaine d’années et qu’elle considère aujourd’hui comme une réussite tant pour ses atouts environnementaux que pour les économies de fonctionnement réalisées. Quant au Mans, sur une flotte globale de 136 bus, 70 roulent au GNV, dont 10 à haut niveau de service (BHNS). Du côté des bus et des autocars au gaz, aux nombreuses expérimentations lancées s’ajoutent les déploiements actés par plusieurs collectivités. À Bordeaux, 71 % du parc roule déjà au GNV tandis qu’à Poitiers l’ambition est de porter la part du gaz à 50 % au cours des prochaines années.

ACV : le cheval de bataille de la filière

« Pour réussir la transition énergétique dans les transports, il est impératif de prendre en compte le caractère renouvelable des carburants en analyse du cycle de vie » martèle le secrétaire général de l’AFGNV. Il faut dire que l’étude menée par l’IFP Énergies nouvelles, qui évalue les impacts environnementaux potentiels de différents moyens de transport routier selon une démarche ACV démontre qu’un véhicule moyenne gamme roulant exclusivement au bioGNV, toute motorisation confondue, affiche un gain de 36 % en comparaison à un véhicule électrique (60 kWh). Pourtant, avec l’approche actuelle « tank to wheel » de l’Union européenne, les gains apportés par les carburants d’origine renouvelable comme le bioGNV ne sont absolument pas pris en compte. Plusieurs acteurs de l’industrie gazière française mais aussi l’Association européenne du GNV (NGVA) sont mobilisés pour faire évoluer plus rapidement que prévu (2023) la réglementation européenne, afin que le GNV et le bioGNV puissent être considérés comme une alternative viable pour les acteurs économiques et politiques. Si aujourd’hui la capacité française de production de biogaz, estimée à 1,2 TWh, peut alimenter entre 100 et 150 000 véhicules au bioGNV, l’augmentation de la flotte bioGNV est corrélée à l’essor des unités de méthanisation sur notre territoire. L’étude recommande d’ailleurs une motorisation hybride GNV et bioGNV (60 à 40 %) qui, même pour un véhicule hybride non rechargeable, aurait un impact climatique équivalent « à un véhicule électrique à autonomie étendue ».