Sept points à retenir pour le biogaz dans le projet de loi « accélération des renouvelables »

En France, si la filière du biogaz affiche une croissance continue, l'année 2022 marque un coup d'arrêt avec un nombre important de projets abandonnés, faute de rentabilité.

Publié le 17/01/2023

7 min

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Temps de lecture : 7 min 7 min

Les députés ont adopté la semaine dernière le projet de loi pour l’accélération des énergies renouvelables en première lecture. Dans ce texte, plusieurs dispositions concernent le secteur du biogaz et biométhane et plus particulièrement la méthanisation. Que faut-il retenir avant la Commission mixte paritaire prévue le 24 janvier ? 

Par Laura Icart

 

Le projet de loi AER doit permettre d’accélérer la production d’énergie renouvelable dans notre pays alors que leur part dans notre consommation finale brute d’énergie ne représente que 19,3 % en 2021, loin derrière notre objectif européen fixé à 23 % en 2020. Mais si la France est en retard, elle a aussi du potentiel. En septembre, le Syndicat des énergies renouvelables estimait que la France a le potentiel pour atteindre 45 % d’EnR dans sa consommation énergétique dès 2030, au-delà de l’objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)  promulguée le 17 août 2015 qui fixe à 32 % la part des EnR dans notre consommation en 2030. Pour y parvenir, la France pourra s’appuyer sur les gaz renouvelables, avec un potentiel évalué par différents scénarios autour de 70 TWh, dont un peu plus de 60 TWh pour la méthanisation (cogénération et injection), avec de nombreuses dispositions introduites par les sénateurs.

Le code de l’urbanisme et le code rural sont  harmonisés

C’était une demande de la filière du biogaz. Le manque d’harmonisation entre le code de l’urbanisme et le code rural pouvait faire l’objet de recours des opposants aux projets de méthanisation, s’appuyant sur le fait que les unités de méthanisation ne pouvaient être explicitement considérées comme des installations nécessaires à l’exploitation agricole. Désormais les deux codes sont alignés juridiquement et une méthanisation agricole est définie comme telle si elle comporte dans ses intrants a minima 50 % d’effluents d’élevage. Si le Sénat avait introduit un amendement visant à augmenter ce seuil à 80 %, les députés ne l’ont pas retenus in fine. Il subsiste toutefois « une incertitude sur l’application de l’article D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime pour définir le caractère nécessaire à l’activité agricole d’une unité de méthanisation » note Emma Babin, avocate associée chez Gossement Avocats, spécialiste des questions du biogaz, qui précise que les modalités d’application de l’article [D. 311-18 ] « prévoit que, pour qu’une activité de production de biogaz par méthanisation puisse être considérée comme une activité agricole, l’unité de méthanisation doit être exploitée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles », estimant qu’un certain flou subsiste sur cette question.

Point de vigilance sur les cive 

L’article 16 décies évoque notamment la question des cultures intermédiaires à vocation énergétique (cive) et plus exactement la question de leur irrigation. En effet, une disposition adoptée en première lecture interdit l’irrigation des cive dans les zones de répartition des eaux. En France, elles sont actuellement peu utilisées pour la méthanisation (moins de 3 % des surfaces cultivées), même si leur potentiel est amené à fortement se développer dans les années à venir en amenant les agricultures vers des pratiques culturales davantage tournées vers l’agroécologie en favorisant la couverture des sols.

L’instauration d’un régime de BPA sur le modèle existant des PPA

Annoncé par la ministre de la Transition énergétique et approuvée par la filière, l’article 17 instaure la création d’un statut pour les Biogaz Purchase Agreement (BPA) dans le code de l’énergie. Sur le même principe que le PPA (Power Purchase Agreement), il ouvre le champ des contrats gré à gré. En commission, une nouvelle disposition a été prise : il s’agit d’autoriser les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices à souscrire des contrats PPA avec des gaz renouvelables et bas carbone dans le cadre d’une autoconsommation collective.

Pas de réduction directe sur la facture mais des aides ciblées pour les plus vulnérables

La réduction forfaitaire sur la facture des particuliers ayant un projet d’énergie renouvelable s’installant à proximité de chez eux a été supprimé au profit de dispositifs qui seront à la charge des porteurs de projets de biogaz, notamment à un échelon départemental, auxquelles se rajouteront des mesures mises en place par les communes pour financer la lutte contre la précarité énergétique ou la restauration de la biodiversité.

Un statut juridique pour les nouvelles technologies de production de gaz renouvelables

L’article 19 était également fortement poussé par la filière qui mise beaucoup sur les nouvelles technologies de gaz renouvelables pour décarboner ses usages : la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et la méthanation. Si leur part sera encore modeste selon la filière en 2030 (environ 11 TWh), elle devrait croître rapidement jusqu’à 2050. Cet article étend surtout une série de dispositions aux gaz bas carbone jusque-là réservés uniquement au biogaz, comme des contrats d’expérimentation. Cet article offre également la possibilité de pouvoir raccorder des unités de production de gaz bas carbone en dehors d’une zone de desserte des gestionnaires de réseaux.

L’autoconsommation collective désormais possible avec du biogaz

L’article 19 bis instaure un cadre juridique  et législatif  pour les collectivités territoriales en les autorisant à se fournir en électricité par le biais de l’autoconsommation collective. Le Sénat a étendu cette possibilité aux gaz renouvelables injecté dans les réseaux et l’Assemblée nationale a précisé les modalités de cette extension en explicitant notamment que « le gaz renouvelable injecté dans le réseau qui excède la consommation associée à l’opération d’autoconsommation » puisse être « cédé à titre gracieux »  au gestionnaire du réseau public de distribution, s’il ne peut être vendu. 

Fonds de garantie et régionalisation des appels d’offres ?

Si plusieurs dispositions devraient permettre de faire avancer les projets de production de biogaz, bien que la filière espère également des avancées réglementaires dans les prochaines semaines – comme l’indexation des tarifs sur l’inflation ou un certain nombre de dispositions pour réduire les contraintes ICPE -, plusieurs points dans ce projet de loi peuvent encore évoluer en faveur du biogaz. Lors de la CMP, la question d’étendre la possibilité de faire bénéficier du fonds de garantie aux projets de production de gaz renouvelable, valable aujourd’hui uniquement pour les EnR électriques, sera un enjeu clé pour la filière. L’extension au biométhane semblerait avoir les faveurs du gouvernement, par mesure d’équité notamment, alors que la garantie offerte par ce fonds pourrait être particulièrement intéressante dans un contexte économique morose pour les porteurs de projets. Autre enjeu relevé, les appels d’offres au niveau régional qui ne concernent pas aujourd’hui le gaz renouvelable, alors qu’un certain nombre de régions misent sur cette énergie pour participer à la décarbonation de leur mix énergétique.