Le projet de loi dédié aux EnR adopté en première lecture

Publié le 11/01/2023

7 min

Publié le 11/01/2023

Temps de lecture : 7 min 7 min

Les députés ont adopté mardi 10 janvier dans la soirée le projet de loi pour l’accélération des énergies renouvelables. Un texte important pour le gouvernement qui espère désormais accélérer les productions d’énergies renouvelables dans notre pays alors que la France accuse un sérieux retard dans l’atteinte de ses objectifs. Députés et sénateurs devront s’accorder sur un texte de compromis le 24 janvier lors de la commission mixte paritaire.

Par Laura Icart

 

Dans un hémicycle comble et non sans mal, la faute à des bugs techniques sur le vote électronique, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi AER avec le soutien des députés socialistes, une première depuis le début de cette nouvelle mandature. Si la nécessité d’augmenter la part des renouvelables en France avait été actée dans le discours du président de la République à Belfort il y a un peu moins d’un an, la crise énergétique accentuée par la guerre en Ukraine a convaincu l’Europe et la France que l’accélération du déploiement des projets d’énergies renouvelables devrait être mise en place rapidement. L’Union européenne a adopté en fin d’année son règlement sur les énergies renouvelables, la France se dote elle aussi d’un outil législatif avec un certain nombre de mesures pour rattraper son retard (19,3 % en 2021 contre 23 % fixé en 2020) et se mettre sur une trajectoire.

286 voix pour, 238 contre, 35 absentions

Foncier, partage de la valeur, zonage, planification, acceptabilité sont revenus en boucle ces dernières semaines dans les couloirs de l’Assemblée et si certains groupes politiques à l’image de La France insoumise ont voté contre, estimant notamment que ce texte accélère « la marchandisation des EnR », quand la gauche radicale a mis en avant un texte « flou » pour lequel le gouvernement a concédé « des miettes ». Le groupe Les Républicains, qui avait déjà annoncé qu’il voterait contre, a évoqué « un gâchis » politique. Sans surprise non plus, le vote du Rassemblement national qui a évoqué à chacune de ses prises de parole le caractère « intermittent » des EnR, estimant que cette loi n’apporterait « aucune souveraineté » et aurait pour principale conséquence « l’ouverture de centrales au charbon ou au gaz ». Du côté de la majorité, le groupe Renaissance a souligné toutes « les avancées importantes du texte », le groupe Modem a évoqué « la capacité d’écoute » de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et « son sens du compromis » et le groupe Horizon note également un texte « enrichi » notamment « sur la territorialisation et la planification ». La surprise est venue du groupe socialiste qui avait annoncé hier dans la matinée son intention de voter pour ce projet de loi, estimant que de nombreux amendements de leur groupe ont été adoptés – 70 amendements du groupe ont été intégrés au projet de loi -, tout en prévenant déjà que leurs votes dans le cadre de la CMP n’est pas « acquis » et que plusieurs points importants comme le caractère obligatoire à terme des zones d’accélération sont « à régler ». Le groupe LIOT, qui a regretté le caractère « incomplet » du projet de loi, soulignant notamment leur déception de voir un amendement de leur groupe jugé « pragmatique » sur le partage de la valeur ajoutée. Le groupe a néanmoins annoncé que le PJL représentait « une avancée par rapport à l’existant », illustrant le fait qu’une partie de leur groupe voterait « pour » et une autre s’abstiendrait. Les députés écologistes estiment que le verre est à « moitié vide », déplorant « le manque d’ambitions » sur le climat, la biodiversité mais aussi sur le solaire, et s’est donc abstenu.

Planification, zonage, réduction des délais, foncier

Après un passage en première lecture au Sénat, le vote à l’Assemblée s’annonçait plus compliqué mais les ralliements du groupe socialiste et d’une partie des députés LIOT a été décisif pour permettre à ce texte d’être adopté en première lecture. La ministre de la Transition énergétique ne s’y est pas trompée en saluant à l’issue du vote  « les positions responsables et au service de l’intérêt général » des groupes socialistes et LIOT, « loin des postures politiques ». Agnès Pannier-Runacher a également salué le travail parlementaire « inédit » venu enrichir ce texte avec « plus de 90 heures de débats », « 645 amendements, dont près de la moitié venant des groupes d’opposition ». La ministre de la Transition énergétique estime que ce projet « permet de nous inscrire dans la trajectoire extrêmement ambitieuse du paquet climat européen ». Et cette trajectoire demeure un sacré défi pour la France, seul pays à avoir raté ses objectifs  en matière d’énergie renouvelable en 2020. Le projet AER, s’il porte sur l’ensemble des énergies renouvelables  (éolien en mer, éolien terrestre photovoltaïque, biogaz, agrivoltaïsme), c’est principalement sur l’éolien en mer et le solaire que le gouvernement a choisi de mettre l’accent, conformément au discours de Belfort qui table pour l’éolien offshore sur un objectif de l’ordre de 40 GW en service en 2050, soit une cinquantaine de parcs éoliens en mer. Pour le solaire, l’ambition est d’atteindre une capacité de 100 GW d’ici 2050 (contre 14,6 GW au premier trimestre 2022). Pour y parvenir, le projet de loi AER prévoit des mécanismes temporaires (prévus sur quatre ans), des procédures administratives pour simplifier et accélérer la réalisation des projets avec un seul objectif : la réduction des délais, l’obtention des permis notamment qui, en France, sont plus longs à obtenir que dans beaucoup de pays européens. Un décret listera les installations et opérations concernées. Des réductions des possibilités de recours notamment ont été ajoutées au texte avec la possibilité d’adapter la procédure d’autorisation environnementale. Une libération du foncier pour le solaire et l’éolien est également prévue. Le sujet des communes et de la place des élus locaux dans cette planification des renouvelables est au cœur de cette loi, crispant le débat parfois autour du droit de veto des maires voulu par les députés Les Républicains, pourtant retiré par le Sénat et l’aile gauche de l’Assemblée qui s’y est opposée totalement. Ce sont finalement dans des zones dites d’accélération que les projets devront être « prioritairement déployés » et où l’autorisation des maires dans le processus d’identification sera nécessaire. Ce projet de loi devait également amener un meilleur partage de la valeur. Si la réduction directe sur les factures a été supprimée, des mesures territoriales pourront être appliquées et ciblées en priorité vers des ménages modestes. 

Ultimes arbitrages en CMP ?

De nouveaux arbitrages sont attendus en commission mixte paritaire. Les écologistes et les socialistes ont redit qu’ils seraient particulièrement vigilants à ce que certaines de leurs mesures y soient intégrées et que le texte soit « renforcé ». La ministre a déjà assuré que le « dialogue » serait de mise pour cette CMP où des mesures pourraient être rediscutées en vue d’une CMP conclusive, le 24 janvier.