Programmation énergétique : la France toujours en attente d’un cap

Énergie
18/09/2025
6 min

À quelques jours de leur colloque annuel, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) s’inquiète de l’hostilité ambiante autour du développement des énergies renouvelables en France. L’instabilité politique installée depuis plusieurs mois et le manque de visibilité sur la stratégie énergétique française favorise « un climat de défiance » selon le SER et « pourrait freiner » le développement des projets d’énergies renouvelables dans les territoires.

Par Laura Icart

Depuis des mois, le Syndicat des énergies renouvelables demande la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie 3 (PPE 3) si attendue d’un côté et si contestée d’autre part. Dernier feuilleton de l’été qui a vu le Premier ministre d’alors François Bayrou la signer avant de renoncer à la publier, la PPE 3 n’est toujours pas publiée, laissant beaucoup de filières et d’industriels dans l’incertitude. « La France a besoin d’une vision et de perspectives pour garantir sa sécurité et sa souveraineté énergétique » rappelle le président du SER, Jules Nyssen.

Un débat politique sous tension permanente

Depuis plusieurs années maintenant, la politique énergétique française peine à s’inscrire dans une vision de long terme. Si la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) a été publié en novembre 2023, les textes réglementaires censés la décliner sur son pendant énergétique du moins – le Pnacc a été publié – sont toujours aux abonnés absents. La PPE, censée fixer le cap de la production énergétique, n’a pas été publiée malgré plusieurs tentatives. Le Conseil d’État lui-même a rappelé l’urgence d’un cadre pluriannuel, soulignant l’impossibilité de planifier sur le seul principe de l’annualité budgétaire. À côté, la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui doit donner un sens aux choix de production et le tempo de la baisse des consommations énergétiques, « est reléguée au second plan » regrette Jules Nyssen. « Or, sans elle, impossible de hiérarchiser les investissements : mobilité, chauffage des particuliers, électrification de l’industrie. Il n’est plus possible d’avoir un débat politique structuré aujourd’hui sur la question énergétique », l’énergie étant devenue davantage selon lui « un objet de négociation politique ». « Il n’y a plus de rationalité » a-t-il avancé lors d’un échange avec la presse, ce 18 novembre.

Éolien : « un moratoire qui ne dit pas son nom dans les préfectures« 

Côté éolien terrestre, le diagnostic est sévère : les procédures de permis s’enlisent dans les préfectures. « Si l’État avait voulu organiser un moratoire, il ne s’y serait pas pris autrement », regrette le président de la commission éolien terrestre du SER, William Arkwright. Au cours du premier semestre 2025, environ 276 MW ont été installés. En suivant cette tendance, 0,5 GW devraient être installés cette année, soit un tiers seulement des capacités installées en 2023. « Les matraquages idéologiques et médiatiques laissent des traces » regrette-t-il, évoquant un pipe de projets qui « s’érode ». Pourtant, la volonté locale existe : 7 000 zones d’accélération éolienne ont été identifiées par les conseils municipaux – « preuve que les territoires restent volontaires » souligne Jules Nyssen. Environ 3 700 zones sont aujourd’hui validées, les autres sont en cours d’instruction, freinées parfois « par un climat politique et administratif délétère». Le paradoxe est d’autant plus fort que l’éolien terrestre est compétitif : selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), il contribue même positivement aux finances publiques grâce à la baisse des coûts de production. « Sur le terrain, chaque éolienne rapporte en moyenne 10 000 euros de fiscalité annuelle aux communes rurales » rappelle William Arkwright.

Solaire : une croissance spectaculaire mais fragile

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au premier semestre 2025, 3,3 gigawatts de nouvelles capacités solaires ont été raccordées, confirmant une dynamique exceptionnelle. Mais derrière ces volumes, la filière alerte : disparition du dispositif S21, appels d’offres en retard, et surtout absence de perspectives au-delà de juillet 2026, faute de PPE. « Concrètement, les entreprises du solaire – en particulier les petites structures – se retrouvent sans visibilité. La croissance actuelle masque une fragilité inquiétante », résume Xavier Daval, président de la commission solaire du SER. « L’appareil politique instable rend la France incapable de piloter des projets du temps long terme » ajoute celui qui est également président de Kilowattsol.

Souvent reléguée derrière le solaire et l’éolien, la filière chaleur renouvelable, dominée par la biomasse, représente pourtant 75 % de la chaleur verte consommée en France et près de 50 000 emplois dans les territoires. Le fonds chaleur de l’Ademe reste l’instrument clé : à 7 à 8 euros par tonne de CO₂ évitée, « il constitue le dispositif de décarbonation le plus rentable » affirme Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat et vice-président du SER, dénonçant les « stop and go » budgétaires sur ce sujet, préjudiciables à la dynamique des projets « en croissance » sur tous les territoires, indiquait récemment la Fedene, fédération représentative de la décarbonation de la chaleur.

Au fond, pour le SER, l’impasse est claire : faute de planification, les investissements, qu’ils soient dans l’éolien en mer, le solaire ou même le nucléaire, ne peuvent se concrétiser. « Sans PPE, c’est toute la trajectoire énergétique de la France qui reste suspendue » regrette Jules Nyssen, à quelques mois des municipales et moins de deux ans avant l’élection présidentielle.

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