Loi climat : le gouvernement fixe ses lignes rouges

Le vote solennel du projet de loi Climat et résilience par le Sénat aura lieu le 29 juin.

Publié le 28/06/2021

6 min

Publié le 28/06/2021

Temps de lecture : 6 min 6 min

Alors que le vote du projet de loi climat et résilience aura lieu demain au Sénat et que la Commission mixte paritaire (CMP) est annoncée le 12 juillet, le texte présente selon l’entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, « de nombreux reculs » et une ambition qualifiée de « façade ». Si tous espèrent une CMP conclusive, les désaccords sur des articles structurants du projet de loi sont déjà nombreux.

Par Laura Icart

 

La ministre de la Transition écologique avait déjà exprimé son inquiétude la semaine dernière lorsque le Sénat a fait le choix de reculer de cinq ans la généralisation du dispositif des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), estimant que le calendrier prévu à l’article 27 du projet de loi climat et résilience était bien « trop rapide et restrictif », avec notamment une interdiction des véhicules Crit’air 3 ou plus prévue à partir de 2025. Son entourage a confirmé à la presse ce matin que ce choix de la chambre basse de reculer sur l’une des mesures les plus emblématiques de ce projet de loi, alors même que les sénateurs ont évoqué à plusieurs reprises le fait qu’ils ont réhaussé l’ambition du projet, est un « non-sens » pour le ministère de la Transition écologique. « Les sénateurs ont travaillé sur la carrosserie mais ils ont dépecé le moteur » souligne un conseiller de la ministre.

De nombreuses divergences

Demain, les sénateurs adopteront (a priori) le projet de loi climat et résilience. Un texte un peu trop remanié aux yeux du gouvernement qui a listé plusieurs reculs importants. « Des lignes rouges » souligne-t-on toujours dans l’entourage de Barbara Pompili qui ne pourront être franchies si CMP conclusive, il devait y avoir. Elles concernent particulièrement les secteurs les plus émetteurs de notre économie : le transport, le logement et l’agriculture et elles sont, au-delà de « vraies avancées sociétales », parmi les « plus structurantes » du texte nous précise-t-on. Des mesures que le gouvernement compte bien rétablir en CMP ou lors d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

Les ZFE : le calendrier de la discorde

En décalant la mise en place du dispositif des ZFE-m (pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants) de 2025 à 2030, le Sénat souhaitait redonner la main aux collectivités territoriales pour définir le cadre des ZFE-m. Il a donc modifié le texte en assouplissant le calendrier de mise en place de restrictions de circulation pour les ZFE-m obligatoires à cause de dépassements chroniques des normes de qualité de l’air en décalant l’interdiction de circulation des véhicules Crit’air 3 et supérieurs au 1er janvier 2030 et en supprimant les jalonnements intermédiaires d’interdiction de circulation des véhicules Crit’air 5 et 4, respectivement en 2023 et en 2024, afin de « laisser le choix aux collectivités territoriales de définir la manière d’atteindre cet objectif ». Le Sénat a également voté un amendement introduisant une possibilité de blocage du transfert automatique de compétences des maires relatives aux ZFE-m. « C’est repousser de presque une décennie le problème » clame-t-on dans l’entourage de la ministre, alors que la pollution de l’air serait responsable chaque année dans notre pays de plus de 40 000 décès prématurés. Si le trafic routier n’est pas, loin s’en faut, le seul émetteur de polluants de l’air néfaste pour notre santé, la baisse des concentrations en dioxyde d’azote (NO2) observée pendant les périodes de confinement, alors que la France a été mise en demeure par la Commission européenne et fait l’objet d’un contentieux du Conseil d’État pour des dépassements répétés des seuils de concentration pour leNO2, laisse à penser que la généralisation des ZFE devrait permettre d’améliorer la qualité de l’air dans ces zones surexposées au trafic routier avec des bénéfices sanitaires immédiats. Dans une étude publiée récemment, l’Observatoire régional de santé (ORS) et Airparif ont évalué les bénéfices sanitaires attendus, alors que depuis le 1er juin la métropole du Grand Paris interdit l’accès aux véhicules Crit’Air 4 à l’ensemble du périmètre intérieur de l’A86 dans le cadre de sa ZFE-m métropolitaine. Il en ressort qu’après une année de mise en œuvre, la mise en place du dispositif permettrait « même en considérant un nombre réduit de pathologies, un évitement de l’ordre de 50 décès prématurés pour un total de 17 890 années de vie gagnées chaque année ». Les deux entités estiment également que cela permettrait de réduire plus de 500 nouveaux cas d’asthme l’année suivant sa mise en place et de diminuer « les nouveaux cas de pathologies cardiovasculaires et les recours aux soins et hospitalisations liées à ces pathologies ».

Autre ligne rouge : elle concerne le secteur du bâtiment pour le gouvernement, qui refuse littéralement d’attendre 2040 pour obliger les classes E du diagnostic de performance énergétique à rénover leurs logements, alors que les députés avaient acté cette interdiction en 2034. Si le MTE reconnaît que l’objectif pour tout le monde est bien d’atteindre un parc BBC en 2050 avec une trajectoire progressive, il revient également sur la définition de rénovation performante choisie par le Sénat, qui avait déjà fait couler de l’encre à l’Assemblée, et estime qu’in fine une rénovation peut être qualifiée de « performante » si elle saute au moins « deux classes du DPE ». La poursuite de l’expérimentation d’un repas hebdomadaire végétarien dans les cantines au lieu d’une obligation et la suppression de la taxe sur les engrais sont deux mesures sur lesquelles le gouvernement ne souhaite pas transiger alors que « 15 % des émissions mondiales de GES sont liées à l’élevage » indique le cabinet de la ministre.

A ce stade, difficile d’imaginer que la CMP puisse être conclusive, mais si tel était le cas, le vote de la loi aura lieu avant les vacances parlementaires. Dans le cas contraire, c’est une session extraordinaire à la rentrée, qui viendra définitivement entériner le projet de loi climat et résilience, qualifié « de plus grande loi écologiste depuis deux décennies » par l’entourage de Barbara Pompili et pour laquelle de très nombreux d’application sont attendus d’ici la fin du quinquennat.