L’Europe se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale

Publié le 07/11/2022

10 min

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Depuis 30 ans, l’Europe connaît un réchauffement plus de deux fois supérieur à la moyenne planétaire indique un rapport sur l’état du climat en Europe élaboré par l’Organisation météorologique mondiale des Nations unies (OMM) et le service européen sur le changement climatique Copernicus. Publié le 2 novembre, il se concentre particulièrement sur l’année 2021. Si les défis à relever « restent de taille », les deux organismes soulignent cependant que l’Union réduit depuis plusieurs décennies ses émissions de gaz à effet de serre et que l’Europe est l’une des régions « les plus avancées » en matière de coopération transfrontière pour l’adaptation au changement climatique.

Par Laura Icart

 

« L’Europe offre l’image vivante d’une planète qui se réchauffe. Elle nous rappelle que même les sociétés bien préparées ne sont pas à l’abri des conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes » a souligné Petteri Taalas, le secrétaire général de l’OMM. Le rapport sur l’état du climat en Europe récemment paru est le premier d’une nouvelle série qui sera publiée chaque année conjointement par le conseil régional pour l’Europe de l’Organisation météorologique mondiale et par le service Copernicus de surveillance du changement climatique du programme d’observation de la Terre de l’Union européenne.

L’Europe, le continent le plus touché

Selon ce nouveau rapport de l’OMM, l’Europe se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale. En 30 ans, les températures ont augmenté en moyenne de 0,5 degré par décennie, entraînant dans leur sillage une multitude de phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes : chaleurs, feux de forêt, inondations et sécheresses. Les conséquences sont dévastatrices sur l’environnement : les glaciers alpins ont perdu 30 mètres d’épaisseur, la calotte glaciaire du Groenland fond progressivement, contribuant à accélérer l’élévation du niveau de la mer, les périodes sécheresses augmentent. La lente augmentation du niveau des mers est de plus en plus préoccupante pour les zones côtières, qui « produisent environ 40 % du PIB de l’Union et abritent près de 40 % de sa population » selon la Commission européenne. En 2022, la fonte des glaciers alpins « a battu des records ». Dans l’ensemble des Alpes, « on a mesuré des pertes d’épaisseur moyennes comprises entre 3 mètres et plus de 4 mètres, soit nettement plus que lors de l’année record précédente, en 2003 » souligne l’OMM. Météo France parle même d’une « sécheresse historique » pour qualifier l’été qui joue les prolongations en France et particulièrement dans le sud.  « Octobre 2022 devrait être le mois d’octobre le plus chaud en France depuis le début des mesures en 1945, avec une température moyenne qui devrait être voisine, voire supérieure, à 17 °C sur l’ensemble du mois », a indiqué l’établissement public. 17 °C, c’est 3 à 4 °C au-dessus de la normale observée ces dernières années. En Europe, ce sont principalement les secteurs de l’agriculture, de l’énergie et de l’approvisionnement public en eau qui supportent les pertes causées par la sécheresse (environ 9 milliards d’euros par an). En Europe occidentale et centrale, les sécheresses extrêmes enregistrées en 2018, 2019 et 2020 ont causé des dégâts considérables. Rien qu’en 2018, les dommages agricoles se sont chiffrés à quelque 2 milliards d’euros en France, 1,4 milliard d’euros aux Pays-Bas et 770 millions d’euros en Allemagne. Avec un réchauffement planétaire à 3 °C, les sécheresses seraient deux fois plus fréquentes et les pertes annuelles nettes dues à la sécheresse en Europe atteindraient 40 milliards d’euros par an et frapperaient le plus durement les régions méditerranéennes et atlantiques selon la quatrième étude de la projection de l’impact économique du changement climatique dans les secteurs de l’Union européenne  (PESEAT IV) publiée il y a deux ans. Depuis 2020, les records se multiplient avec des années toujours plus chaudes qui affolent les compteurs. L’été 2022 est le plus chaud jamais enregistré en Europe, avec des températures qui ont battu de 0,4 °C le précédent record de chaleur qui datait (seulement) de l’été précédent, selon le programme Copernicus.  De grandes parties de l’Europe ont souffert d’épisodes répétés de chaleur extrême. Les cours d’eau européens, dont le Rhin, la Loire et le Danube, « ont atteint un niveau critique » souligne l’organisme des Nations Unies qui fait autorité pour les questions relatives au temps, au climat et à l’eau.

Un coût humain et financier (déjà) énorme

En 2021, « des inondations exceptionnelles ont semé la mort et la dévastation », a souligné Petteri Taalas, de l’OMM. Le nombre d’inondations graves en Europe est en constante augmentation. Dans la région méditerranéenne, l’intensité des précipitations a augmenté de 22 % au cours des 50 dernières années. Depuis 1980, les incendies de forêt ont détruit près de 190 000 kilomètres carrés selon le système européen sur les feux de forêt, soit deux fois la superficie du Portugal. Un chiffre qui n’inclut pas tous les hectares détruits au cours de l’été 2022, avec des incendies particulièrement dévastateurs qui ont touché une grande partie de l’Europe, dont la France. La Gironde a vu partir en fumée plus de 65 000 hectares en un été. En 2021, les phénomènes météorologiques et climatiques à fort impact « ont provoqué des centaines de décès, touché directement plus d’un demi-million de personnes » note l’OMM qui précise que  dans « 84 % des cas, il s’agissait d’inondations ou de tempêtes ». Entre 1980 et 2020, plus de 138 000 personnes au sein de l’UE ont perdu la vie en raison de phénomènes extrêmes indique l’Agence européenne de l’environnement (AEE) qui précise que « la France, l’Italie et l’Allemagne »  sont les plus touchées. Le changement climatique entraîne aussi des pertes économiques. Toujours selon l’AEE et l’OMM, les pertes financières entre 1980 et 2020 « s’élèvent à plus de 487 milliards d’euros ». Le coût économique des crues est évalué chaque année à près de 5 milliards d’euros quand celui des feux de forêt est évalué à 2 milliards d’euros. Pour la seule année 2021, les dommages économiques dépassent les 50 milliards de dollars. Et les choses ne devraient pas s’arranger, selon les projections présentées dans le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat : les catastrophes naturelles d’origine météorologique, hydrologique et climatique vont augmenter à l’avenir, « quel que soit le scénario envisagé pour l’évolution des émissions de gaz à effet de serre ».

 

Catastrophes naturelles d’origine météorologique, hydrologique et climatique en Europe en 2021. Source des données : EM/DAT, consulté le 9 août 2022. 

Les Européens de plus en plus vulnérables

Le changement climatique a et aura un impact grandissant sur la santé de la population européenne. Qu’il s’agisse de phénomènes météorologiques extrêmes comme les vagues de chaleur ou l’augmentation des zoonoses (maladies infectieuses qui se transmettent de l’animal à l’homme), les décès et les maladies liés à ce phénomène seront de plus en plus importants sur les Européens. La population vieillissante du Vieux Continent sera davantage « vulnérable » aux vagues de chaleur par exemple. Autre effet relevé par l’OMM : l’augmentation potentielle des allergies dues à une diffusion plus importante des pollens et des spores. « Plus de 24 % des adultes vivant dans la région européenne souffrent de diverses allergies, dont des formes sévères d’asthme. Chez les enfants de la région, la proportion est de 30 à 40 % et ne cesse d’augmenter » souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En Europe, en 2019,  près de 500 000 décès ont été causés par une pollution de l’air ambiant due à des particules fines d’origine anthropique, dont une part importante était directement liée à la combustion de matières fossiles, dont plus de 300 000 dans l’Union européenne selon l’AEE, et près de 40 000 en France, selon Santé publique France. Un chiffre conséquent mais qui affiche  pourtant une baisse constante depuis plusieurs décennies. Au début des années 90, la pollution de l’air était responsable de près d’un million de décès prématurés dans l’UE. En 2005, ce chiffre était tombé à 450 000. L’OMM estime qu’environ « 138 000 décès prématurés pourraient être évités chaque année grâce à une réduction des émissions de carbone, qui permettrait d’économiser entre 244 et 564 milliards de dollars ».

L’Europe se réchauffe mais l’Europe se prépare

« Toutes les nouvelles ne sont cependant pas mauvaises » note l’OMM dans son rapport. En effet, plusieurs pays européens dont la France parviennent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Entre 1990 et 2019, la France a diminué les siennes de 20 %, en particulier grâce aux réductions des émissions des secteurs de l’industrie manufacturière et de l’industrie de l’énergie. Une baisse d’environ 1 % par an en moyenne. Selon le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), l’atteinte d’un zéro émission net en 2050 doit aller de pair avec « un rythme de réduction annuelle progressif, entre – 3 % et – 4 % par an sur la période 2022-2030 ». La marche à franchir reste importante dans notre pays. Dans l’UE, les émissions ont diminué de 31 % entre 1990 et 2020, alors que l’objectif est une réduction nette de 55 % à l’horizon 2030.  « La société européenne est vulnérable à la variabilité du climat et au changement climatique, mais le continent est également aux avant-postes des activités internationales menées pour atténuer le changement climatique et élaborer des solutions novatrices pour s’adapter au nouveau climat qui attend l’Europe», fait valoir Carlo Buontempo, directeur du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT). Car pour l’OMM l’Europe est également « l’une des régions les plus avancées en matière de coopération transfrontière pour l’adaptation au changement climatique, en particulier dans les bassins fluviaux transnationaux ». En juin 2021, l’UE s’est dotée d’une nouvelle stratégie d’adaptation au changement climatique. Le Parlement européen, plusieurs États membres et plus de 300 villes ont reconnu l’existence d’un état d’urgence climatique. Dans ses conclusions, le Conseil européen a qualifié le changement climatique de « menace existentielle ». Selon les scénarios d’atténuation du changement climatique envisagés dans PESEAT IV, « les dommages en 2100 seraient approximativement réduits de moitié par rapport à l’absence d’atténuation ». L’UE entend donc mener une série d’actions pour y parvenir, à commencer par la mutualisation de données sur les risques et pertes liés au climat, une collaboration transfrontalière renforcée notamment dans les secteurs les plus vulnérables : l’agriculture, la pêche et l’énergie. Elle est de plus, note le rapport de l’OMM, « l’une des figures de proue de la production de systèmes d’alerte précoces efficaces : environ 75 % de sa population est ainsi protégée ».

Crédit : Shutterstock.