Le Sénat se penche sur l’impact de la méthanisation dans nos territoires

L'unité de Méthamoly, entrée en service en 2019, portée par une douzaine d’agriculteurs et le Syndicat intercommunal des Monts du Lyonnais est l'un des premiers projets en France à avoir bénéficié d’un investissement citoyen à hauteur de 200 000 euros.

Publié le 10/03/2021

5 min

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Annoncée le 17 février par le Sénat, la mission d’information sur la méthanisation dans le mix énergétique a tenu sa première réunion la semaine dernière. Créée à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, elle va s’attacher jusqu’à l’été à mesurer les effets et les conséquences du développement de la méthanisation sur nos territoires, en apportant des mesures «concrètes » souligne d’emblée à Gaz d’aujoud’hui, le rapporteur de la mission, le sénateur écologiste d’Ille-et-Vilaine, Daniel Salmon.

 

Par Laura Icart

La méthanisation et derrière elle le développement de la production de gaz vert est en plein essor en France. Aujourd’hui, plus de 980 unités de méthanisation sont en service, dont plus de 218 injectent directement du biométhane dans les réseaux gaziers. Avec un gisement mobilisable à 2030 évalué par l’Ademe, à 130 millions de tonnes de matière brute, soit 56 TWh d’énergie primaire en production de biogaz, elle présente un réel potentiel de développement. Portée par une dynamique territoriale et par le monde agricole en très grande majorité, 74% des méthaniseurs se trouvent dans des exploitations agricoles, elle tend à s’inscrire durablement dans notre mix énergétique et dans notre production d’énergies renouvelables (EnR). Cependant, comme la plupart des EnR, son développement à la croisée de plusieurs enjeux importants:l’environnement, les déchets, les pratiques agricoles, la politique énergétique, pose question, peut inquiéter mais se révèle aussi pour certains acteurs un outil au service du dynamisme et de l’attractivité des territoires, notamment les territoires ruraux, leur permettant de répondre aux objectifs de transition énergétique et d’économie circulaire. Pour rappel, la LTECV prévoit 15 % de carburant d’origine renouvelable et 10 % de la consommation finale en gaz d’origine renouvelable en 2030. 

Mesurer les effets et les conséquences

Cette mission composée de 23 membres, issus de tous les groupes politiques du Sénat entamera sa première audition le 16 mars. Elle est présidée par Pierre Cuypers, sénateur Les Républicains de Seine-et-Marne, représentant d’un territoire où elle est  particulièrement développée ( ¾ des installations franciliennes) qui avait écrit une lettre, en septembre, à la Ministre de la Transition écologique pour lui faire part son inquiétude, au même titre que de nombreux autres élus locaux, de voir la certains dispositifs réglementaires déstabiliser la filière, notamment la méthanisation agricole. Son rapporteur est Daniel Salmon, sénateur EELV d’Ille-et-Vilaine. Cette mission va donc s’employer  « sur la base d’une approche scientifique et rationnelle » indique le communiqué du Sénat à dresser un bilan énergétique de la méthanisation notamment à travers le type d’intrants utilisés dans les méthaniseurs, à étudier si la méthanisation influe ( de manière positive ou négative) sur les pratiques agricoles. Seront également étudiés les aspects économiques liés au développement des unités et l’éventuelle valeur ajoutée pour les filières agricoles et particulièrement celle de l’élevage, mais aussi le cadre règlementaire de la méthanisation, un cadre en pleine évolution.  De nombreux acteurs vont être auditionnés pour « éclairer » les 23 membres de la commission, parmi eux la DGEC, l’INRAE, le syndicat des énergies renouvelables (SER), l’Ademe, le club biogaz de l’ATEE, Amorce, France Gaz Renouvelable, des associations environnementalistes comme France Nature Environnement (FNE) ou des syndicats agricoles mais aussi l’association negaWatt, Solagro ou la Safer.

La méthanisation « un sujet très important » pour les écologistes

Chaque année, conformément au règlement du Sénat, les groupes politiques peuvent proposer la création d’une mission d’information. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a fait le choix de la méthanisation. « Un sujet très important » pour Daniel Salmon, rapporteur de cette mission et qui « préoccupe beaucoup » son groupe parlementaire notamment parce que cette filière en forte croissance et qui « a sa place dans la transition énergétique » nous indique-t-il doit faire l’objet selon lui « d’une étude plus approfondie et dédiée » afin de mesurer réellement « la part du bénéfice énergétique nette [d’un méthaniseur] » en tenant compte par exemple « du coût énergétique de l’ensemble d’une culture destinée à l’alimentation d’un digesteur ». Le sénateur souhaite également que « la problématique du foncier » soit abordée lors cette mission notamment parce que ce stade il se demande, par exemple, si une exploitation agricole dotée d’une unité de méthanisation, pouvant générer des coûts supplémentaires facilitera la transmission dans un contexte de baisse du nombre d’installations (- 30% depuis 2000) et d’un renouvellement de génération qui peine à se faire. Sans surprise la question de l’acceptabilité sociale des projets, alors que beaucoup d’idées reçues circulent sur cette filière, sera bien évidemment à l’ordre du jour de cette mission tout comme les différentes aspects agronomiques et sanitaires liés à l’épandage des digestats. « L’État soutient financièrement le développement de cette filière, nous voulons être certain que nous sommes sur la bonne voie »  nous précise Daniel Salmon.

Après le rapport, publié en juillet, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) « l’agriculture face au défi de la production d’énergie » réalisé par le député (LaREM) Jean-Luc Fugit et le sénateur (PS) Roland Courteau où la méthanisation était érigée en rang de priorité, c’est la deuxième fois en moins d’un an que la filière sera passée au crible par les parlementaires.

©Frederic Berthet GRDF