Biométhane : les sept jours qui ont agité les élus locaux

Publié le 18/09/2020

5 min

Publié le 18/09/2020

Temps de lecture : 5 min 5 min

Les projets d’arrêtés et de décrets proposés par le gouvernement sur l’évolution des mécanismes de soutien au biométhane injecté n’en finissent plus de susciter des réactions. Si les acteurs de la filière sont vent debout contre, de nombreux élus locaux ont également fait part de leurs inquiétudes et de leurs incompréhensions face à ce coup de massue pour une énergie que beaucoup jugent indispensable à la réussite de la transition énergétique sur leurs territoires. Tour d’horizon des réactions.

Par Laura Icart

 

L’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) avait tiré la sonnette d’alarme en début de semaine. Mardi, lors du conseil supérieur de l’énergie (CSE), les représentants de la filière ont enfoncé le clou et déposé de multiples amendements sur l’évolution de la réglementation concernant le biométhane injecté et manifesté leur profond désaccord avec la méthode gouvernementale sur le fond comme sur la forme. Depuis de nombreux élus locaux se sont exprimés pour soutenir la filière biométhane et avec elle le monde agricole où elle trouve son principal gisement. Des appels à la concertation et au dialogue que la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a semble-t-il entendu puisqu’elle a annoncé, mercredi, lors de son audition à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vouloir ouvrir le débat et mettre les services de l’État et les principaux acteurs de la filière autour d’une table.

« Ne pas compromettre le développement du biométhane en France« 

Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France

Le coup de tocsin est venu du président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR) qui, alerté par l’AAMF, a envoyé le 15 septembre un courrier à la ministre de la Transition écologique et au ministre de l’Agriculture et de l’alimentation Julien Denormandie, leur demandant de revoir des mesures qui  « pourraient avoir des conséquences économiques dramatiques pour la filière biométhanisation, au moment même où les agriculteurs s’engagent dans une dynamique de réduction des coûts de production qui s’inscrit sur le long terme et dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) » tout en exhortant l’État «  au dialogue » avec les acteurs de la filière pour ne pas « compromettre le développement du biométhane » en France. Une réaction peu surprenante venant d’une région qui a fait de la méthanisation un axe fort de sa stratégie énergétique avec 19 sites injectant dans les réseaux gaziers et près de 147 projets inscrits dans le registre de capacité.

« Arrêtons une fois pour toute de tirer vers le bas ce qui fonctionne !« 

Jean Rottner, président du Grand Est

De son côté, le président de la région Grand Est Jean Rottner (LR) a indiqué dans un tweet que « ce changement constant des règles du jeu tarifaire est un syndrome bien français «  et soulignait la « nécessité de travailler sur un temps long avec le monde agricole ». « Arrêtons une fois pour toute de tirer vers le bas ce qui fonctionne ! » a-t-il ajouté. Le même jour, le sénateur de Seine-et-Marne Pierre Cuypers (LR), lui-même agriculteur, adressait également une lettre à Barbara Pompili se disant très inquiet que le gouvernement mette en danger une filière « essentielle à la réussite de notre transition énergétique, puisqu’elle concourt utilement à diversifier notre mix énergétique et à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ».

« La méthanisation agricole a besoin d’être soutenue« 

Denise Saint-Pé, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques

La sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Denise Saint-Pé (UDC), qui a présidé mardi matin la séance du CSE, a confié à Gaz d’aujourd’hui être « étonnée » et « surprise » que l’État « ne tienne pas ses engagements alors que de nombreux projets ont été signés ». Elle s’inquiète particulièrement pour les projets de méthanisation agricole, « des petits projets qui ont besoin d’un équilibre économique et d’être soutenus ». Des projets qui, pour l’élue du Béarn, participent « activement au développement territorial ». Sur la même ligne que Denise Saint-Pé, le député Julien Aubert (LR), également membre du CSE, a voté comme il l’avait indiqué lundi soir à Gaz d’aujourd’hui contre ces deux textes, évoquant un « message [gouvernemental] profondément contradictoire » présent dans ces textes qui « pénaliserait plus particulièrement les unités de méthanisation agricoles ».

« Il faut travailler collectivement à une solution pérenne« 

Jean-Luc Fugit, député du Rhône

Pour le député (LREM) du Rhône Jean-Luc Fugit, la méthanisation « constitue une véritable opportunité, notamment pour les éleveurs, de diversifier leurs sources de revenus en assurant la pérennité de leurs exploitations ». L’élu rhodanien, auteur avec le sénateur de l’Aude (PS) Roland Courteau du rapport « L’agriculture face au défi de la production d’énergie » publié en juillet pour le compte de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), est convaincu que cette filière « doit être soutenue de manière prioritaire ». « Le dialogue engagé [par le MTE] va dans le bon sens, il faut travailler collectivement à une solution pérenne pour le développement d’une méthanisation raisonnée sur nos territoires sur lesquels elle apporte une véritable valeur ajoutée », souligne-t-il.