Le défi de l’hydrogène décarboné made in France

Publié le 01/10/2022

7 min

Publié le 01/10/2022

Temps de lecture : 7 min 7 min

En déplacement sur le site de Plastic Omnium dans l’Oise, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé, le 28 septembre, les 10 premières « gigafactories » françaises que l’État va soutenir financièrement à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Faire de la France « un leader de l’hydrogène décarboné », c’est l’ambition affichée par le gouvernement, deux ans après le lancement de la stratégie hydrogène en France.  

Par Laura Icart 

 

« En prenant le tournant de l’hydrogène décarboné, la France fait le choix d’une énergie compétitive, durable et souveraine » a déclaré la Première ministre en visite à Compiègne dans le centre de recherche et développement α-Alphatech de Plastic Omnium, équipementier spécialisé dans les réservoirs d’hydrogène. Élisabeth Borne s’est dit convaincue que la France et l’Europe « avaient toutes les cartes en main » pour bâtir « des économies décarbonées » avec une nécessité de « reconquérir notre souveraineté industrielle, énergétique et accélérer notre sortie des énergies fossiles», entourée de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, et Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Réindustrialiser, le maître-mot

« Au croisement des transitions énergétique et industrielle, se trouve l’hydrogène » souligne la Première ministre. Elle a rappelé le bilan gouvernemental avec 120 nouveaux sites industriels qui se sont implantés en France depuis cinq ans alors que le précédent quinquennat (celui de François Hollande) avait vu la fermeture de 400 usines. « Nous sommes en train de reconstruire notre indépendance productive. La décennie 2020 sera celle du retour de l’industrie » a-t-elle souligné, précisant que des emplois industriels avaient été recréés dans notre pays « après 15 années de diminution ».

Construire une offre française compétitive   

La stratégie française de l’hydrogène repose sur plusieurs piliers : investir sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, créer in situ l’offre et la demande, construire une filière d’exportation et d’excellence industrielle et créer de l’emploi sur nos territoires. La Première ministre a évoqué le chiffre de 100  à 150 000 emplois créés d’ici la fin de la décennie. Ces objectifs ambitieux s’appuient sur la mobilisation de 9 milliards d’euros entre 2020 et 2030 dans la stratégie hydrogène, financés notamment par les plans France Relance et France 2030 pour développer de concert l’offre et la demande, en se concentrant dans un premier temps sur deux filières jugées prioritaires par le gouvernement : l’électrolyse et les équipements à hydrogène pour la mobilité lourde et professionnelle. « Notre stratégie est d’investir dans les outils les plus critiques pour baisser les coûts et gagner notre souveraineté technologique et énergétique » a rappelé la Première ministre. « C’est en les maîtrisant que nous serons au rendez-vous de la décarbonation de notre économie et de la conquête des marchés mondiaux » a-t-elle ajouté. Dans un second temps, quand la France disposera d’une offre compétitive et disponible, « nous massifierons cette offre sur nos territoires ». 

Un quart des projets retenus dans le PIIEC sont français  

Particulièrement attendue par la filière française, l’annonce des lauréats du projet important d’intérêt européen commun (Piiec), lancé en 2020 (23 États membres et la Norvège) et consacré à l’hydrogène, va permettre de débloquer des financements publics importants. La France, qui a inscrit ce Piiec « au cœur de sa stratégie nationale » souligne Élisabeth Borne, y consacrera plus de 3 milliards d’euros de soutien public au travers du plan de relance et du plan d’investissement France 2030. Dans la première vague dévoilée en juillet avec 41 projets sélectionnés, « près d’un quart sont français » a rappelé la Première ministre. Si le premier Piiec était davantage tourné vers les utilisateurs finaux dans le secteur de la mobilité, la deuxième vague dévoilée le 22 septembre vise à soutenir la recherche et l’innovation, le premier déploiement industriel et la construction d’infrastructures pertinentes dans la chaîne de valeur de l’hydrogène. Deux projets français ont été retenus. « Une dizaine de dossiers français restent en lice pour une troisième et une quatrième vague centrées autour des infrastructures de production et de la mobilité hydrogène » a indiqué Matignon.

5,3 milliards d’euros d’investissements public-privé

La France octroiera donc 2,1 milliards d’euros de financements publics auxquels s’ajouteront 3,2 milliards d’investissements privés pour construire les 10 premières gigafactories françaises. Ces nouvelles usines, qui viendront s’implanter dans neuf régions (Île-de-France, Hauts-de-France, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Grand-Est, Normandie, Centre-Val de Loire et la région Sud), représentent un potentiel de 5 200 emplois directs. Quatre d’entre elles seront dédiées à la conception d’électrolyseurs « représentant jusqu’à 40 % du marché européen des électrolyseurs à horizon 2030 » précise Matignon. Un marché en plein essor avec des entreprises nouvelles et des start-ups comme McPhy Genvia, Elogen et des acteurs reconnus dans leur domaine qui font le pari de l’hydrogène comme Plastic Omnium, Symbio, Hyvia, Forvia, Arkema, John Cockerill ou encore Alstom qui a mis sur rail le premier train hydrogène au monde.

Des premiers réservoirs hydrogène pour 2025

« Ici, chez Plastic Omnium, j’ai vu l’innovation à l’œuvre, la R&D de pointe et l’industrie au service de notre avenir » souligne Élisabeth Borne. L’entreprise basée en Picardie fait partie des lauréates et bénéficiera « d’une subvention de 160 millions d’euros d’investissements entre 2022 et 2028 ». Une subvention sur l’ensemble du Piiec, dont 74 millions d’euros sont disponibles dès à présent pour développer les activités hydrogène du groupe Plastic Omnium. Un soutien qui va permettre à l’entreprise de monter en puissance et d’accélérer. Dans la foulée, Plastic Omnium a annoncé la signature de deux contrats « majeurs » avec Stellantis et Hyvia (une filiale de Renault et de Plug Power, également lauréate du Piiec) pour la fourniture de modules de réservoirs hydrogène haute pression 700 bars qui équiperont des véhicules utilitaires mais aussi la construction à Compiègne d’une usine de fabrication de réservoirs à hydrogène « qui sera la plus importante d’Europe » note Laurent Favre, directeur général de Plastic Omnium. Dotée d’une capacité de production de 80 000 réservoirs par an, elle devrait produire ses premiers réservoirs à hydrogène d’ici 2025. « La création de cette nouvelle usine et le développement de l’activité hydrogène en France devraient représenter à terme environ 200 emplois chez Plastic Omnium » note le communiqué de presse du groupe.