La rénovation énergétique doit être une priorité de l’État alerte le Cler

Le CLER-Réseau pour la transition énergétique alerte le gouvernement sur la nécessité de prioriser les rénovation globales et performantes et de soutenir un service public d'accompagnement des ménages indépendant.

Publié le 19/09/2022

10 min

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Le Cler-Réseau pour la transition énergétique alerte le gouvernement sur « l’urgence de soutenir et renforcer » les espaces France Rénov’ et sur « la nécessité de réorienter rapidement les aides financières pour encourager les rénovations globales et performantes », alors que près de 80 % des rénovations aidées en France ne sont pas considérées comme performantes. Cheville ouvrière du service public de la rénovation en France, le Cler estime que le manque de visibilité du programme pour les acteurs, la complexité des aides et le choix de certains critères comme la tarification à l’acte nuisent à la qualité du travail des conseillers et ne permettent pas une politique de rénovation énergétique efficiente.

Par Laura Icart

 

À l’occasion des rencontres nationales France Rénov’ qui se sont tenues en début de semaine à Paris, les acteurs de la rénovation énergétique publique et privée demandent à ce que le programme Sare, qui porte le service public de la rénovation énergétique, soit davantage soutenu. En France, le bâtiment représente 27 % des émissions de CO2 et 45 % de la consommation d’énergie finale du pays, et si de multiples outils et dispositifs ont été mis en place depuis une décennie pour la rénovation thermique des logements, le rythme de rénovation et surtout la qualité de celle-ci inquiète le Cler mais aussi le Haut conseil pour le climat, alors que la crise énergétique pourrait encore davantage paupériser des populations déjà vulnérables.

80 % des rénovations aidées sont jugées non performantes

Depuis le 1er janvier, France Rénov’ est opérationnel. « Nous allons apporter plus de simplicité et de lisibilité dans le parcours de la rénovation énergétique » soulignait en fin d’année dernière le cabinet de l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Wargon lors de la présentation de France Rénov’, nouveau nom du service public de la rénovation de l’habitat piloté par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), fusionnant les espaces conseil « Faire » et les « points rénovation info service » de l’Anah. Et si le gouvernement affiche un objectif de 700 000 logements rénovés par an, les 644 000 demandes de financement accordées via MaPrimeRénov’ en 2021 sont certes le signe que les Français, en grande majorité les propriétaires de maisons individuelles, se saisissent de cette aide pour faire des travaux de rénovation énergétique, mais aussi que cette aide sert avant à tout à financer une rénovation partielle et non globale de leur maison. L’année dernière, les aides ont été principalement utilisées pour changer le système de chauffage (70 %) et pour les travaux d’isolation (21 %). Les dossiers pouvant être qualifiés de « rénovation globale » représentaient en 2021 seulement 19 % des dossiers déposés selon le rapport d’étude publié en juillet par l’Anah. Un chiffre que l’Anah espère à la hausse en 2022, elle qui dénombre « plus de 338 000 logements rénovés au premier semestre » dont « 22 000 rénovations globales », soit + 6 % des rénovations aidées au premier semestre.

Construire une vision de long terme 

« Il faut une programmation pluriannuelle de la rénovation » réclame le Cler. Une « PPR » déjà demandée par un rapport parlementaire publié en avril 2021 et par la convention citoyenne pour le climat. « Seule une planification de long terme permettra l’atteinte des objectifs de rénovation fixés dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC) » souligne Isabelle Gasquet, responsable de projets efficacité énergétique au Cler-Réseau pour la transition énergétique. L’association s’inquiète du manque de visibilité sur la suite du programme Sare (service d’accompagnement à la rénovation énergétique) qui doit s’arrêter le 31 décembre 2023 et qui est le principal mode de financement des plateformes territoriales de la rénovation énergétique, cheville ouvrière du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Le programme Sare est actuellement cofinancé par les CEE et les collectivités (2019-2023) via une enveloppe de 200 millions d’euros, dont environ 60 millions (au 31 mai) ont déjà été mobilisés. Pourtant le SPPEH peine à se déployer dans notre pays faute de moyens humains et financiers suffisants. Or, pour le Cler, ce service public de proximité́ doit « bénéficier à tous les citoyens et particulièrement aux ménages les plus fragiles » et doit « être déployé sur tout le territoire national afin de garantir l’égalité dans l’accès à ce droit, avec une information, un conseil et un accompagnement personnalisés, gratuits et indépendants vers la rénovation performante ».

Porter un service public neutre et de proximité

« Nous avons besoin visibilité dès aujourd’hui pour pérenniser ce service d’accompagnement de proximité qui sert l’intérêt général » souligne Isabelle Gasquet. « Cette notion de service public neutre, indépendant et gratuit est très importante pour nous, pour les structures de notre réseau » ajoute-t-elle. Une visibilité financière qui s’avère également indispensable pour dimensionner les moyens humains alors que des disparités territoriales apparaissent déjà. « Le programme Sare doit être intégré au budget de l’État » estime la spécialiste de l’efficacité énergétique, « ce qui permettrait une visibilité de long terme ». Autre demande du Cler : la suppression du système de tarification à l’acte. Un système qui répond à « une logique quantitative occultant complètement la qualité » insiste Isabelle Gasquet, évoquant une grille avec des postes de dépenses définie qui ne tient pas compte de la performance globale du logement menant parfois à des situations absurdes, avec des travaux moins performants davantage remboursés. « Une situation absurde que doivent gérer en peu de temps des conseils face à des ménages perdus. » Un accompagnement de qualité et adapté à la situation des ménages « passe par de l’échange et du temps, la tarification à l’acte est à ce titre inopérante ».

Des espaces France Renov’ « en surchauffe »

Depuis le lancement de MaPrimeRénov’ en 2020, les conseillers ont dû gérer un afflux de demandes. L’introduction du programme Sare dans le système a considérablement changé la manière de travailler des conseillers qui font face à une complexité administrative. « Beaucoup d’entre eux trouvent le reporting de chaque acte très chronophage » souligne Isabelle Gasquet. « La qualité est sacrifiée » note Pierre Le Rouzic, coordinateur pôle conseil particulier SPPEH à l’agence locale de l’énergie et du climat de Bretagne sud, qui estime que le fonctionnement du paiement à l’acte a transformé son métier de conseiller rénovation énergétique « en téléopérateurs – financés selon le nombre d’actes à réaliser » et qui note également « un système d’aides complexe et changeant » qui ne facilite pas la compréhension des ménages «  avec une grande majorité de dossiers rejetés ». Un constat également partagé par Adeline Gimenez, coordinatrice de l’activité conseil auprès des particuliers au sein de l’Ageden (Association pour une gestion durable de l’énergie),  qui évoque les difficultés d’un métier à flux tendu « avec des recrutements permanents » et « beaucoup de conseillers [qui] se découragent face à une situation où ils ont davantage l’impression de décrypter des aides financières plutôt que de prendre le temps de faire des recommandations techniques », pour accompagner les ménages vers une réduction de leurs consommations et de leurs factures. « C’est pourtant la raison d’être des espaces conseils » ajoute-t-elle, dénonçant un système qui « n’est pas fait pour encourager des rénovations globales et performantes ».

Plus de concertations avec les acteurs du terrain

« Pour accélérer les politiques de rénovation, le rôle des régions doit être plus important » souligne Agnès Langevine, vice-présidente climat, pacte vert et habitat durable de la région Occitanie, qui estime que la massification ne pourra se faire que si « l’État stabilise le dispositif d’aides et donne de la visibilité y compris sur les suites du programme Sare ». La région Occitanie, porteuse associée du dispositif Sare, compte 31 guichets Rénov’Occitanie et 176 conseillers. En effet, si les régions jouent un rôle central dans la réussite de la transition énergétique en accompagnant notamment la rénovation énergétique des logements, force est de constater que pour le Cler elles ne sont pas assez écoutées. « Une concertation nationale doit avoir lieu avec l’ensemble des acteurs de terrain et les élus pour construire un programme et un budget en adéquation avec les besoins territoriaux » souligne Isabelle Gasquet. « Une manière aussi de gagner en efficacité en mutualisant les moyens et les outils existants. »

Rendre les rénovations globales plus attractives

La rénovation énergétique s’affiche comme une priorité du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron. Cependant, le Cler rappelle que seule une rénovation performante et globale aura un impact sur la réduction des gaz à effet de serre et la facture énergétique des Français. Rénovation qui, en situation de crise énergétique, est d’autant plus nécessaire. « C’est un enjeu environnemental, climatique et social » indique le Cler qui rappelle que 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique en France. « Il faut conditionner les aides à une rénovation globale et les rendre plus attractives qu’une rénovation par geste » note Isabelle Gasquet. Soit envisager un meilleur calibrage des aides à la rénovation énergétique de manière à atteindre en priorité le niveau BBC, ou a minima un niveau de rénovation énergétique performante mais aussi lier de manière obligatoire les aides publiques à un accompagnement public ou privé adapté. « Il faut donner les moyens aux espaces conseils de travailler. » Dans une note, le Cler estime que pour un accompagnement efficient menant à une rénovation globale, il faudrait mobiliser en moyenne 3 euros par an et par habitant, soit le quadruple de l’enveloppe actuellement prévue. « Il faut aussi rendre le tout le plus lisible possible pour le grand public » souligne la responsable du Cler, faisant référence au dispositif « Mon accompagnateur rénov’ » qui se déploie progressivement depuis le printemps 2022 mais dont l’articulation entre conseillers et accompagnateurs reste encore « floue » pour Isabelle Gasquet. Enfin, la question des financement est bien évidemment prégnante. Pour le reste à charge, des décrets en décembre 2021 et en mars 2022 ont été publiés pour permettre aux ménages en situation de précarité énergétique d’atteindre un reste à charge à zéro mais seuls deux établissements bancaires le proposent actuellement : le Crédit mutuel et la Poste. Une situation qui ne permet pas de massifier le dispositif. Autre dispositif : l’avance sur trésorerie, sur lequel le gouvernement travaille actuellement, pour les ménages qui n’auraient pas les moyens de payer les travaux en amont.