Énergie : plusieurs pistes évoquées à Amiens

Publié le 23/01/2022

6 min

Publié le 23/01/2022

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Le 22 janvier, à l’issue d’une série de réunions informelles de trois jours à Amiens, une majorité de pays européens s’accorde sur plusieurs pistes destinées à mieux réguler le marché de détail de l’énergie, afin de protéger les consommateurs de la volatilité des prix, a estimé samedi la présidence française du Conseil l’Union européenne. Si la généralisation de l’efficacité énergétique et la notion de « transition juste » font consensus, l’extension du marché ETS aux bâtiments et aux transports, voulue par la Commission, reste difficilement acceptable pour la majorité des Vingt-Sept.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Il y a un consensus sur le fait qu’un marché intégré rend d’immenses services. Il y a aussi une majorité d’États qui considère qu’il faut le faire évoluer, en particulier sur le marché de détail », a indiqué la ministre française de la Transition écologique, Barbara Pompili.   

Plusieurs pistes évoquées pour protéger les consommateurs

« La Commission européenne a pris en compte ces pistes : par exemple, l’accès pour les consommateurs à des prix fixes sur une plus longue durée, la protection contre les défaillances de fournisseurs, ou encore des règles plus strictes sur le stockage du gaz », a-t-elle détaillé. La question des prix de l’énergie pour les consommateurs faisait l’objet d’une session de travail samedi, au dernier jour d’une rencontre informelle des ministres de l’Énergie des Vingt-Sept, alors que les cours du gaz et de l’électricité s’envolent depuis l’automne. Les Vingt-Sept ont notamment travaillé sur les moyens partager les dividendes de la décarbonation avec les consommateurs particuliers et les entreprises. Ce qui reviendrait, en cas de forte croissance des prix et, dès lors, des bénéfices de certains producteurs, «de permettre aux États membres d’en récupérer une partie pour pouvoir les redistribuer à tous les consommateurs.» Autre axe de travail : approfondir la solidarité mutuelle en termes de sécurité d’approvisionnement. Déjà évoqué par la commissaire à l’Énergie, Kadri Simson, en fin d’année, il s’agit de « réfléchir aux meilleurs moyens de consolider, au moindre coût, les investissements de demain dans la transition énergétique », notamment les énergies renouvelables, mais aussi assurer l’approvisionnement en gaz et rechercher un usage optimisé des capacités européennes de stockage. À ce stade, les Vingt-Sept comme la Commission ont toutefois temporisé, dans l’attente de la publication d’un rapport de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer), attendu en avril. Ils se retrouveront lors du conseil énergie en juin. 

La France pousse pour une réforme « plus structurelle »

Comme évoqué en novembre par Bruno Le Maire, la France avait aussi avancé une réforme plus structurelle du marché européen de l’électricité, où les prix de gros s’alignent aujourd’hui sur ceux du gaz. Un mécanisme jugé « obsolète » par Paris, qui voudrait que ses citoyens bénéficient plus directement des coûts bas de la production nucléaire. Barbara Pompili a réaffirmé prudemment la volonté française que les prix reflètent mieux la production de chaque pays mais sans pour autant remettre en cause l’architecture globale du marché. Il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain », a-t-elle souligné. La Commission s’est montrée circonspecte sur la perspective d’une réforme du marché de l’électricité, qui a « bien rendu service à l’Europe ». « Nous sommes en train d’analyser si le système peut être amélioré et comment« , a simplement commenté la commissaire à l’Énergie, Kadri Simson, présente à Amiens. Elle a aussi estimé que la « boîte à outils » dévoilée par Bruxelles à l’automne, pour permettre aux États membres de répondre de manière conjoncturelle à la crise actuelle avec des aides et des abattements fiscaux, demeure « un point de référence » et permet des interventions publiques « sans distorsion de concurrence ou du marché intérieur« .

L’extension du marché ETS au point mort

Si la notion de transition juste et la nécessité d’accompagner les Européens, notamment les plus fragiles, dans cette évolution, fait consensus avec notamment des convergences sur la nécessité de faire de l’efficacité énergétique un levier obligatoire dans toutes les politiques de décarbonation étatique, celle de la Commission d’étendre le marché carbone aux secteurs du transport routier et du bâtiment ne trouve pas le même écho et n’a visiblement pas avancé à Amiens. Les ministres européens de l’Environnement et de l’Énergie ont eu des « échanges très riches » et « constructifs », et « pas simplement des prises de position de posture », a déclaré Barbara Pompili à l’issue de la rencontre. « Nous nous sommes demandés si c’était l’outil le plus efficace, le bon levier » pour réduire les émissions carbone, par rapport par exemple à des « mesures réglementaires » pour imposer aux entreprises des seuils maximaux d’émissions, a-t-elle expliqué. Alors que le dispositif « suscite de nombreuses expressions d’inquiétude », les ministres se sont penchés sur « l’impact prévisible pour les ménages, notamment les plus modestes » et ont réfléchi « aux outils qu’on peut mettre en place pour que cette mise en place éventuelle d’un (second marché carbone) puisse être supportable et acceptable socialement, et par tous les pays », a insisté Barbara Pompili.
« On n’est pas encore arrivé à faire se rejoindre tous les points de vue, mais clairement cette discussion a été utile »,
a-t-elle conclu. Les États doivent s’accorder sur le projet de Bruxelles, avant des négociations avec les eurodéputés. « Nous pensons que ce marché carbone est un outil efficace pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Et si les États n’en veulent pas, il faut le remplacer par des mesures alternatives » pour réduire les émissions dans les transports routiers et les bâtiments, a cependant prévenu à Amiens le commissaire à l’Environnement Virginijus Sinkevicius.

Crédit : Shutterstock.