Une première injection de méthane de synthèse dans le réseau de distribution de gaz en France

Le démonstrateur de méthanation conçu par Energo est installé sur le site de l’unité de méthanisation de Sempigny (Oise) a injecté du 4 au 6 juillet du méthane de synthèse dans le réseau de distribution de gaz de GRDF.

Publié le 26/07/2022

5 min

Publié le 26/07/2022

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C’est une première en France et un belle réussite industrielle et technique menée par la start-up lilloise Energo, qui a injecté au début du mois de juillet du méthane de synthèse dans le réseau de distribution de gaz exploité par GRDF. Une expérimentation menée « avec succès » selon les partenaires du projet, qui promet un beau potentiel à la méthanation qui se développe progressivement dans notre pays, avec à la clé une maximisation de la valorisation de la biomasse renouvelable.

Par Laura Icart

 

Si la méthanisation est une filière mature et dynamique en France, la méthanation, qui consiste à produire des molécules de méthane (CH4) par la synthèse de molécules de dioxyde de carbone (CO2) et d’hydrogène (H2), offre de belles perspectives et de nombreuses entreprises se positionnent dans ce secteur éminemment porteur pour les années à venir. La jeune pousse Energo, née en 2018 des travaux de Chimie Paris Tech, développe un procédé de méthanation innovant et disruptif de catalyse plasma très sobre en énergie. Elle a installé à la fin de l’année dernière un démonstrateur sur un site de méthanisation situé à Sempigny (Oise). Objectif : maximiser le potentiel de production de l’unité et permettre la production de gaz renouvelable à un coût concurrentiel par rapport au prix du gaz fossile.

Une première expérimentation « innovante et concluante »

Début juillet, les première molécules de méthane de synthèse, aussi appelé méthane, ont été injectées sur le réseau de distribution de GRDF, produites avec du CO2 directement capté sur le site de production de biométhane codirigé par Olivier Thomas et Mauritz Quaak, l’un des premiers agriculteurs en France à avoir injecté du biométhane dans les réseaux gaziers. Complémentaire de la méthanisation, la méthanation apparaît aujourd’hui comme un technologie particulièrement pertinente pour augmenter la production de gaz renouvelables en utilisant une même quantité d’intrants et en  réduisant davantage les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Le procédé conçu par Energo utilise un plasma froid pour combiner CO2 et hydrogène à pression ambiante et température modérée, dans un réacteur très compact, « ce qui réduirait de 20 % les coûts de la méthanation » souligne la start-up. Car si l’optimisation des rendements grâce à la technologie de méthanation est techniquement viable, la question du coût de cette technologie se pose, tout comme le cadre réglementaire qui reste à construire. À noter qu’un autre projet, Méthycentre, porté par Storengy, de taille plus importante et qui doit produire 50 Nm3/h de méthane, dont 13 issus de la méthanation, devrait lui aussi commencer à produire prochainement.

Vers une valorisation maximale de la biomasse

Ce démonstrateur, réalisé avec le soutien du Lab Crigen, centre de R&D du groupe Engie, est donc le premier en France à démontrer la faisabilité technique d’injecter du méthane de synthèse en combinant du CO2 issu d’une unité de méthanisation et de l’H2. « Une première nationale concernant l’injection de gaz de synthèse dans le réseau et première mondiale concernant l’industrialisation du plasma catalyse » souligne Vincent Piepiora, président de Energo. Si la méthanisation porte aujourd’hui et portera encore demain, l’essentiel de la production de gaz renouvelables en France, estimé selon un trajectoire réaliste (ne tenant pas compte de l’intégralité du potentiel identifié) présentée par l’Association française du gaz à 60 TWh en 2030 et 335 TWh en 2050, la méthanation au même titre que la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale constitue pour la filière un potentiel de production intéressant estimé à 3 TWh en 2030 et jusqu’à 60 TWh en 2050. « Cette filière de production de gaz vert nécessite un cadre réglementaire clarifié et adapté à ces technologies » souligne le communiqué d’Energo. Cette expérimentation a été rendue possible dans le cadre dispositif dit « bac à sable réglementaire » qui autorise la Commission de régulation de l’énergie (CRE) à accorder des dérogations d’accès aux réseaux d’électricité et de gaz pour faciliter la réalisation de projets innovants en faveur de la transition énergétique. Energo avait été sélectionnée avec huit autres projets dans le cadre premier guichet de dispositif. Avec cette première étape franchie, Energo et ses partenaires, notamment GRDF, vont travailler à « la mise en place de mécanismes de soutien afin d’offrir aux porteurs de projet la visibilité nécessaire à l’industrialisation de la filière », avec en ligne l’idée d’inscrire une trajectoire de développement pour cette technologie dans la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mais aussi continuer à travailler de concert pour améliorer les connaissances sur ces nouveaux procédés de production de gaz verts.

Crédit : Energo.