Du biogaz pour une vie meilleure

Publié le 16/09/2019

5 min

Publié le 16/09/2019

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La dépendance des foyers pauvres aux combustibles fossiles est l’un des principaux défis mondiaux en matière de santé publique. Pour 18,5 millions de ménages en Afrique, soit 150 millions de personnes, le biogaz peut être une alternative abordable et durable. Depuis une dizaine d’années, plusieurs initiatives ont été lancées pour le développer et faciliter la vie des populations rurales.

 Par Laura Icart

 

Près de 800 millions de personnes dépendent encore de la biomasse traditionnelle (bois de chauffage, charbon de bois, résidus de récolte ou bouse de vache) comme principale source d’énergie pour la cuisson. Ce mode de combustion, responsable de millions de décès prématurés chaque année, n’est pourtant pas prêt d’être éradiqué selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale de la santé, publié en mai 2018, selon lequel la croissance démographique oblige une croissance continue des combustibles fossiles, notamment en Afrique subsaharienne, d’ici 2030.

Quid de l’usage du biogaz en Afrique ?

La technologie du biogaz présente un potentiel élevé pour l’accès à l’énergie en Afrique subsaharienne, en particulier dans les zones rurales. Environ 70 % de la population africaine est constituée de petits exploitants agricoles (« Agra » 2017). La majorité d’entre eux n’ont pas ou peu accès à l’électricité (Roopnarain et Adeleke 2017).

Avant 2007, l’utilisation de biodigesteurs était très limitée. Plusieurs pays s’étaient déjà familiarisés avec cette technologie, comme le Kenya au début des années 50 (sans pour autant l’avoir développée), la Tanzanie en 1975 via l’Organisation de développement des petites industries (Sido) ou encore l’Ethiopie au tout début des années 80. Mais peu avaient réellement exploité le potentiel du biogaz. Or en 2007 s’est tenue à Nairobi une conférence intitulée « Biogaz pour une vie meilleure : une initiative africaine » réunissant le Bénin, l’Ethiopie, le Ghana, le Kenya, le Mali, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal et l’Afrique du Sud, des agences de développement, des ONG et des bailleurs de fonds pour développer la technologie et l’usage du biogaz sur le continent.

Ce sont les Hollandais, par le biais de leur ministère des Affaires étrangères, de l’Organisation néerlandaise de développement (SNV) et l’organisation d’aide au développement Hivos qui ont été chargés de coordonner cette initiative africaine visant à la création d’un marché tourné vers des partenariats entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les partenaires internationaux au développement. Objectifs affichés : équiper d’ici 2020 deux millions de famille en biogaz domestique et créer 800 entreprises de biogaz, avec la perspective de construire une véritable filière africaine tournée vers le marché.

Faciliter la vie des populations rurales

Le développement du biogaz domestique via l’installation de biodigesteurs dans certains villages isolés du continent ont déjà permis d’améliorer les moyens de

subsistance des ménages ruraux. À titre d’exemple, un biodigesteur de 4 mètres cubes alimenté avec 20 à 40 kg de matières organiques journaliers a un rendement de 800 à 1 600 litres de gaz par jour et plus de 20 tonnes de compost par an. Si le potentiel du développement du biogaz en Afrique semble si important, c’est aussi parce qu’en plus d’être une solution pour lutter contre la pollution de l’air intérieur, il apporte aux ménages pauvres une amélioration du niveau de vie (éclairage, pas de collecte de bois) et la récolte d’un digestat gratuit pour fertiliser leurs terres. Une donnée non négligeable dans des zones où 100 % des habitants ont une activité agricole et de fait la possibilité d’alimenter quotidiennement leurs biodigesteurs en résidus végétaux ou autres fumiers.

Un outil du développement du biogaz domestique en Afrique subsaharienne

Réunissant de nombreux pays africains, le programme de partenariat pour la production de biogaz en Afrique subsaharienne (dit « ABPP ») démarre en 2009, coordonné par l’Organisation néerlandaise de développement (SNV) et Humanist Institute pour la coopération avec les pays en développement (Hivos). Ce partenariat public-privé vise à la création d’un marché tourné vers des partenariats entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les partenaires internationaux au développement. La SNV, à l’origine de nombreux programmes nationaux sur le biogaz domestique notamment en Asie, a acquis une solide expertise depuis 25 ans sur les questions de méthanisation. Depuis 2009, elle gère le programme ABPP dans cinq pays Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Ouganda et Burkina Faso. « Nous avons installé plus de 73 000 digesteurs en 10 ans. Nous constatons de réelles améliorations dans les conditions de vie des foyers équipés d’un biodigesteur, notamment une réduction des problèmes respiratoires chez les femmes et les enfants », précise à Gaz d’aujourd’hui Bert van Nieuwenhuizen, responsable technique de SNV chargé de déployer l’ABPP. Près de 450 000 personnes ont bénéficié de l’installation de biodigesteurs, principalement en Ethiopie (22 727) et au Kenya (22 399). Des effets qui se mesurent sur l’environnement car ces 73 000 biodigesteurs ont permis l’évitement de 1 656 601 tonnes CO2eq et la préservation de 136 670 hectares de forêts.

Crédit : SNV.