Génération biogaz

Publié le 05/11/2019

9 min

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Si le fait de s’éclairer, de se chauffer ou encore de rouler au biogaz issu de la méthanisation de nos déchets, est déjà une réalité pour des millions d’hommes sur cette planète, la nécessité de réduire l’empreinte carbone de nos systèmes énergétiques, l’industrialisation progressive de la filière associée à des technologies toujours plus perfectionnées et la logique d’économie circulaire à laquelle elle répond sont autant d’atouts pour le biogaz et le biométhane. Si le potentiel est indiscutable et les ambitions affichées, il reste encore à actionner de nombreux leviers pour massifier sa production et offrir du gaz vert au plus grand nombre. Par Laura Icart   Processus naturel de dégradation biologique de la matière organique dans un milieu sans oxygène due à l’action de multiples bactéries, le biogaz, produit dans des méthaniseurs ou capté dans des décharges, peut être brûlé pour des applications sous forme de chaleur seule, d’électricité seule ou de cogénération, ou épuré pour en faire du biométhane. Il peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel ou utilisé comme carburant (bioGNV). Si toutes ces applications sont effectives aujourd’hui, comment en est-on arrivé là ? Biogaz story Si la découverte du méthane par l’italien Alessandro Volta date de 1776, il faudra attendre plus d’un siècle, et 1897, pour qu’un digesteur soit construit par les Anglais, dans une léproserie près de Bombay. Entre temps, de nombreux savants ont étudié le potentiel de la méthanisation pour répondre à des enjeux de dépollution, pour valoriser les déchets d’animaux, pour se chauffer, s’éclairer. Louis Moras, l’agronome Ulysse Gayon et même Louis Pasteur y sont allés de leurs recommandations. Le XXe siècle voit la méthanisation se développer progressivement dans le monde. À partir des années 40, en Europe, en Chine, en Inde, ont été développés des digesteurs familiaux à l’échelle d’un foyer ou d’un village. Aujourd’hui, c’est en Asie du Sud-Est et en Afrique que le développement des biodigesteurs changent le quotidien de milliers de familles. À cette même période, les premières expérimentations pour valoriser le biogaz issu des stations d’épurations commencent en Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis notamment. En France c’est au début des années 80 qu’est expérimentée la méthanisation des déchets ménagers. C’est à partir de 1985 que la méthanisation se diffuse lentement dans le secteur agricole, principalement au Danemark et en Allemagne. La cogénération biogaz se généralise dans beaucoup de pays européens à partir de 1995 et depuis quelques années l’injection de biométhane dans les réseaux gaziers se développe avec un potentiel exponentiel. Un potentiel mondial La révolution du biogaz est en marche et si tous les pays industrialisés n’ont pas la même approche réglementaire, technologique ou incitative pour produire du biogaz, tous ont conscience que le gisement et les possibilités sont importants. Dans son rapport annuel publié en juin dernier, l’Association mondiale du biogaz (WBA) souligne que le potentiel de production d’énergie à partir des principales matières premières actuellement disponibles dans le monde (fumiers, déchets alimentaires, eaux usées, résidus de cultures…) « serait compris entre 10 100 et 14 000 TWh ». Le biogaz pourrait couvrir selon WBA « 6 à 9 % de la consommation mondiale d’énergie primaire, soit 23 à 32 % de la consommation mondiale de charbon ». Pour ce qui est de son usage, le biogaz pourrait potentiellement « couvrir 16 à 22 % de l'électricité consommée dans le monde ». S’il est utilisé sous forme de biométhane « il pourrait remplacer 993 à 1380 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit 26 à 37 % du gaz naturel actuellement consommé dans le monde ». Autre résultante de la production de biogaz, le digestat : cet engrais naturel issu de la méthanisation serait à même de « remplacer 5 à 7 % des engrais inorganiques actuellement utilisés en fertilisant 82 millions d'hectares de terres », soit l'équivalent des terres arables combinées du Brésil et de l'Indonésie. Pourtant, malgré 50 millions de micro-digesteurs, 132 000 digesteurs de petite, moyenne et grande envergure et près de 700 unités injectant du biométhane dans les réseaux gaziers, le WBA estime que le potentiel mondial exploité de la méthanisation « est compris entre 1,6 à 2,2 % ». Plusieurs raisons sont évoquées par la WBA, en premier lieu un manque de soutien politique et réglementaire. L’association estime que le biogaz, alors même qu’il a « la capacité de décarboniser la production d'énergie n’est pas aussi considéré que les filières d’énergies renouvelables électriques » et que ses nombreuses externalités (traitement des déchets, production d'énergie et d'engrais, compléments de revenus pour les agriculteurs) ne sont pas comptabilisées, « la rendant de fait plus coûteuse et moins compétitive face à l’électricité renouvelable et aux énergies fossiles ». La WBA émet une série de recommandations pour créer les conditions favorables de développement du biogaz, adaptables selon les pays, qui passent par plus de soutien (financier et réglementaire) avec des politiques publiques plus incitatives désignant la méthanisation comme « une méthode privilégiée de traitement de tous les déchets biodégradables dans le monde, suivant une vraie logique d’économie circulaire ». L’Europe, reine du biogaz et du biométhane Le continent européen abrite 50 % de la production mondiale de biogaz et plus des deux tiers des sites d’injection de biométhane (540). Ou outre, elle possède l’une des infrastructures gazières les plus résilientes au monde et développe des technologies toujours plus innovantes en termes de traitement des gaz verts. En décembre 2016, l’étude « Optimal uses of biogas from waste stream » commandée par la Commission européenne a estimé le potentiel de production de biogaz à partir de déchets entre 30 et 40 Mtep d’ici 2030, soit de l’ordre de 3 % de la consommation européenne d’énergie et environ 10 % de celle de gaz à cet horizon. Si le principal moteur de la valorisation de biogaz dans l’UE reste l’électricité (63 ,4 TWh en 2017), l’injection de biométhane dans les réseaux gaziers est de plus en plus plébiscitée. L'Europe est le premier producteur mondial de biométhane destiné à être utilisé comme carburant ou injecté dans le réseau de gaz naturel (19 352 GWh injectés en 2017). Une capacité d’injection en progression, portée par l’exigence des objectifs européens ambitieux en matière d’énergies renouvelables (32 % du mix énergétique du continent en 2030). La France : petit poucet devenu grand Si notre pays a pris le virage plus tard que ses voisins, force est de constater qu’il est devenu en quelques années seulement l’un des pays les plus attractifs au monde pour le biométhane. Il se développe partout sur le territoire, d’origine agricole, issus des déchets ménagers, industriels, des installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND) ou des stations d’épuration. La France, contrairement à certains voisins, encadre strictement l’alimentation de ses installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes et a limité par décret en 2016 la proportion de cultures alimentaires ou énergétiques cultivées à titre de culture principales pouvant être incorporées. En quelques années, de nombreuses unités d’injection se sont installées dans nos territoires. Les chiffres parlent d’eux mêmes : en 2011, la mise en place des tarifs d'achat a conduit à la première injection de biométhane sur le réseau de GRDF via le centre de valorisation organique de Lille Sequedin ; aujourd’hui, près de 110 unités injectent du biométhane. C’est presque trois fois plus qu’en 2017 à la même période. 1,8 TWh de capacité annuelle d’injection En 2018, le parc a dépassé le seuil symbolique de 1 TWh de capacité maximale annuelle d’injection. Il est en novembre 2019 à 1,8 TWh, soit un quasi doublement en un an. L’année passée, la France a produit plus de 713 GWh de biométhane – « seulement » 215 GWh en 2016. Et les chiffres les plus éloquents, véritables marqueurs du très haut potentiel de cette filière, se trouvent sans doute dans les nouvelles réservations de capacité, cette année, avec près de 330 projets supplémentaires déjà inscrits et qui représentent en novembre 7,6 TWh de capacité totale réservée. En novembre 2019, la capacité totale réservée des projets inscrits au registre de capacité dans notre pays est estimée à plus 21 TWh par an. À ce potentiel indéniable s’ajoutera à moyen et long terme de nouveaux procédés de production de gaz renouvelable et de récupération (pyrogazéification, power to gas…). Dans son étude « Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ? », l’Ademe estime le gisement de gaz renouvelable injectable à 460 TWh, qui pourrait couvrir entièrement la demande de gaz en France à l’horizon 2050. Devant cette dynamique, l’industrie gazière s’est déclarée fortement inquiète du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui est revenue sur l'objectif de 10 % de la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, pour le passer à 7 % alors même que les ambitions et les objectifs de la filière française visait 30 %. Si, sur ce dernier point, le gouvernement serait prêt à revoir sa copie, les contraintes imposées par ce projet de PPE (baisse de coûts de production trop rapide, appel d’offres plutôt que tarifs d’achats pour les projets les plus petits) pourraient sérieusement freiner l’injection de biométhane dans les réseaux alors qu’il y a plus de 1 000 projets d’injection inscrits en liste d’attente. Une situation d’autant plus incompréhensible pour les gaziers français que cette filière pourrait créer plus de 50 000 emplois d’ici 2030 sur l’ensemble du territoire. Crédit : GRDF.

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