Après les vaccins, l’UE s’accorde pour des achats groupés de gaz

Le Conseil européen a approuvé le 25 mars l'achat commun de gaz ( naturel, GNL et H²) afin de réduire les prix sur le marché de gros.

Publié le 26/03/2022

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Les pays membres de l’UE ont décidé vendredi 25 mars de donner mandat à la Commission européenne pour effectuer des achats de gaz groupés, sur le modèle des commandes de vaccins anti-Covid, alors que la guerre en Ukraine fait flamber les prix de l’énergie.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui, avec AFP

 

Les Vingt-Sept et la Commission « vont, de façon urgente, travailler ensemble à des achats volontaires de gaz, de gaz naturel liquéfié (GNL) et d’hydrogène », en tirant profit du poids économique de l’UE pour bénéficier de prix avantageux, selon les conclusions du sommet de Bruxelles. « L’achat groupé, la capacité à définir ensemble des contrats longs, est le meilleur instrument pour faire baisser les prix », a fait valoir le président français Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse.

75 % des achats de gaz peuvent être « agrégés »

« La Commission peut agréger jusqu’à 75 % des achats de gaz« , soit en renégociant les contrats existants soit en en concluant de nouveaux, a précisé le président français dont le pays occupe la présidence semestrielle de l’UE. Le chancelier allemand Olaf Scholz a souligné que la participation au mécanisme sera volontaire, contrairement au dispositif d’achats en commun de vaccins, qui excluait les commandes en dehors de la Commission. « Nous nous sommes entendus sur le fait que c’est une opportunité qui permet de coopérer volontairement pour les achats de gaz », a-t-il observé devant la presse. « Bien entendu, quand on regarde des cas particuliers, cela peut être compliqué, très compliqué, parce qu’il existe des entreprises privées partout en Europe », engagées dans des contrats, « qui achètent du gaz en leur nom et entendent continuer« .

Isoler Moscou

Soucieux d’isoler Moscou et de priver la Russie de sources de revenus après son invasion de l’Ukraine, Bruxelles veut réduire des deux tiers dès cette année les achats européens de gaz russe. La Commission a présenté le 8 mars des pistes de travail de son plan RepowerEU qui devrait être dévoilé officiellement le 18 mai. Une annonce qui ne fait pas consensus au sein des États membres qui n’ont pas tous le même degré de dépendance aux hydrocarbures russes. L’Allemagne cherche de son côté par tous les moyens à s’affranchir des hydrocarbures russes ainsi que de nouvelles voies de diversification. Pour rappel, l’UE importe 90 % de sa consommation de gaz, dont 45 % environ depuis la Russie, à des niveaux variables d’un État membre à l’autre. La Russie représente également quelque 25 % des importations de pétrole et 45 % des importations de charbon. En regroupant les demandes, Bruxelles entend aussi faciliter les contacts avec les fournisseurs internationaux afin de diversifier les sources d’approvisionnement. La Commission négocie déjà avec les principaux pays producteurs (Norvège, Qatar, Algérie) et a annoncé vendredi un accord avec les États-Unis pour que ceux-ci augmentent leurs livraisons de gaz naturel liquéfié. Le président américain Joe Biden a déjà promis 15 milliards de mètres cubes de GNL supplémentaires pour cette année. Dans le cadre du groupe de travail initié vendredi avec les Américains, l’exécutif européen travaillera avec les États membres « dans le but de garantir, au moins jusqu’en 2030, une demande stable » d’environ 50 milliards de mètres cubes par an de GNL américain supplémentaire. La plateforme d’achats en commun de l’UE « sera ouverte aux pays des Balkans occidentaux » ainsi qu’aux trois États liés à l’UE par des accords d’association (Moldavie, Ukraine, Géorgie), précisent les conclusions.

Le découplage du marché du gaz à celui de l’électricité fait débat

En revanche, les Européens ont affiché leurs divisions sur des propositions de la Commission pour limiter la hausse des prix de l’énergie. Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Belgique et France sont favorables au plafonnement et réclament une réforme du marché européen de l’électricité, où les prix de gros dépendent aujourd’hui de ceux du gaz. Plusieurs États (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Danemark…) y sont farouchement hostiles, préférant tabler sur la libre-concurrence, des mesures d’efficacité énergétique ou des interconnexions de réseaux renforcées sur le continent. « L’Allemagne et d’autres pays restent très sceptiques sur tout interventionnisme sur le marché : on risque de mettre en péril nos approvisionnements sans avoir d’effet durable sur les prix », a estimé à l’issue du sommet le chancelier allemand Olaf Scholz. Le marché européen « est complexe et recouvre des milliers de contrats, des centaines d’acteurs, avec des différences énormes entre les régions« , a fait valoir son homologue néerlandais Mark Rutte.

L’UE a cependant accepté vendredi d’accorder un régime dérogatoire à l’Espagne et au Portugal, autorisés à réduire le prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité, car les deux pays souffrent d’un manque d’interconnexions avec le reste du continent.

Crédit : Shutterstock.