Acier : le ministre français de l’Industrie propose « d’adapter » la clause de sauvegarde européenne

La chute de la demande d’acier en Europe et notamment en France est de « de l’ordre de 4 % par an en moyenne, soit 20 % au minimum sur les cinq dernières années » selon ArcelorMittal France ©Shutterstock

Publié le 06/02/2025

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Le ministre français de l’Industrie Marc Ferracci propose « d’adapter la clause de sauvegarde » sur l’acier qui limite les importations sur le marché européen depuis 2019, afin de protéger les sidérurgistes du Vieux Continent d’une concurrence asiatique jugée déloyale car subventionnée. « Trop d’acier chinois subventionné entre dans l’UE », mettant « en difficulté »  les sidérurgistes européens, souligne M. Ferracci dans une interview au Figaro jeudi, accordée au retour d’un Conseil européen informel sur la compétitivité qui s’est tenu en Pologne en début de semaine.

Par la rédaction, avec AFP

 

La Commission a présenté le 29 janvier la première initiative majeure de sa nouvelle mandature, sa « boussole » pour permettre à l’Union européenne de regagner en compétitivité dans une économie européenne qui tourne aujourd’hui au ralenti. L’acier en France comme en Europe a été identifié parmi les trois secteurs stratégiques pour l’industrie avec la chimie et l’industrie automobile. Des filières qui représentent plusieurs millions d’emplois sur le territoire européen. Depuis des mois, ce secteur soumis à une très forte concurrence en provenance d’Asie, est dans le rouge. Fin novembre, le sidérurgiste allemand ThyssenKrupp a annoncé la suppression de 11 000 emplois sur 27 000 dans sa branche aciérie et la réduction de la production de ses hauts fourneaux. L’autre acteur majeur de l’acier en Europe, ArcelorMittal, suspendait au même moment ses vastes projets d’investissement dans la décarbonation à Dunkerque (France), l’un des plus importants hauts fourneaux d’Europe occidentale, et annonçait la fermeture de deux petits sites en France.

« Tous les sites européens d’acier sont à risque » de fermeture en 2025

« Tous les sites européens d’acier sont à risque » de fermeture en 2025, si rien n’est fait pour protéger la sidérurgie européenne, a averti le 22 janvier le président d’ArcelorMittal France Alain Le Grix de la Salle lors d’une audition devant une commission parlementaire française. « La sidérurgie en Europe et donc en France est entrée dans une crise importante et grave. Les surcapacités mondiales sont un phénomène structurel qui va durer. Ces surcapacités représentent actuellement 550 à 600 millions de tonnes de production annuelle, soit quatre à cinq fois la production de l’Europe » a-t-il énuméré. Pour référence, sur le quatrième trimestre de 2024, elles ont atteint 30 %. Un tiers du marché européen est servi par des aciers importés. « Pour ne parler que de la Chine, elle a exporté 100 à 120 millions de tonnes l’année dernière. C’est l’équivalent de toute la consommation européenne. »

Paris veut soutenir la demande pour l’acier vert

Un des principaux freins selon le gouvernement à la production d’acier vert, c’est l’absence de demande, ou plus exactement la grande incertitude sur le niveau de la demande. La France pousse donc à Bruxelles pour ne pas seulement fixer un prix au carbone mais pour entrer dans une logique où l’on flèche la demande d’un certain nombre de marchés sur les produits décarbonés évoquant des marchés pilotes permettant de “dérisquer” une partie de ce pari, celui de la décarbonation qui va coûter des milliards d’euros aux entreprises. Autre idée avancée par Paris pour soutenir la demande européenne : le fléchage de la demande publique sur ces produits décarbonés, avec un Buy European Act dédié à ces industries vertes, avec l’enjeu aussi de mettre en place des critères made in Europe. Et il y a bien sûr un enjeu de financement auquel devrait répondre une partie du Clean Industrial Act qui sera présenté fin février. Une production d’acier en Europe « à risques », qui a conduit Bruxelles à travailler sur une défenses commerciale, via un renforcement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) alors que l’absence notamment de clarifications sur les perspectives de la compétitivité du site de production européen dans les prochaines années pourrait conduire à suspendre des  investissements dans la décarbonation, ce qui se traduirait in fine sur le long terme, post-2030, par une fermeture de la production d’acier primaire en Europe.

Adapter la clause de sauvegarde

Eurofer, le lobbyiste de l’acier en Europe, cite trois problèmes « qui se renforcent l’un l’autre » : trop d’importations d’acier subventionné à bas prix en provenance d’Asie, prix de l’énergie trop élevé en Europe et baisse de la consommation intérieure européenne d’acier. Selon M. Ferracci, la Commission européenne « doit prendre des mesures dans les prochaines semaines pour prolonger et adapter la clause de sauvegarde » sur l’acier mise en place en 2019, censée être maintenue jusqu’au 30 juin 2026. « Aujourd’hui, celle-ci limite les importations d’acier à 15 % du marché européen de 2016« , rappelle-t-il. Mais comme la consommation européenne d’acier a diminué depuis cette date, « cela équivaut en réalité à 30 % du marché actuel ». Un seuil qu’il juge « trop élevé ».  « Il est nécessaire également d’adapter le mécanisme de taxe carbone aux frontières qui doit entrer en vigueur début 2027, pour éviter les contournements. » « Il faut appliquer aux produits importés la valeur moyenne d’émission de CO2 du pays. Sinon la Chine pourrait orienter la production décarbonée d’une filière vers l’exportation« , estime M. Ferracci qui demande aussi de protéger les sidérurgistes exportateurs en leur accordant « des quotas d’émission de CO2 gratuit« .