Une baisse des émissions de gaz à effet de serre au ralenti en France

Climat
04/07/2025
6 min
Les baisses importantes observées ces deux dernières années des émissions sur le secteur de la production d'énergie (-7% entre 2022 et 2023 et -4% entre 2023 et 2024) devraient fortement se ralentir en 2025. ©Shutterstock

Dans la continuité de 2024, la baisse des émissions de gaz à effet de serre ralentit en France, avec une baisse estimée pour l’année 2025 à 0,8 %, bien loin des – 6,8 % enregistrés en 2023 sur l’ensemble de l’année, a annoncé vendredi le Citepa.

Par la rédaction, avec AFP

En 2025, les émissions brutes françaises (hors puits de carbone) devraient atteindre 366 millions de tonnes en équivalent CO₂ (MtCO₂e), soit une baisse de « seulement 3 MtCO₂e » par rapport à 2024, note l’organisme mandaté pour dresser le bilan carbone national, qui fait pour la première fois un « bilan prévisionnel » pour l’année en cours. Cette faible diminution des émissions « confirmerait le ralentissement de la dynamique observée ces dernières années« , souligne-t-il.

Un essoufflement du rythme

En 2024, la baisse des émissions françaises était de 1,8 %, après – 6,8 % en 2023. La France, longtemps présentée comme un des bons élèves de la décarbonation, semble ainsi perdre son élan, à l’image de l’Allemagne (- 3 % en 2024 après – 10 % en 2023) ou du Royaume-Uni (- 3,6 % après 5,1 %), à l’heure où l’on rentre dans le dur des efforts à réaliser. Ce ralentissement intervient dans un contexte politique marqué par plusieurs reculs ces dernières semaines sur l’artificialisation des sols (ZAN), la restriction des véhicules les plus polluants dans les grandes villes (ZFE), la remise en cause des aides de l’État pour la rénovation énergétique des logements (Ma prime rénov’). « Il est ahurissant que l’année des 10 ans de l’accord de Paris, et alors que les impacts du changement climatique s’aggravent, la France, par les reculs incessants de son gouvernement sur la transition écologique, soit en train de stopper la baisse de ses émissions (…). Ce n’est pas une fatalité, mais un choix politique qui va à l’encontre de la volonté des Françaises et Français« , a réagi Anne Bringault, directrice des programmes chez Réseau Action Climat (RAC).

Énergie et bâtiments à la peine

Pour le premier trimestre, le Cipeta note que les émissions sont même reparties légèrement à la hausse (+ 0,2 %) sous l’effet notamment de la fin des baisses record en matière de production d’énergie et d’émissions particulièrement élevées pour les bâtiments résidentiels et tertiaire (+ 5,2 %) en raison d’une forte consommation de gaz et de chauffage liée à un hiver plus frais. Pour l’année, le Citepa anticipe que le deuxième trimestre devrait voir ses émissions baisser de 1,8 %, avant – 0,9 % et – 0,8 % pour les troisième et quatrième trimestres. Globalement, le ralentissement de la baisse des émissions du secteur énergétique, estimée à seulement – 1 % en 2025, marque la fin des fortes réductions observées les deux années précédentes. L’organisme prévoit que les secteurs qui seront en plus forte baisse seront l’industrie manufacturière et de construction (- 2,4 %) et l’agriculture et la sylviculture (- 1,3 %). Les transports resteront stables (la baisse de – 2,5 % au premier trimestre est contrebalancée par une hausse prévue pour les neuf mois suivants), tandis que les baisses importantes observées ces dernières années sur le secteur de la production d’énergie (- 7 % en 2023 et – 4 % en 2024) devraient fortement ralentir en 2025 (- 0,9 %). « Le recours au nucléaire devrait se stabiliser sur le second semestre 2025, restant à un niveau historiquement haut. De plus, le recours aux énergies fossiles étant déjà très bas, il devrait se stabiliser sans permettre le gain observé dans le passé », explique-t-il. Mais le recours au nucléaire reste élevé et les marges de progression liées au mix énergétique deviennent limitées, d’autant que la demande en électricité est attendue à la hausse. Le secteur industriel devrait voir ses émissions baisser de 2,4 % mais, selon l’Insee, cette baisse sera « essentiellement » liée au recul de la production industrielle plutôt qu’à la décarbonation. À noter que pour l’agriculture, la baisse continue du cheptel bovin compense une légère hausse des apports en engrais azotés. Résultat : une baisse globale des émissions du secteur estimée à – 1,3 %.

Encore beaucoup d’efforts

Ce ralentissement, face auquel le Haut Conseil pour le climat a appelé à un « sursaut collectif » pour relancer l’action climatique, intervient alors que les pays développés doivent maintenant s’attaquer aux secteurs difficiles ou coûteux à décarboner. Et les ambitions doivent être revues à la hausse pour espérer limiter les effets désastreux (canicules, inondations, sécheresse, incendies …) du réchauffement climatique. Les émissions de l’UE ont diminué de 8,3 % en 2023 et sont désormais inférieures de 37 % aux niveaux de 1990, selon la Commission européenne. Mais la marche est encore très haute pour respecter les objectifs climatiques : mercredi, la Commission a proposé de réduire de 90 % les émissions nettes par rapport à 1990. D’autres pays comme les États-Unis, premiers émetteurs historiques, stagnent dans la réduction de leurs émissions (- 0,2 % en 2024), dans un contexte de remise en cause des politiques en faveur du climat. L’objectif français actuel à l’horizon 2030 est de réduire d’au moins 40 % les émissions brutes par rapport à 1990. La troisième stratégie nationale bas carbone, en cours d’élaboration, rehaussera cet objectif à – 50 %, ce qui suppose une réduction de l’ordre de 5 % par an entre 2022 et 2030. Selon l’Insee, depuis 1900, les émissions françaises ont été réduites de 31 %.

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