Tracer une trajectoire éco-responsable pour l’IA

Le Sommet pour l’Action sur l’IA, qui s’est tenu les 10 et 11 février 2025 à Paris, a permis d’évaluer ces enjeux cruciaux et de poser les bases d’une IA responsable. Entre opportunités et risques, le chemin reste à construire. ©Shutterstock

Publié le 12/02/2025

6 min

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La France a accueilli les 10 et 11 février un sommet mondial pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA). Le numérique représente entre 3 % et 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et 2,5 % en France avec des enjeux économiques et environnementaux colossaux. Pour parvenir à construire une trajectoire plus soutenable, plusieurs initiatives ont été annoncées à Paris, via le lancement d’une coalition pour une intelligence artificielle écologiquement durable, avec notamment la mise en place d’un observatoire pour mesurer l’impact de l’IA sur la consommation d’énergie dans le monde.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Plug, baby, plug ! » Emmanuel Macron a défendu le 10 février l’énergie nucléaire plutôt que les forages pétroliers à tout-va promis par Donald Trump dans un célèbre slogan de campagne (« We will drill, baby, drill » – « On va forer, bébé, forer« ). « Nous sommes de retour dans la course » à l’intelligence artificielle, a lancé le président français au sommet mondial sur l’IA à Paris, mettant en avant notamment une « énergie bas carbone disponible » en France grâce au nucléaire pour alimenter les gigantesques centres de données qui fournissent la puissance de calcul nécessaire à cette révolution technologique. « Dans ce monde, j’ai un bon ami de l’autre côté de l’océan (Atlantique) qui dit « drill, baby, drill ». Ici il n’y a pas besoin de forer. Just plug, baby, plug« , a-t-il ajouté. « L’électricité est disponible. Vous pouvez vous brancher. C’est prêt« , a-t-il lancé aux investisseurs réunis sous la coupole du Grand Palais.

Génération frugale

« Le sommet mondial pour l’action sur l’IA constitue un tournant : pour la première fois, la transition écologique est au cœur des discussions d’un sommet international sur l’IA » a souligné la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. En France, le numérique représente 2,5 % de nos émissions et 10 % de notre électricité, « soit l’équivalent de la consommation de plus de huit millions de foyers » indiquait une étude de l’Ademe et de l’Arcep en 2023. Le président de la République a également annoncé, le 9 février 2025, que 109 milliards d’euros allaient être investis en France par des entreprises privées dans l’IA au cours des prochaines années dans tous les secteurs : éducation, santé, justice… La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle a été lancée en 2018 dans notre pays. Elle se déploie en plusieurs phases. D’après le gouvernement, la troisième étape de la stratégie pour l’IA consiste à renforcer l’attractivité de la France pour implanter des data centers de grandes tailles, alimentés grâce à une production d’électricité « décarbonée, abondante et stable ». « 35 sites sont prêts à accueillir des data centers » indique l’Elysée. Un « plug baby plug » qui va néanmoins nécessiter beaucoup d’électricité décarbonée, et si en la matière la France est particulières prolifique, l’enjeu sera sans aucun doute d’aller vers une IA plus frugale, comprenez avec davantage d’efficacité énergétique.

Promouvoir une IA au service des enjeux environnementaux

Cette coalition, co-initiée par la France, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Union internationale des télécommunications, réunit 91 partenaires (gouvernements, entreprises, associations, institutions de recherche, organisations internationales) afin de « promouvoir une IA plus sobre, au service des enjeux environnementaux ». Elle vise à « accroître la collaboration autour des initiatives existantes, tout en accroissant la visibilité des solutions innovantes et le partage des connaissances ». En d’autres termes, de nombreuses initiatives seront lancées au cours des prochains mois pour avoir une utilisation de l’IA moins gourmande en ressources alors que  de plus en plus d’études mettent en garde contre les aspects négatifs de l’explosion de l’IA et des infrastructures qui lui sont associées : consommation énergétique, émissions de CO₂, extraction de ressources et consommation en eau. Car l’IA, c’est aussi « un allié de premier plan pour parer aux grandes urgences environnementales » et pour soutenir la transition écologique estiment scientifiques et experts réunis à Paris, qui mettent en avant l’amélioration des prévisions météorologiques ou le pilotage des ressources naturelles. Dans ce cadre, une collaboration dans le domaine de la normalisation a été lancée. Elle vise à établir une feuille de route avec « des lignes directrices » sur la normalisation de l’impact environnemental de l’IA par plus de 30 partenaires privés et publics.

Un observatoire lancé en avril

Alors que le manque de données fiables est souvent mis en avant par les organismes internationaux sur cette question, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) va lancer en avril un observatoire pour mesurer l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur la consommation d’énergie dans le monde, a annoncé mardi son directeur exécutif Fatih Birol lors du sommet. « Nous allons examiner tous les centres de données et la quantité d’électricité dont ils auront besoin« , a indiqué Fatih Birol. « Le monde entier pourra tirer des leçons des meilleures pratiques, et cela sera en source ouverte pour tout le monde« , a t-il précisé . L’essor de l’intelligence artificielle générative s’accompagne d’une inquiétude croissante sur son empreinte environnementale, un des thèmes majeurs du sommet international pour l’action sur l’IA qui s’est tenu cette semaine.

Des besoins croissants en énergie

Chaque requête sur ChatGPT, le robot conversationnel d’OpenAI capable de générer toutes sortes de contenus sur simple demande en langage courant, consomme par exemple 2,9 wattheures d’électricité. C’est 10 fois plus qu’une recherche sur Google, d’après l’AIE. Les centres de données qui stockent les données et fournissent les énormes capacités de calcul requises par l’intelligence artificielle, sont le socle de cette technologie. En 2023, ces infrastructures du numérique ont représenté près de 1,4 % de la consommation électrique mondiale, selon une étude de Deloitte. Selon un rapport de l’ONU, le nombre de data centers dans le monde est passé de 500 000 en 2012 à plus de 8 millions. Avec la croissance rapide des usages liés à l’IA générative, ce chiffre devrait presque tripler d’ici 2030, pour atteindre 3 % de la consommation électrique mondiale, soit 1 000 térawattheures (TWh). Cela correspond à la consommation électrique annuelle combinée de la France et l’Allemagne, d’après le cabinet britannique. De son côté, l’AIE table sur une hausse de plus de 75 % des besoins en électricité des centres de données, poussés par l’IA et les cryptomonnaies, en 2026 par rapport à 2022 (un peu plus de 800 TWh contre 460 TWh). Selon l’Élysée, l’AIE va travailler avec les entreprises détentrices des centres de données pour suivre au plus près l’évolution de leur consommation en énergie, afin d’obtenir « des données objectivées » et « rassurer nos citoyens qui voient des chiffres un peu épars dans la presse ».