TICGN : le biométhane sera-t-il taxé ?

Publié le 15/10/2020

5 min

Publié le 15/10/2020

Temps de lecture : 5 min 5 min

« Le gouvernement s’apprête à taxer le gaz renouvelable » : c’est l’alerte lancée ce matin par l’Association française du gaz (AFG) alors que l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) sur le biométhane doit être discutée aujourd’hui à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances 2021.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Depuis quelques semaines, la filière du biométhane reçoit de nombreux messages contradictoires du gouvernement qui souligne volontiers sa place dans la transition énergétique et la pertinence de cette filière, notamment pour le monde agricole. Pourtant, la remise en question de l’exonération de la TICGN sur le biométhane est inscrit dans le PLF 2021. Cette suppression, si elle était actée, aurait un impact extrêmement négatif sur une filière certes dynamique mais qui pour être compétitive a besoin d’un accompagnement et d’un soutien clair de l’État.

TICGN : késako?

Créée en 1986, la TICGN est, selon Bercy « une taxe portant spécifiquement sur le gaz naturel due à partir du moment où le gaz naturel est utilisé en tant que combustible« , prévue par l’article 266 quinquies du code des douanes. Collectée par les fournisseurs de gaz, elle est ensuite reversée aux services douaniers. Longtemps exemptés, les particuliers sont soumis à cette taxe depuis le 1er avril 2014 au même titre que les professionnels. Le montant de cette taxe est fixé chaque année dans le PLF, un montant qui n’a pas évolué depuis 2018, établi à 8,45 euros le MWh sur le gaz naturel d’origine fossile. Depuis le 1er janvier 2018, le biométhane fait l’objet d’une exonération de TICGN, une mesure qui se trouve aujourd’hui remise en cause par le gouvernement, comme ce fut déjà le cas l’année dernière avant que les parlementaires n’en décident le report. « Une mesure incohérente » souligne l’AFG qui fait part dans un communiqué publié ce matin « de son incompréhension face à une mesure qui va à l’encontre même du principe pollueur payeur ». De son côté, le gouvernement fait valoir le fait que l’uniformisation du système européen de traçabilité du gaz vert par les garanties d’origine (GO) fait craindre aux autorités publiques françaises de subventionner, sur les deniers de l’État, la production européenne de biogaz. Actuellement, seules les GO françaises peuvent bénéficier d’une exonération.

Une succession de mauvais signaux

Pour l’AFG c’est très clair : changer la réglementation fiscale liée à la TICGN « c’est risquer de porter un nouveau coup à la compétitivité du gaz renouvelable » alors que la filière doit déjà composer avec la baisse annoncée des tarifs de rémunération du gaz vert pour les producteurs. De plus en plus d’acteurs s’inquiètent de ce changement permanent des règles du jeu, qui met en péril la faisabilité de leurs projets. À l’annonce de la suppression possible de l’exonération, de nombreux agriculteurs ont exprimé sur Twitter leurs inquiétudes. La remise en cause de cette exonération est d’autant plus difficile à comprendre pour la filière, que selon elle, elle «  n’impacte pas les finances publiques et qu’elle participe au contraire au développement et à l’attractivité des offres commerciales de biométhane en incitant les consommateurs à souscrire à une énergie plus respectueuse de l’environnement. » note l’AFG. In fine, ce message contradictoire envoyé par le gouvernement ne risque-t-il pas d’aller à l’encontre de la volonté affichée par Matignon, de faire du citoyen un acteur de la transition énergétique ? La question peut se poser. C’est d’ailleurs déjà le cas, du côté des parlementaires, et cela tout groupe confondu, puisque pas moins de huit amendements pourraient être présentés cet après-midi  ou demain pour demander le prolongement de cette exonération. De son côté, le gouvernement estime que le soutien à la production de biométhane a été massif ces dernières années et a permit de faire décoller la production. « L’application de la TICGN sur biométhane n’aura aucun impact sur les producteurs de biométhane. » souligne t-on du côté du MTE.

Une exonération en avance sur la future réglementation européenne?

« Le maintien de l’exonération de la TICGN s’avère conforme avec l’évolution en cours au niveau européen » indique l’AFG, puisque d’ici 2023 la directive sur la taxation de l’énergie sera révisée et dans le cadre du Green Deal les prochaines politiques fiscales des États membres pour le développement des énergies renouvelables devront être plus incitatives. « En décidant de soutenir les consommateurs qui jouent le jeu de la transition énergétique, la France s’est placée en avance sur ses voisins européens «  et pratique « une fiscalité de bon sens » souligne Patrick Corbin. Un retour arrière serait pour le président de l’AFG « un signal très négatif » envoyé à la filière française du biométhane. La Suède est actuellement le seul pays européen à avoir inscrit cette exonération dans la loi.

© Gregory Brandel, GRDF.