RE2020 : les acteurs bientôt fixés sur les niveaux des seuils énergie et carbone

Publié le 09/11/2020

6 min

Publié le 09/11/2020

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La nouvelle réglementation environnementale n’est pas encore en vigueur qu’elle a déjà beaucoup fait parler d’elle. Si la dernière concertation a eu lieu le 16 octobre, la valeur des seuils énergie et carbone qui opposent la filière électricité à la plupart des autres filières (gaz, solaire, bois, chaleur…) devrait être a priori annoncée le 24 novembre, lors du prochain Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE).

Par Laura Icart

 

C’est le grand changement de la RE2020 et à vrai dire à ce stade la grande inconnue pour les acteurs du secteur : la valeur de la dimension carbone qui sera attribuée dans la construction neuve. L’ultime réunion de concertation n’a pas donné lieu à des annonces sur les seuils énergie carbone envisagés, même si les 12 scenarii présentés il y a quelques mois par les services de l’État donnent quelques indications aux acteurs du secteur. Car cette nouvelle réglementation, qui doit entrer en vigueur à l’été 2021 et qui ne devrait faire l’objet « d’aucun retard dans le calendrier malgré la crise liée à la pandémie de coronavirus » selon l’administration, souhaite aller au-delà de la maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments (principal objectif de la RT2012), puisque l’ambition est ni plus ni moins de diminuer drastiquement l’impact carbone des bâtiments, avec une approche en analyse de cycle de vie (ACV) dynamique. Une réglementation qui intègre également, et pour la première fois, la notion de « confort d’été », une notion qui fait sens alors que le changement climatique provoque déjà une hausse des températures. Cette prise en compte a été saluée par l’ensemble des acteurs du secteur.

L’électricité face au reste du monde ?

Le ministère, qui entend « favoriser les énergies les moins carbonées » pendant la vie du bâtiment, a déjà acté depuis le début de l’année la baisse de deux indicateurs que sont le coefficient de conversion de l’électricité et son contenu carbone. Un rééquilibrage selon les services de l’État qui estiment que l’électricité a été pénalisée dans la RT2012. Courant juillet, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), qui pilote la RE2020 pour le compte du ministère de la Transition écologique, a présenté une série de valeurs indicatives pour les logements collectifs et les maisons individuelles selon plusieurs indicateurs (Bbio, CEP, CEP non renouvelable, Eges, RCRmin). Si le RCRmin, qui correspond à un taux minimum d’incorporation de chaleur renouvelable dans la construction, ne devrait pas être « exigentiel », les autres indicateurs sont maintenus. Reste à savoir quelles seront les valeurs retenues pour chacun d’entre eux et si elles seront contraignantes. Pour le CEP, indicateur de référence concernant l’efficacité énergétique, l’ensemble des associations représentantes des filières énergétiques à l’exception de la filière électrique ont demandé qu’il soit plus exigentiel et ambitieux. Toutes craignent en effet le retour d’ un « effet joule » qui aurait pour conséquence selon elles une augmentation non seulement de la précarité énergétique mais également des appels de puissance sur le réseau électrique, déjà en tension sur les hivers à venir. Pour le logement collectif, la DHUP propose des valeurs oscillantes de 70, 80 et 90 kWh par m2 par an. À titre de comparaison, dans sa contribution l’association Coénove propose, en parallèle du renforcement du Bbio, d’établir le CEP à 80 kWh par m2 par an en logement collectif et à 65 kWh par m2 par an en maison individuelle pour dit-elle maintenir « un équilibre entre les filières ». L’indicateur qui pourrait avoir le plus d’impact et déterminer par exemple la sortie des solutions gaz du bâtiment neuf est sans conteste cette nouvelle exigence qui fixe le seuil carbone, baptisée « Eges énergie max ». Selon les options des 12 scenarii présentés en juillet (A1 à D3), l’administration a ciblé les valeurs de 12, 10 et 7 kg équivalent CO2 par m2 par an. D’après Coénove, « les systèmes gaz usuellement installés en logement collectif en RT 2012 s’établissent à 15 kg équivalent CO2 par m2 par an ». L’association estime qu’une première marche de progression à 13 kg équivalent CO2 par m2 par an serait déjà « un pas en avant », alors que le choix des équipements gaz dans le bâtiment neuf « fera déjà l’objet d’un surcoût pour le constructeur qui sera contraint à une sur-isolation ». En revanche, Coénove propose une trajectoire de progression sur huit ans, avec une valeur rabaissée à 11 kg équivalent CO2 par m2 par an en 2025 et 9 kg équivalent CO2 par m2 par an en 2029. Cette demande de seuil carbone contraignant mais non rédhibitoire, de l’ordre de 12 à 14 kg équivalent CO2 par m2 par an, est partagée par l’ensemble des filières énergétiques, à l’exception de la filière électrique, qui estime que le manque de visibilité sur le mode de calcul associé à un contexte économique morose, ne permettent pas une position tranchée. A contrario, la filière de l’électricité souhaite des seuils très renforcés, de l’ordre de 4 à 6 kg équivalent CO2 par m2 par an en maison individuelle et de 9 à 11 kg équivalent CO2 par m2 par an en logement collectif, dès le début de la mise en œuvre de la RE2020. « Des seuils trop contraignants qui sont en opposition avec le souhait de toutes les autres filières énergétiques » note Florence Lievyn, déléguée générale de Coénove qui ajoute « que ce serait totalement contre-productif avec le maintien de notre sécurité d’approvisionnement, alors même que les filières se décarbonent en cohérence avec la trajectoire climatique fixée [dans la PPE et la SNBC, NDLR] permettant de s’appuyer sur un mix pluriel et à chaque filière de progresser ».  

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