Marché de l’électricité : les premières pistes de la Commission

Publié le 02/09/2022

4 min

Publié le 02/09/2022

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La Commission européenne a proposé le 2 septembre un plafonnement des prix pour certains producteurs d’électricité, davantage de tarifs réglementés pour les PME et les ménages les plus précaires et des mesures incitatives pour réduire la consommation, selon un projet consulté par l’AFP.

Par Laura Icart, avec AFP

 

Le marché de l’électricité européen est sur le point de vivre un profond bouleversement. Il semblerait que la libéralisation qui avait tant les faveurs de Bruxelles puisse être remise en cause, alors que le contexte énergétique s’est considérablement tendu ces dernières semaines. En cause, les prix de gros qui ont atteint des sommets, tendance accentuée par la Russie qui ne cesse, à coup d’annonces, de tirer les prix vers le haut, faisant peser sur l’Europe le risque d’une pénurie. En France, moins dépendante du gaz russe, c’est aussi l’indisponibilité du parc nucléaire qui inquiète, même si l’exécutif se veut rassurant.

Vers « une réforme structurelle » ?

« Il faut utiliser une partie des profits excessifs que les producteurs d’électricité engrangent aujourd’hui (…) afin de soutenir les consommateurs à petits revenus et entreprises vulnérables« , a déclaré vendredi la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lors d’un discours en Bavière (sud de l’Allemagne). L’exécutif européen planche sur « une réforme structurelle » pour dissocier les prix de l’électricité des cours du gaz, qui se sont envolés avec la guerre en Ukraine, mais dans l’immédiat, il a dressé une liste de trois pistes de mesures d’urgence pour limiter la flambée des factures, dans un document qui sera examiné le 9 septembre par les ministres européens de l’Énergie.

Avec des interventions ciblées

En premier lieu, la Commission recommande une intervention ciblée sur le marché de gros de l’électricité. Actuellement, c’est le prix de revient de la dernière source d’électricité mobilisée pour répondre à la demande à chaque instant qui détermine le prix s’imposant à tous les opérateurs européens : or il s’agit souvent d’une centrale au gaz. Les autres sources (renouvelables, nucléaire, charbon) vendent l’électricité qu’elles produisent à un prix indexé sur les cours du gaz, très supérieur à leurs coûts de fonctionnement. Bruxelles propose de plafonner le prix payé à ces centrales, pour restreindre les profits exceptionnels des énergéticiens.

Tarifs réglementés vs aides directes aux plus précaires ?

En retour, les États membres pourraient « engranger des recettes financières supplémentaires » (différentes dans chaque pays selon son mix énergétique), qu’ils pourraient utiliser pour soutenir les consommateurs les plus vulnérables : aides directes, tarifs réglementés, réductions des factures d’électricité. C’est la deuxième mesure préconisée. « Moins de la moitié des États utilisent des tarifs réglementés, tandis que l’aide directe aux ménages reste l’instrument le plus utilisé dans l’UE« , note la Commission, qui veut « fournir un plus grand degré de sécurité juridique pour étendre les tarifs réglementés (…) notamment avec une dérogation claire (aux règles européennes) pour couvrir également les PME ». « Dans un contexte où l’offre de gaz est tendue, il existe un risque que les consommateurs passent de l’utilisation du gaz à l’électricité (par exemple, les radiateurs électriques) et aggravent la situation« , s’alarme la Commission.

Pas de politique « trop interventionniste » préconise Bruxelles

En revanche, l’exécutif européen se dit défavorable à un plafonnement indifférencié des prix de détail pour tous les consommateurs, « une politique interventionniste qui risque de fausser les marchés » et de coûter cher aux États. Il se positionne également contre un soutien uniforme aux centrales thermiques ou un remboursement de la contribution des énergéticiens au marché carbone. Enfin, dans la lignée du plan adopté en juillet pour diminuer la consommation européenne de gaz, Bruxelles propose d’intensifier les mesures incitatives pour réduire la demande d’électricité, notamment en rémunérant les consommateurs qui restreignent leurs besoins, ou via des appels d’offre adjugeant aux industriels des compensations en échange d’une réduction donnée de leur consommation.

Ces propositions, pas encore rendues publiques, ont déjà été applaudies par l’Espagne, qui bénéficie d’une dérogation pour plafonner les prix de l’électricité en raison d’une connexion limitée aux réseaux européens : « Nous saluons le fait que ces mesures, très contestées par le passé, soient maintenant sur la table », a réagi le ministère espagnol de la Transition écologique.

Crédit : Shutterstock.