L’Iricc, vers un cadre incitatif renforcé pour la décarbonation des transports

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Publié le 14/05/2025

6 min

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La transition énergétique dans le secteur des transports constitue un défi stratégique majeur pour la France. Ce secteur représente environ 30 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES), principalement à cause des carburants fossiles. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’État renforce son arsenal réglementaire avec la mise en consultation par le gouvernement le 12 mai d’un nouveau dispositif incitatif, l’Iricc (incitation à la réduction de l’intensité carbone des carburants), qui incorpore désormais le biométhane et l’hydrogène et vise à encourager la production de carburants à faible empreinte carbone, en offrant des incitations financières aux producteurs qui réduisent l’intensité carbone de leurs produits.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Après des mois d’attentes, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a lancé hier une consultation publique sur l’attendu dispositif de l’Iricc, successeur de la Tiruert (taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports). Contrairement à cette dernière, l’Iricc n’est pas une taxe mais un mécanisme réglementaire fondé sur des obligations de performance carbone. Il impose à chaque acteur de la distribution d’énergie des objectifs spécifiques et mesurables de réduction de l’intensité carbone par filière.

Un mécanisme pour « sortir de la logique fiscale »

Le gouvernement prépare un virage stratégique avec ce nouveau mécanisme. L’objectif est clair du côté de l’administration : il vise « à mieux aligner » les politiques nationales avec les nouvelles ambitions européennes et accélérer la transition dans chaque mode de transport. Comment ? En sortant d’une logique fiscale « en frappant plus juste », plus concrètement, il impose désormais des obligations directes de réduction des émissions aux metteurs sur le marché, avec des objectifs par filière et des pénalités claires en cas de manquement. Ce changement s’inscrit dans la transposition de la directive RED III (2023/2413), qui rehausse les ambitions climatiques européennes : – 14,5 % d’intensité carbone ou + 29 % d’énergie renouvelable dans les transports d’ici 2030.

Quelles ambitions par secteur ?

Le secteur routier reste le principal émetteur de GES en France. L’Iricc lui impose une réduction d’intensité carbone de 18,7 % en 2035 (contre 5,9 % en 2026). Les objectifs d’incorporation d’énergie renouvelable atteindront 16 % pour le gazole et 14,5 % pour l’essence. Contrairement à la Tiruert où les obligations étaient fixées tous les deux ans, créant une incertitude pour les industriels, l’Iricc inscrit désormais les trajectoires dans la loi, assurant une visibilité à 10 ans, facteur crucial pour les investissements dans les biocarburants avancés. Avec peu d’alternatives techniques viables à court terme, le secteur aérien reste dépendant des carburants liquides. L’Iricc prévoit une réduction de 18,7 % de l’intensité carbone d’ici 2035, avec une trajectoire alignée sur le règlement européen RefuelEU Aviation. Des sous-objectifs imposent aussi l’incorporation de carburants de synthèse dès 2030. Jusqu’ici marginalement couverte par la Tiruert, elle devient pleinement assujettie, avec une obligation de résultats sur les émissions et non plus uniquement sur les volumes d’incorporation. Le secteur maritime, longtemps hors radar, se voit assigner une réduction de 14,5 % d’intensité carbone d’ici 2035. Concrètement, le maritime devra intégrer une obligation renouvelable de 2,9 % (2026) à 17,1 % (2035). L’Iricc introduit  également aussi une obligation d’incorporer 1,2 % de carburants de synthèse dès 2030 et 2 % en 2034, en cohérence avec le règlement « FuelEU maritime ». Les gaz carburants (GNV et GPL) répondront à une obligation de réduction d’intensité carbone à partir de 2028 allant jusqu’à 18,7 % en 2035 en passant par 10,6 en 2030. Outre les objectifs par type de carburant, l’Iricc introduit des sous-objectifs obligatoires : un minimum de 1,95 % d’ici 2030 pour les biocarburants avancés, 1,5 % à la même échéance pour l’hydrogène renouvelable ou bas carbone mais aussi une limitation des 1G (carburants en concurrence avec l’alimentaire) qui sont plafonnés « pour éviter les effets pervers ».

Une nouvelle place pour le (bio)GNV

Le gaz naturel pour véhicules (GNV), longtemps relégué à une place marginale dans les textes officiels, bénéficie désormais d’une reconnaissance explicite dans le cadre du projet Iricc. Ce dernier introduit pour la première fois des objectifs précis concernant l’incorporation d’énergies renouvelables dans les gaz carburants, avec un calendrier de montée en puissance progressive à compter de 2028. « Ce nouveau mécanisme va permettre à la fois de bien rémunérer la production de biométhane, avec des contrats de type BPA (biomethane purchase agreement) et d’offrir aux clients du bioGNV un prix maîtrisé et compétitif par rapport au gazole » nous expliquait Régis Gaignault, secrétaire générale de France mobilité biogaz (FMB), en novembre 2023, lorsque le biométhane a été intégré dans le mécanisme de fiscalité carburant Tiruert. Les objectifs d’intégration de renouvelables dans le GNV sont fixés à 3 % en 2028, 12 % en 2030, puis 21 % en 2035. En France, selon FMB qui a d’ailleurs salué «  la sortie d’une consultation attendue de longue date », le taux d’incorporation de bioGNV dans le GNV consommé est passé en une décennie de 0,6 % en 2014 à 29 % en 2023 et devrait atteindre un objectif de 50 % en 2025.

Une incitation renforcée : entre pénalités et certification

Le système repose sur un registre numérique (CarbuRe) et des certificats de réduction d’intensité carbone, que les metteurs à la consommation devront produire annuellement. En cas de non-respect des objectifs, des pénalités significatives s’appliqueront : jusqu’à 700 euros la tonne de CO₂ non évitée ou 80 euros le GJ manquant pour les biocarburants avancés et H₂ et jusqu’à 40 euros le GJ manquant pour le GNV (à partir de 2030), comme la pénalité fixée pour l’essence et le gazole. Si la Tiruert prévoyait une taxe libératoire, dont le montant pouvait être inférieur au gain d’opportunité pour certains distributeurs, avec l’Iricc, « les pénalités deviennent plus dissuasives et reflètent le coût réel du carbone » selon document fourni par l’État.