Les étudiants contributeurs et acteurs de la transition énergétique

Une soixantaine d’étudiants  de masters spécialisés dans l’énergie, l’environnement, l’industrie et les politiques publiques ont présenté le 6 mars leurs contributions à la concertation nationale sur le mix énergétique, à la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher et la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau. ©Manuel Bouquet/Terra

Publié le 06/03/2023

8 min

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Une soixantaine d’étudiants de masters spécialisés dans l’énergie, l’environnement, l’industrie et les politiques publiques ont été reçus le 6 mars au ministère de la Transition énergétique pour présenter leurs contributions à la concertation sur le mix énergétique à la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau. Inégalités territoriales, ISF climatique, mesures d’effacement ciblés, exemplarités des institutions publiques, justice sociale, compétences, souveraineté technologique et industrielle, intermittence ont fait partie des contributions apportées par ces étudiants qui ont tous souligné la nécessité d’agir de manière transversale pour apporter des réponses plurielles et pluridisciplinaires.

Par Laura Icart

 

La concertation nationale « Notre avenir énergétique se décide maintenant » est avant tout l’occasion de se dire « comment on bâtit notre avenir énergétique et où l’on place les curseurs  pour y parvenir » a rappelé la ministre de la Transition énergétique devant un panel de jeunes. Après le Forum des jeunesses qui avait réuni 200 jeunes à la fin du mois de janvier, Agnès Pannier-Runacher et Sylvie Retailleau avaient sollicité en fin d’année dernière six masters spécialisés – master Énergie, finance, carbone (université Paris-Dauphine), master Écologie industrielle et territoriale (université Bretagne-Sud), master Management et transition écologique et énergétique (IPAG business school), master Gestion de l’énergie (université de Poitiers), HEC transitions (HEC) et le master d’Affaires publiques (Sciences-Po) – pour contribuer à la concertation nationale.

« À la recherche de talents »

 « L’énergie englobe toutes les questions de souveraineté. » C’est pour cette raison qu’elle est aussi « centrale » aujourd’hui dans le débat public insiste Agnès Pannier-Runacher, alors que les événements des dernières années (pandémie, guerre en Ukraine) sont venus nous rappeler que notre résilience passe aussi par davantage de productions souveraines dans tous les domaines stratégiques : la santé, l’industrie, l’énergie… La question du débat énergétique « ne se résume pas à l’opposition entre nucléaire et énergies renouvelables« , « nous avons besoin des deux » insiste la ministre, rappelant que la marche à franchir pour atteindre les objectifs de décarbonation est trop « importante ». Pourquoi impliquer la jeunesse ? « Vous allez mener cette transition dans les idées, dans les choix professionnels que vous ferez, dans les engagements que vous prendrez » souligne Agnès Pannier-Runacher. « Vous êtes les acteurs du futur » ajoute Sylvie Retailleau qui estime qu’« il faut adapter la formation supérieure aux enjeux transversaux et pluridisciplinaires d’aujourd’hui ». Un plan pour intégrer les enjeux de transition énergétique et former les enseignements est en cours de déploiement afin que d’ici 2024 ces questions soient intégrées dans un socle commun de connaissances et de compétences à transmettre. « Nous sommes à la recherche de talents » a annoncé Agnès Pannier-Runacher, évoquant des difficultés de recrutement jusque dans son ministère « où 15 postes liés aux énergies renouvelables » ne trouvent pas preneur.

Sobriété, le maître-mot

Le sujet de la sobriété est « majeur » : il est rapidement déployable et le retour d’investissement est très important et « immédiat ». Preuve en est, selon la ministre, « nous avons fait en trois mois ce que nous n’avions pas réussi à faire en 30 ans en termes de sobriété ». Elle insiste sur le fait que les conditions météorologiques y ont certes contribué mais qu’il y a bien eu une réduction des consommations engagées par les particuliers comme par les entreprises. L’ensemble des étudiants présents cette après-midi à l’hôtel de Roquelaure, sous l’égide de la commission nationale du débat public, ont répondu sous forme de contributions écrites à trois questions : comment adapter notre consommation pour atteindre la neutralité carbone ? Comment satisfaire nos besoins en électricité et plus largement en énergie tout en assurant la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles ? Et enfin comment mettre en œuvre et financer la transition énergétique ? Chaque école a ensuite restitué pendant cinq minutes ses propositions, tantôt axées sur l’offre, tantôt sur le demande, certaines très techniques comme le sujet de l’effacement des consommations électriques, d’autres plus sociétales comme la désirabilité et l’importance « d’un changement culturel » qu’il nous faut opérer. Mais toutes ont insisté sur la sobriété qu’ils considèrent comme un levier central pour répondre au défi de la neutralité climatique à court comme à long terme, avec un fil rouge : la justice sociale.

Tour d’horizon des propositions

Pour les étudiants du master Énergie, finance, carbone de Dauphine, il faut planifier l’offre énergétique en tenant davantage compte des contraintes techniques qui vont peser sur le réseau électrique alors que le scénario de RTE prévoit une électrification massive des usages. « Il faut clarifier le potentiel des flexibilités vertes » propose un étudiant et « créer un signal prix ». « L’équité devient et sera le point principal du financement  de la transition » ajoute un autre de la même promo, qui propose dans un souci de justice sociale « une réforme de la taxe carbone avec des mesures pour les plus modestes » et l’instauration d’un « ISF climatique ». Si les étudiants du master du master Écologie industrielle et territoriale de l’université Bretagne-Sud partagent la préoccupation d’une justice sociale, ils ne partagent pas l’idée de nouvelles taxations. Ils estiment au contraire qu’il faut renforcer l’accompagnement financier et humain des particuliers pour rénover les passoires thermiques, collecter et mieux valoriser les biodéchets notamment via la méthanisation, favoriser l’achat local, le circuit court et le développement de l’ensemble des énergies renouvelables disponibles pour un « mix diversifié », en citant notamment l’importance du gaz vert ans leur région. Pour les étudiants de l’école d’affaires publiques de Science-Po Paris, la sobriété peut-être accélérée et amplifiée en actionnant plusieurs leviers : ils proposent par exemple d’améliorer l’information et la compréhension en « calculant un montant d’électricité max par foyer » (en tenant compte de certaines spécificités du foyer ou du lieu ) qui « pourrait apparaître sur la facture mensuelle », et le cas échéant de mettre en place des mesures pour les accompagner dans la réduction de leur consommation, ce qui pourrait permettre « dans un second temps de faire payer plus cher le surplus consommé ». Les étudiants de Science-Po préconisent également de généraliser les effacements électriques – « faire de la sobriété par l’effacement est un excellent moyen de sensibiliser les consommateurs sans impact trop important » –, de repenser le financement du réseau d’électricité et de réduire la publicité lumineuse. Pour les représentants du master Management et transition écologique et énergétique de l’IPAG Business School « aucune transition n’aura lieu si elle est subie », qui insistent sur la nécessité d’un changement culturel. Eux ont davantage axé leur présentation sur la désirabilité et la nécessité d’une bascule sociétale. « Les institutions publiques doivent montrer l’exemple » estime l’un d’entre eux, « les médias, l’éducation et la formation ont un rôle très important à jouer, la transition énergétique doit être considérée comme une opportunité » ajoute une autre étudiante qui milite pour une approche holistique.

Une démarche politique

La promo du master Gestion de l’énergie de l’université de Poitiers a fait plusieurs propositions concrètes pour éviter la surconsommation. Ils ont notamment proposé de mettre en place des sanctions financières pour les entreprises qui surconsommeraient des produits ne tenant pas compte par exemple de leur indice de réparabilité, ou encore de décaler les consommations pour encourage un usage plus sobre des bâtiments. Les étudiants du master Transitions d’HEC Paris ont un discours davantage politique et ont demandé « la fin de l’opposition stérile entre renouvelables et nucléaire », « le rapatriement de la production énergétique sur nos territoires » mais également une « meilleure prise en compte du mix non électrique » dans le débat public, citant « la chaleur, le bois et les gaz renouvelables ». Ils estiment également que les partis politiques « doivent sortir de leurs postures d’opposition et proposer des scénarios réalistes ».

L’ensemble des étudiants pourraient être de nouveaux sollicités dans les prochains mois a indiqué la ministre de la Transition énergétique, notamment pour travailler sur la sobriété alors que le gouvernement a relancé fin février des groupes de travail sectoriels sur ce sujet, avec l’ambition de pérenniser le plan et d’aller plus loin.