Le gouvernement engage la relance du nucléaire : un plan ambitieux pour la période 2025-2028

Nucléaire
12/06/2025
7 min

Le gouvernement a signé le 10 juin le contrat de filière nucléaire pour la période 2025-2028 qui acte la relance de l’atome en France et le programme EPR2 de construction de six nouveaux réacteurs de grande puissance à horizon 2038. Un plan en quatre axes et 17 projets transverses pour structurer la filière avec des priorités : renforcer la performance industrielle et sécuriser les compétences dans une filière où les besoins en mains d’œuvre seront « énormes » dans les années à venir.

Par la rédaction, avec AFP

Il y a une ambition « de se projeter dans les prochaines décennies », a déclaré Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’énergie, lors de la signature du contrat en marge des « Journées perspectives » de la filière à Massy (Essonne). Et « il y a l’enjeu de la performance industrielle« , a-t-il ajouté, évoquant la nécessité de « maîtriser les coûts » de la filière nucléaire en en « maîtrisant les délais« . Le ministre de l’Économie Eric Lombard, également présent, a pour sa part souligné l’importance du nucléaire « pour la transformation écologique » et la « compétitivité » de la France. « C’est un élément de compétitivité de notre industrie pour (…) les décennies qui viennent« , a-t-il dit.

Assurer la continuité du discours de Belfort

Ce contrat de filière 2025-2028 répond à l’ambition exprimée par le président de la République, Emmanuel Macron, qui avait annoncé en février 2022 lors du discours de Belfort un programme de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires et une option pour huit autres. Le programme EPR2 prévoit la construction de six nouveaux dont une première paire à Penly (Seine-Maritime), puis à Gravelines (Nord) et au Bugey (Ain). Initialement, il visait une entrée en service en 2035 pour le premier réacteur, mais le calendrier a été repoussé à 2038. Le contrat signé mardi n’aborde pas le financement du programme, pour lequel l’État s’est engagé jusque-là sur un prêt à taux préférentiel couvrant 50 % au moins du devis. EDF est en train de travailler sur le chiffrage et doit boucler le cadrage du programme d’ici la fin de cette année pour une décision d’investissement fin 2026.

« Une force pour notre pays »

Lors de la présentation du nouveau contrat stratégique pour le secteur nucléaire, le ministre a souligné la place essentielle du nucléaire dans l’avenir énergétique de la France, « une force pour notre pays », soulignant au passage que la France produit déjà plus de 95 % de son électricité de manière décarbonée. Lors de cette annonce, il a souligné l’engagement de l’État en faveur d’une filière nucléaire ambitieuse, visant à prolonger l’existence des réacteurs actuels, tout en construisant de nouvelles infrastructures. « Nous devons accélérer et structurer cette filière industrielle, qui représente déjà un modèle de dynamisme. L’État investit massivement dans l’avenir du secteur », a-t-il déclaré. Le nucléaire est ainsi présenté comme un levier stratégique pour décarboner des secteurs industriels cruciaux, comme l’acier et la chimie, dont la survie dépend de cette énergie propre. Pour garantir la réussite de ce projet ambitieux, il a insisté sur la nécessité de tenir les délais et de maîtriser les coûts, en collaboration étroite avec EDF et les acteurs du secteur. Le ministre a également insisté sur l’importance d’attirer et de former de nouvelles générations de talents pour relever les défis de la transition énergétique. En effet, avec un objectif de 100 000 recrutements dans la décennie à venir, le secteur nucléaire se prépare à un véritable « chantier du siècle », destiné à soutenir l’indépendance énergétique de la France tout en favorisant l’innovation dans des technologies comme les petits réacteurs modulaires (SMR). Mais au-delà des enjeux nationaux, le ministre a rappelé que « le nucléaire est désormais un enjeu stratégique international », notamment dans le contexte géopolitique actuel où l’énergie devient un levier de puissance. Il a conclu : « Nous allons défendre les intérêts de la filière nucléaire française à Bruxelles, pour assurer notre souveraineté énergétique et notre compétitivité.« 

Améliorer le taux de féminisation

Les contrats de filière sont des engagements réciproques de la filière et de l’État. Ils sont aussi signés par les organisations syndicales et les représentants de la filière. Le contrat signé mardi est orienté autour de quatre axes : l’exigence opérationnelle, c’est-à-dire la maîtrise des coûts et des délais, l’emploi et les compétences, alors que la filière aura besoin de 100 000 recrutements en 10 ans, la recherche et développement et enfin autour de la transition écologique, la gestion des déchets ou encore l’adaptation au changement climatique. La filière veut notamment améliorer son taux de féminisation qui, avec 24 % de femmes, est en-deçà de celui de l’industrie en général (30 %), a souligné Hélène Badia, la présidente de l’Université des métiers du nucléaire (UMN). « Il y a encore énormément de travail sur le sujet de la féminisation« , a-t-elle déclaré.

Un programme à 67,4 milliards d’euros

Aux conditions de 2020, le coût du programme estimé à 51,7 milliards d’euros en 2022 s’élève désormais à 67,4 milliards, ce qui revient à 79,9 milliards aux conditions plus récentes de 2023, selon un rapport de la Cour des comptes de janvier, sur la base d’un chiffrage d’EDF fin 2023. En France, le financement du programme serait assorti d’un contrat sur la production nucléaire à un prix garanti par l’État de 100 euros maximum du mégawattheure, c’est-à-dire que si l’électricité d’EDF est vendue sur les marchés au-delà, EDF doit verser des recettes à l’État. En-dessous, c’est l’État qui compense EDF. Le contrat de filière porte également sur les projets de mini-réacteurs (SMR ou small modular reactors), avec de premières mises en service au début de la décennie 2030, selon Bercy, ainsi que sur l’exploitation des réacteurs actuels et le respect des exigences applicables en matière de sûreté nucléaire.

La relance du nucléaire, qui devra être inscrite dans la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, consacre la rupture avec la précédente adoptée en 2020, qui prévoyait notamment la fermeture de 14 réacteurs, dont les deux de Fessenheim.

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