Le changement climatique affecte davantage les femmes et les ménages pauvres

 une hausse de 1°C des températures peut provoquer une baisse de 34% des revenus des ménages dirigés par des femmes estime l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. ©Shutterstock

Publié le 09/03/2024

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Dans les zones rurales des pays en développement, le changement climatique affecte plus fortement les femmes, qui s’occupent plus des tâches domestiques, et les ménages pauvres, qui ont moins de ressources pour s’adapter. C’est la conclusion du rapport « le Climat est injuste » de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture publié le 5 mars.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Les vagues de chaleur et les inondations ont des conséquences différentes sur les femmes et les hommes et aggravent les disparités de revenus » estime une étude publiée le 5 mars par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), estimant que « l’écart de productivité agricole et de salaires entre les femmes et les hommes se creusera considérablement dans les années à venir ». Une augmentation de long terme de la température moyenne de 1 °C conduira à une réduction des revenus des foyers dirigés par une femme supérieure de 34 % à celle des foyers dirigés par un homme, analyse par exemple la FAO. Pour étudier l’effet du changement climatique sur les femmes, les pauvres et les jeunes, l’organisation s’est appuyée sur des données provenant de près de 110 000 ménages « représentant plus de 950 millions de ruraux » de 24 pays à revenus faibles et moyens, croisées avec des données de précipitations et de températures sur 70 ans.  $Le rapport examine l’incidence des différents facteurs de stress climatique sur les revenus, le travail et les stratégies d’adaptation des personnes, en ventilant les résultats par niveau de ressources, sexe et tranches d’âge.

Les femmes particulièrement vulnérables 

Cette plus grande vulnérabilité des femmes dans les zones rurales est « enracinée dans les structures sociales et les normes et institutions discriminatoires qui façonnent en fonction du genre les accès aux ressources, l’utilisation du temps, les opportunités de revenus et l’accès aux services », avance la FAO. Cependant, il reste intéressant de noter que dans l’ensemble des pays, la France y compris, les femmes sont davantage touchées par la pauvreté et la précarité. Dans son rapport publié en novembre, le Secours catholique estime que de plus en plus de Français qui se présentent à eux ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie, évoquant « un risque accru » de voir basculer des milliers de personnes supplémentaires dans la pauvreté et en premier « des femmes seules avec ou sans enfants ». « Les populations des zones rurales sont davantage exposées à la précarité énergétique » indiquait en fin d’année à Gaz d’aujourd’hui Claire Delfosse, géographe ruraliste, professeure à l’université Lumière-Lyon II et directrice du laboratoire d’études rurales (LER). En agrégé, les inondations creusent l’écart de revenus entre les ménages dirigés par une femme et ceux dirigés par un homme de 16 milliards de dollars par an, et les vagues de chaleur de 37 milliards. Les femmes passent plus de temps dans les tâches domestiques, ont des salaires moins élevés, un moindre accès aux terres, aux intrants, aux technologies ou aux services financiers. En raison de leur rôle au sein du foyer, elles sont moins enclines que les hommes à migrer pour chercher d’autres sources de revenus en cas de choc climatique, note par exemple le rapport. « Chaque journée aux températures extrêmement élevées réduit la valeur totale des cultures produites par les agricultrices dans une proportion de 3 % par rapport aux cultures de leurs homologues hommes » indique le rapport.

La pauvreté limite la capacité d’adaptation

L’adaptation des ménages pauvres est pour sa part freinée par le manque de ressources et d’opportunités économiques ainsi que par leur précarité, qui les pousse par exemple à vendre leur bétail en urgence en cas de besoin au lieu de le garder, selon la FAO. Moins éduqués, ils accèdent moins facilement à des emplois hors agriculture ou à des prêts pour investir dans des projets pouvant lisser leurs revenus en cas de choc climatique. Ils perdent en moyenne 5 % de revenus de plus que les ménages plus aisés en raison des vagues de chaleur, et 4,4 % de plus en raison des inondations, relève l’étude. Les phénomènes météorologiques extrêmes obligent aussi les foyers ruraux appauvris à recourir à des stratégies d’adaptation « qui leur portent préjudice » indique le rapport, évoquant une perte de revenus liée au bradage du bétail et une réaffectation des dépenses nécessaires à l’exploitation agricole. Une augmentation de 1 °C des températures moyennes se traduit par « une augmentation de 53 % de la part agricole des revenus des ménages pauvres et par une baisse de 33 % de la part non agricole de leur revenu par rapport aux ménages non pauvres » relève le rapport.

On estime que « seulement 1,7 % du financement climatique suivi en 2017-2018 a atteint les petits producteurs » souligne Maximo Torero Cullen, chef économiste à la FAO précisant que les populations rurales et leurs vulnérabilités climatiques « sont à peine prise en compte » dans les politiques climatiques nationales aujourd’hui. Autre exemple criant selon  Maximo Torero Cullen : les contributions déterminées au niveau national et les plans d’adaptation des 24 pays analysés montrent que seulement 6 % des 4 164 actions climatiques proposées mentionnent les femmes, tandis que moins de 1 % des actions concernent les pauvres et 6 % concernent les agriculteurs des communautés rurales. « Si l’on ne s’attaque pas à l’impact inégal du changement climatique sur les populations rurales, le fossé déjà important entre les nantis et les démunis, et entre les hommes et les femmes, s’accentuera », conclut la FAO.