La part des renouvelables devra doubler dans la consommation européenne en 2030

Le texte, approuvé le 30 mars, fixe un objectif contraignant de 42,5% de renouvelables dans la consommation européenne d'ici 2030. ©Shutterstock

Publié le 30/03/2023

8 min

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Les députés européens et la présidence suédoise du Conseil sont parvenus à un accord informel le 30 mars pour porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’UE à 42,5 % d’ici 2030, dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED). Accélération des procédures, renforcement de la durabilité de la biomasse et place de l’hydrogène bas carbone font partie des mesures phares de cette directive. Un texte qui reconnait le rôle de l’hydrogène bas carbone, comprenez produit à partir de nucléaire, ardemment défendu par la France. 

Par Laura Icart, avec AFP

 

« C’est sans doute le texte le plus complexe du paquet climat » a confié, lors d’un échange avec la presse, la ministre de la Transition énergétique française Agnès Pannier-Runacher, évoquant la multiplicité des objectifs (globaux, sectoriels…) à fixer et une série de règles allant de l’utilisation de la biomasse à l’encadrement des biocarburants en passant par l’autoconsommation et les permis d’accélération des énergies renouvelables. Le texte proposé par la présidence suédoise avait « tout notre soutien » a expliqué la ministre, puisqu’il reconnaissait « le rôle du nucléaire dans l’atteinte des objectifs climatiques de l’UE et la réduction des émissions de CO2 ». C’est « une avancée de principe importante » a-t-elle souligné, tout en précisant à ce stade que les détails du texte n’étaient pas connus. Le texte, approuvé à l’aube après une quinzaine d’heures d’ultimes pourparlers, fixe un objectif contraignant de 42,5 % de renouvelables dans la consommation européenne d’ici la fin de la décennie, soit un quasi-doublement du niveau actuel d’environ 22 %. La France se situe elle à 19,3 %.

Une cible de 42,5 % à atteindre d’ici 2030

« C’est un haut niveau d’ambition sur les renouvelables » estime Agnès Pannier-Runacher. Cette cible se situe à mi-chemin entre les 45 % que réclamaient la Commission européenne et les eurodéputés, et les 40 % que demandaient les États. Elle marque un très net relèvement par rapport à l’objectif actuel de l’UE pour 2030 (32 %). Pour y parvenir, le texte approuvé prévoit de faciliter et d’accélérer les procédures d’autorisation pour les infrastructures d’énergies renouvelables, avec l’établissement de territoires dédiés où la réglementation serait assouplie. La législation accélérera les procédures d’octroi de permis pour les nouvelles centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable, comme les panneaux solaires ou les éoliennes, ou pour adapter les centrales déjà existantes. L’accord provisoire fixe un objectif indicatif d’au moins 49 % d’énergies renouvelables dans les bâtiments en 2030.

Des procédures accélérées

Les autorités nationales disposeront « d’un délai maximum de 18 mois » pour approuver les nouvelles installations de production situées dans des zones propices au déploiement des énergies renouvelables et « de maximum 27 mois » si ce n’est pas le cas, précise le Parlement européen dans un communiqué. En France, la loi d’accélération des énergies renouvelables adoptée récemment « avait déjà anticipé la plupart de ces mesures », précise le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Le déploiement des énergies renouvelables sera également présumé être d’un « intérêt public supérieur« , « ce qui limitera les motifs d’objection juridique aux nouvelles installations » note le Conseil.

Veiller à la durabilité de la biomasse

Les députés ont plaidé en faveur de critères plus stricts sur l’utilisation de la biomasse afin de s’assurer que l’UE ne subventionne pas les pratiques non durables en définissant un cadre plus rigoureux, notamment pour le recours à la biomasse forestière primaire. Le recours à la biomasse ligneuse, une source « 100 % verte« , a souligné l’eurodéputé Markus Pieper (PPE, droite), rapporteur du texte mais dénoncée régulièrement par les ONG écologistes, inquiètes de l’impact sur les forêts comme puits de carbone et refuges de biodiversité. « L’utilisation de la biomasse est mieux encadrée, même si le Parlement voulait allait plus loin », note l’eurodéputé Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission parlementaire de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (Itre).

Réduction de 14,5 % de l’intensité des GES dans les transports

Dans le secteur des transports qui peine à réduire ses émissions représentant toujours plus de 25 % émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE, l’accord provisoire donne aux États membres la possibilité de choisir entre un objectif contraignant de réduction de 14,5 % de l’intensité des gaz à effet de serre « en utilisant une plus grande part de biocarburants avancés et un quota plus ambitieux de carburants renouvelables d’origine non biologique, comme l’hydrogène » ou un objectif contraignant d’une part d’au moins 29 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici à 2030. L’accord provisoire fixe un sous-objectif combiné contraignant de 5,5 % pour les biocarburants avancés (généralement dérivés de matières premières non alimentaires) et les carburants renouvelables d’origine non biologique (principalement l’hydrogène renouvelable et les carburants synthétiques à base d’hydrogène) dans la part des énergies renouvelables fournies au secteur des transports. Dans le cadre de cet objectif, « une exigence minimale de 1 % de carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO) dans la part des énergies renouvelables fournies au secteur des transports est imposée en 2030 » précise un communiqué du Conseil.

Les députés européens ont obtenu la fixation d’un objectif indicatif pour les technologies innovantes en matière d’énergies renouvelables « d’au moins 5 % de la capacité d’énergie renouvelable nouvellement installée », ainsi « qu’un cadre contraignant » pour les projets transfrontaliers dans le domaine de l’énergie.

Un accord trouvé sur le rôle de l’hydrogène bas carbone

Si le texte de l’accord  n’est pas encore connu, il y a bien une reconnaissance de l’hydrogène bas carbone et donc rôle du nucléaire résumé ainsi dans un tweet ce matin par Pascal Canfin : « La reconnaissance du rôle spécifique du nucléaire qui n’est ni vert ni fossile. » Ce point a fait l’objet de vives divergences ces dernières semaines entre les Vingt-Sept, ravivant les divisions entre défenseurs et détracteurs de l’atome civil. Pour rappel, le texte prévoit d’ambitieux objectifs d’hydrogène « renouvelable« , via la directive RED III qui établit une cible d’hydrogène renouvelable dans l’industrie à 42 % d’ici 2030, puis 60 % d’ici 2035. Cette cible n’inclut pas le raffinage. L’objectif d’utilisation d’hydrogène renouvelable dans les transports a été réhaussé. Il passera de 2,6 % en 2028 à  5,7 % en 2030, soit une multiplication par deux en moins de deux ans qui cette fois inclut le raffinage. La France et ses alliés réclamaient un traitement égal entre hydrogène renouvelable et hydrogène bas carbone produit avec de l’électricité d’origine nucléaire. Une ligne rouge pour plusieurs pays (Allemagne, Autriche, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Espagne…), qui refusaient d’encourager, dans un texte dévolu aux énergies vertes, la production d’hydrogène issu du nucléaire, au risque selon eux de ralentir les investissements dans les renouvelables.

Pour parvenir à un compromis,  la présidence suédoise de l’UE, qui menait les discussions au nom des États membres avec les eurodéputés, a proposé plusieurs mesures visant à assouplir les objectifs pour les pays disposant d’une importante production électrique décarbonée. Plus concrètement, la création de l’article 22 b reconnaissant le rôle de l’hydrogène bas carbone et une phrase présente dans le texte « pour atteindre son objectif en matière de renouvelable, le déploiement des énergies renouvelables dans le cadre de la cible européenne révisée devrait être intégré à des efforts complémentaires de décarbonisation incluant le développement d’autres sources non fossiles. » Une reconnaissance « implicite » selon le cabinet de la ministre de la Transition énergétique mais une reconnaissance tout de même qui va permettre à notre pays de mettre à profit son bouquet électrique à faible teneur en carbone et d’avoir davantage de manœuvre pour atteindre ses objectifs en termes d’hydrogène renouvelable. Selon l’accord conclu, les États membres auront la possibilité de réduire de 20 % la contribution des RFNBO à l’utilisation industrielle sous deux conditions : si la contribution nationale de l’État membre à l’objectif global contraignant de l’UE est conforme à la contribution attendue et si la part d’hydrogène provenant de combustibles fossiles consommée dans l’État membre n’est pas supérieure à 23 % en 2030 et à 20 % en 2035. La cible d’hydrogène renouvelable pour 2030 pourra être réduite de 20 % pour les États membres où la part d’hydrogène fossile dans la consommation d’hydrogène du pays sera inférieure à 23 % et 20 % en 2035. « Cela veut dire que la France ne sera pas obligée de construire du renouvelable pour faire de l’hydrogène pour l’industrie et les transports mais pourra aussi utiliser le nucléaire. C’était une condition absolue pour la France pour soutenir l’accord final« , a souligné M. Canfin.

Ce texte sera analysé avec l’ensemble des membres de la coalition « qui partage notre vision » afin de fournir « une réponse coordonnée », a souligné l’entourage de la ministre française.