La France et le Danemark signent un accord sur le transport transfrontalier de CO2

Le Danemark vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 70 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Le pays allouera 2,2 milliards d'euros à des subventions pour le captage et le stockage du carbone en deux phases au cours de la prochaine décennie, à partir de 2022 ©Shutterstock

Publié le 06/03/2024

5 min

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La France et le Danemark ont signé une lettre d’intention et un accord bilatéral sur le transport transfrontalier de CO « à des fins de stockage géologique » lundi 4 mars, en marge du Conseil européen de l’énergie. Après la signature d’un partenariat stratégique avec la Norvège en janvier, la France accélère sur le sujet de la capture et du stockage de CO, une technologie qui est clé pour tenir nos objectifs de décarbonation de l’industrie et de l’économie en général, et parvenir à une réduction d’au moins 55 % de gaz à effet de serre en 2030.

Par Laura Icart

 

L’objectif européen est très « ambitieux » reconnaît l’entourage du ministre délégué à l’industrie et à l’énergie français Roland Lescure. Pour y parvenir en moins de six ans, il faut « une transformation en profondeur de notre économie et en particulier de notre industrie » reconnaît Bercy. Une stratégie dans laquelle la capture et le stockage du carbone « est un levier indispensable », notamment pour les secteurs fortement énergivores ne disposant pas de solutions efficientes de décarbonation. Et à l’heure actuelle « la France n’a pas de projet à très court terme » reconnaît Bercy, soulignant tout de même que cela n’était « pas impossible ». Notre pays est donc à la recherche de partenaires qui pourraient séquestrer, stocker et transporter le carbone pour elle. Et c’est donc en Norvège et au Danemark que l’Hexagone pourra envoyer le CO2 de ses énergo-intensifs.

Entre 4 à 8,5 MtCO2 par an captées à horizon 2030

Entre 4 à 8,5 MtCO2 pourraient être captées par an à horizon 2030 et entre 15 et 20 à horizon 2050 selon des estimations réalisées par l’État et les industriels émetteurs dans le cadre de l’élaboration des feuilles de route de décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs. « Les feuilles de route des 50 sites nous enseignent que le CCUS est une technologie nécessaire pour diviser par deux les émissions industrielles en 10 ans » soulignait il y a quelques mois Roland Lescure. S’il est difficile d’évaluer quelle sera réellement la trajectoire du CO2 capté à horizon 2050, car dépendante de plusieurs vecteurs tant du côté du coût que de la disponibilité, le recours au CCUS à court et moyen terme est « massivement envisagé » pour réduire les émissions des sites industriels, en particulier pour le secteur de la chimie, des engrais, du ciment et de l’acier. Dans un avis publié en décembre, le Haut Conseil pour le climat conclut que le CCUS peut servir de levier dans les projections de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France et dans sa mise en œuvre opérationnelle, « en appui aux réductions d’émissions du secteur de l’industrie ». En considérant les temps de déploiement et le niveau de maturité des projets en France, le potentiel visé par la stratégie CCUS du gouvernement de capter 4 à 8 MtCO2 par an à horizon 2030 « apparaît ambitieux », alors que potentiel visé de capter 15 à 20 MtCO2 par an à horizon 2050 est « cohérent avec les connaissances disponibles » estiment les experts.

Les partenaires danois et norvégiens

Le Danemark a des ambitions importantes pour le stockage de CO2 et a déjà effectué une cartographie complète de son sous-sol et des permis de stockages commencent à être attribués. « La France tenait à se positionner rapidement », ce qui a motivé selon Bercy la signature d’une lettre d’intention, « un outil politique qui illustre notre volonté de travailler ensemble ». Dans cette même logique partenariale que la Norvège, l’idée est de mettre en place selon l’entourage de Roland Lescure une instance qui permet « de faire la réservation de capacité », du « matchmaking » en somme, précise Bercy, entre les industriels français et les capacités de CO disponibles. La France a également signé un accord bilatéral avec le Danemark puisque le transport transfrontalier de CO2 est encadré par la convention de Londres. Pour rappel, cette convention encadre le transport de différents déchets qui ont vocation à traverser les espaces maritimes. Sur le plan réglementaire, cet accord permettra dès cette année « d’exporter du COvers le Danemark » précise Bercy.

Une stratégie nationale « complète » attendue dans les « prochains mois »

La Première ministre Élisabeth Borne avait présenté le 23 juin une première version de sa stratégie nationale pour la capture, le stockage et la réutilisation du carbone (CCUS). Dans toutes les stratégies, dans tous les scénarios de neutralité carbone établis dans le monde, les technologies de capture et séquestration du carbone sont prises en compte, notamment pour réduire les émissions des secteurs n’ayant pas d’alternative, les fameuses émissions résiduelles. Une stratégie « complète » sera présentée « dans les prochains mois, a précisé Bercy, avant la fin du premier semestre ». Une stratégie qui intégrera non seulement une évaluation du potentiel mais aussi une cartographie des réseaux de transport de CO2. « Il y aura également des précisions sur le soutien qu’apportera l’État » aux industriels qui s’engageront dans cette démarche de décarbonation avec un objectif : « dérisquer par rapport au prix du CO2».