La France et l’Allemagne réaffirment leur solidarité énergétique

Publié le 26/11/2022

6 min

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La Première ministre française Élisabeth Borne et le chancelier allemand Olaf Scholz ont signé le 25 novembre un accord de soutien mutuel sur leurs approvisionnements énergétiques. Alors que Paris et Berlin ne sont pas toujours alignés sur la gestion de la crise énergétique, les deux pays ont tenu à réaffirmer vendredi « leurs liens étroits en matière énergétique et leur entière solidarité ».

Par la rédaction, avec AFP

 

Des « mesures concrètes » sont prévues notamment pour que la France aide l’Allemagne à réduire sa dépendance au gaz russe via des livraisons de gaz, tandis que l’Allemagne soutiendra la France pour « sécuriser son approvisionnement en électricité au cours de l’hiver », selon une déclaration commune signée par Élisabeth Borne et Olaf Scholz.

La France importatrice nette d’électricité, une première depuis 42 ans

La crise des prix et la guerre que mène la Russie en Ukraine ont entraîné une forte tension sur le marché énergétique européen avec de fortes tensions sur les approvisionnements, en raison de la diminution soudaine des flux en provenance de la Russie qui, début février, fournissait environ 40 % de la consommation de gaz de l’Union européenne. Si la France était moins dépendante que son voisin allemand en gaz russe (17 % contre plus de 65 %) , l’indisponibilité d’une partie de son parc nucléaire  la rend davantage vulnérable que les années précédentes dans un contexte fortement inflationniste. Notre pays est d’ailleurs pour la première fois depuis 42 ans importateur net d’électricité. Depuis 1981, la France a toujours été exportatrice nette d’électricité auprès de ses voisins, notamment grâce à ses centrales nucléaires qui couvrent plus de 60 % de la production française de courant. Mais depuis janvier, la France a importé davantage d’électricité qu’elle n’en a exporté car près de la moitié de son parc nucléaire est indisponible en raison de maintenances programmées mais parfois prolongées, ou de problèmes de corrosion. Le niveau d’approvisionnement devrait permettre à la France de passer sans problème le mois de décembre mais pour janvier des risques de coupures existent en cas de grand froid, si la consommation ne baisse pas.

Maximiser la capacité d’interconnexion gaz vers l’Allemagne

La France  dispose de trois terminaux méthaniers dont elle a augmenté les capacités. L’hiver prochain, elle pourra également compter sur le terminal méthanier flottant au Havre. La solution d’un navire FSRU permettra à la France d’augmenter ses capacités d’importation de 45 TWh par an. L’Allemagne, qui ne possède aucun terminaux méthanier, installe aussi des terminaux méthaniers flottants, deux dès cet hiver à Wilhelmshaven et Brunsbüttel, et trois autres à Stade, Lubmin et Wilhelmshaven « d’ici fin 2023 ». Le pays envisage également des terminaux GNL terrestres. « Afin d’aider l’Allemagne et d’autres États membres interconnectés, notamment d’Europe centrale et orientale, à réduire leur dépendance au gaz russe » , la France n’importe plus de gaz depuis l’Allemagne et a augmenté sa capacité d’export de gaz vers l’Allemagne avec la mise en service de l’interconnexion d’Obergailbach, en Moselle, pouvant atteindre jusqu’à 100 GWh par jour. En début d’année les deux pays signeront « un accord intergouvernemental pour mettre en place un mécanisme de solidarité pour l’approvisionnement en gaz naturel, conformément au règlement européen relatif à la sécurité d’approvisionnement » indique la déclaration commune.

Maximiser les flux d’électricité vers la France

En échange, l’Allemagne « s’engage à reporter la sortie progressive des centrales nucléaires restantes jusqu’à la mi-avril 2023 afin de fournir des volumes supplémentaires d’échange d’électricité à la France », et à « mobiliser toutes les capacités de production de marché et de réserve (…) pour maximiser les flux d’électricité vers la France ». Déjà effective depuis le 16 novembre, l’Allemagne maximise autant que possible la capacité d’interconnexion mise à la disposition du marché, elle a pour cela reporté la sortie progressive du nucléaire de six mois. Elle s’engage également à mobiliser toutes les capacités de production de marché et de réserve pour le redispatching, afin de garantir les capacités minimales d’échange et elle encourage fortement les gestionnaires de réseaux de transports d’électricité à garantir le fonctionnement effectif du mécanisme d’assistance mutuelle en cas d’urgence entre gestionnaires français et allemands.

Décarbonation des systèmes énergétiques

Pas forcément alignées sur la manière pour y parvenir, la France et l’Allemagne ont cependant réaffirmé le rôle central de l’hydrogène pour atteindre la neutralité climatique et se sont engagées « à respecter les choix technologiques de chaque pays en matière de mix électrique ». Le désaccord entre Paris et Berlin sur la question de l’hydrogène est important, comme sur la question de l’importation vs une production in situ. Berlin souhaite que l’hydrogène produit à l‘extérieur de l’UE soit considéré comme renouvelable même si l’intégralité de sa production n’est pas issue de source renouvelable, quand la France défend davantage une production locale d’hydrogène à partir de sources d’électricité renouvelables et bas carbone avec en ligne de mire la prise en compte du nucléaire. L’Allemagne n’y est pas favorable, comme d’autres pays de l’UE d’ailleurs. Dans leur déclaration commune, les deux nations s’engagent à coopérer « étroitement » au niveau européen et/ou régional sur le développement des futures infrastructures d’hydrogène en Europe, « y compris dans la perspective d’une infrastructure européenne de transport de l’hydrogène ». Les deux pays qui se sont engagés à atteindre la neutralité climatique en 2050 et 2045 ont réaffirmé leur volonté de réduire leur dépendance aux énergies fossiles en sortant notamment  d’une production d’électricité à partir de combustibles fossiles. La France et l’Allemagne ont également souligné leur volonté commune de faire avancer plusieurs réformes structurelles de premier plan pour le marché énergétique européen, de renforcer en particulier les normes minimales pour la rénovation du parc immobilier « en prenant en compte les situations sociales difficiles » lors de la négociation en trilogue de la directive sur la performance énergétique des bâtiments et d’accélérer sur le déploiement des capacités renouvelables.

Crédit : Shutterstock.