La filière des gaz liquides vise 10 % de biopropane en 2033

En France, plus de 30 000 communes, soit 94 % du territoire national, sont en zone rurale où réside 33 % de la population, dont 72 % a recours aux gaz liquides pour se chauffer et cuisiner. © Shutterstock

Publié le 16/10/2023

8 min

Publié le 16/10/2023

Temps de lecture : 8 min 8 min

La filière des gaz et biogaz liquides, énergie principalement utilisée dans les zones rurales, a annoncé le 12 octobre viser un objectif de 10 % de biopropane et demande un soutien des pouvoirs publics pour développer cette énergie renouvelable à hauteur de son potentiel.

Par Laura Icart

 

L’année 2023 est une année charnière pour l’énergie. Après plusieurs textes d’accélération adoptés ces derniers mois et une planification écologique présentée mi-septembre, la programmation pluriannuelle de l’énergie, la stratégie nationale bas carbone et la production d’énergie sont attendues dans les prochains jours. Si la filière des gaz liquides a salué la décision du président de la République de ne pas interdire les chaudières notamment « pour ne pas laisser les Français des zones rurales sans solution », elle attend aujourd’hui une véritable reconnaissance par les pouvoirs publics du biopropane, une « énergie renouvelable comme les autres » précise Audrey Galland, déléguée générale de France gaz liquides, qui aura un « rôle important à jouer dans la décarbonation de la ruralité » puisque la filière s’estime en capacité d’intégrer 10 % de biopropane en 2033.

Répondre aux besoins spécifiques des zones rurales

Les territoires ruraux sont bien souvent « un angle mort » des politiques publiques et énergétiques dans notre pays, souligne Anne de Bagneux, président de France gaz liquides et directrice générale d’Antargaz. « Les spécificités de la ruralité doivent être reconnues » ajoute Audrey Galland, alors de 33 % des Français vivent en zone rurale et que 72 % d’entre eux ont recours aux gaz liquides. Une étude réalisée par les Mines Paris s’intéresse spécifiquement aux plus de 24 000 communes non raccordées au réseau de gaz naturel. En permettant la collecte de données à une maille extra fine jusqu’à la commune, cette étude donne non seulement une visualisation du mix énergétique mais permet aussi de caractériser la typologie du parc immobilier résidentiel (habitation, type de chauffage, passoires énergétique) et une projection de la hausse de la consommation et de la pointe électrique dans le cadre d’un scénario où l’ensemble des chaudières fonctionnant au combustible fossile serait remplacées par des pompes à chaleur. « Cette étude révèle une forte dépendance des ménages en milieu rural au bois, au fioul et au propane » indique France gaz liquides. Les zones rurales représentent environ un tiers de logements de France, soit 12 millions de logements avec près de 93 % de maisons individuelles, souvent très énergivores (superficie élevée et bâti ancien). Sur ces territoires, près de 30 % des Français utilisent du fioul ou des gaz liquides pour se chauffer. C’est aussi une population qui, par la caractéristique de son habitat, est plus exposée que celle des zones urbaines à la précarité énergétique : 35 % des ménages situés en zone rurale sont touchés par la précarité énergétique. Près de 1,7 million de maisons seraient considérées comme des passoires énergétiques sur les plus de 7 millions de logements étiquetés F et G dans notre pays, dont 5 millions de résidences principales. Pour ces foyers, le surcoût moyen des dépenses affectées à l’énergie est de 20 % pour le chauffage et 40 % pour la mobilité par rapport à la moyenne nationale, détaille l’étude des Mines Paris. « Ces données sont précieuses » souligne Audrey Galland, « elles permettront de dresser le profil énergétique de chaque territoire en trouvant des solutions adaptées tant pour l’environnement que pour le porte-monnaie des Français. »

Préserver une pluralité énergétique et technologique

Pendant plusieurs semaines, la filière des gaz liquides s’est engagée au côté des nombreux acteurs (énergéticiens, associations de consommateurs, bâtiments, artisans) pour demander au gouvernement de pas interdire les chaudières au gaz. Si cette interdiction n’a finalement pas été actée, la décision aurait impacté « le budget de près de 20 millions de Français qui ont recours quotidiennement aux  gaz et biogaz liquides  pour se chauffer et cuisiner ». Des ménages ruraux qui ont déjà subi l’impact des coûts de l’inflation car les gaz liquides n’ont « fait l’objet d’aucune aide spécifique pendant la crise énergétique » rappelle l’association qui fédère les acteurs de la filière des gaz liquides. Pour décarboner les modes de chauffage, « la chaudière à très haute performance énergétique (THPE) est déjà une partie de la solution » souligne Anne de Bagneux qui rappelle qu’il ne faut « pas confondre l’équipement et le combustible qui l’alimente », appelant à ce que ces chaudières puissent continuer à être aidées « quand il n’y a pas d’autres solutions ». Selon l’étude, le passage « immédiat » à la PAC ne serait pas possible pour 1,5 million de maisons individuelles. Pour les territoires ruraux, « nous sommes convaincus que la chaudière et la pompe à chaleur hybride font partie intégrante de la solution » ajoute Audrey Galland.

10 % de biopropane à horizon 2033

C’est un « objectif ambitieux » mais «réaliste » insiste Anne de Bagneux. La filière estime qu’elle sera en mesure d’intégrer 10 % de biopropane dans les équipements de chauffage et d’eau chaude sanitaire à horizon 2033. Le biopropane est un coproduit systématique des bio-essence et bio-kerosène. Produit à partir de matières premières renouvelables, principalement issues d’huiles et de déchets végétaux, le biopropane émet 60 g de CO2e par kWh sur l’ensemble de son cycle de vie, selon la base carbone de l’Ademe, ce qui représente 80 % de moins que le fioul. En France, difficile actuellement de savoir ce que représente le biopropane. Globalement, il y a peu de volume produit. En 2022, il représentait « environ 3 et 4 % des ventes de Primagaz réalisées majoritairement chez nos clients professionnels » indiquait à Gaz d’aujourd’hui Erwan Chauvel, directeur de la stratégie et de l’expérience client chez Primagaz. Mais cette part est appelée à grandir, principalement parce que le « gisement va considérablement se développer » souligne Anne de Bagneux, à mesure que la production de biocarburants pour l’aviation va prendre de l’ampleur. La production de SAF, terme employé par l’industrie aérienne pour désigner un carburant alternatif issu de matières premières durables, est appelé à augmenter. Le 13 septembre, le Parlement européen a validé l’imposition d’un taux minimum de carburants verts pour les avions au départ de l’Union. Les carburants proposés dans l’UE devront incorporer au moins 2 % de SAF en 2025 dans leur composition puis 6 % en 2030, avec une augmentation progressive jusqu’à 70 % d’ici 2050. « Nous faisons partie de la solution qui permettra d’optimiser la biomasse sur les carburants aériens » précise Audrey Galland, à l’heure où le sujet de la disponibilité de la biomasse est toujours aussi prégnant dans le débat public.

Donner une légitimité au biopropane

« Nous voulons un soutien de l’État au même titre que l’ensemble des énergies renouvelables » indique la présidente de France gaz liquides. La filière demande la prise en compte de la ruralité en n’excluant pas des dispositifs d’aides pour les biogaz liquides qui représentent selon la filière une solution disponible, ne nécessitant pas d’installation spécifique et au plus près des territoires ruraux. Ce qui s’ajoute à ce qu’elle réclamait déjà l’année dernière : une fiscalité plus incitative pour convaincre les Français qu’ils ont raison de faire le choix de solutions bas carbone. Vendredi, en commission des finances à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’étude du projet de loi de finance pour 2024, l’amendement porté au nom de la commission développement durable par le rapporteur pour avis Jean-Luc Fugit (soutenu par des députés LR) qui prévoit une exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le biopropane a été adopté. « C’est une bonne nouvelle que les parlementaires comprennent l’importance du biopropane pour décarboner les entreprises rurales » nous indique Audrey Galland. En France, elles seraient près de 150 000 PME et TPE des secteurs industriels, agricoles et tertiaires à avoir recours aux gaz propane (GPL). Mais la filière veut aller plus loin et espère que les pouvoir publics vont accompagner financièrement le développement du biopropane au même titre que les énergies en réseau. Plusieurs options sont actuellement sur la table et discutées avec la direction à l’énergie et au climat, notamment la reconnaissance de la traçabilité des volumes d’EnR mis sur le marché par un mécanisme spécifique aux biogaz liquides, condition sine qua non selon la filière à la massification de l’utilisation du biopropane et à davantage d’équité énergétique sur les territoires.