Hydroélectricité : comment relancer les investissements et sortir du blocage avec Bruxelles

Le rapport parlementaire publié le 3 mai propose une série de recommandations visant à moderniser la gestion de l'hydroélectricité en France, tout en répondant aux impératifs européens et en garantissant une gestion publique et locale renforcée. © Shutterstock

Publié le 14/05/2025

4 min

Publié le 14/05/2025

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La production hydroélectrique en France souffre d’un manque d’investissements lié au régime de concessions auquel il est soumis et qui est à l’origine du contentieux avec la Commission européenne. Le rapport sur l’hydroélectricité, rendu hier par les députés Marie-Noëlle Battistel (PS) et Philippe Bolo (Modem) propose plusieurs pistes pour réformer la gestion des installations hydroélectriques en France mais rejette toutefois une simple mise en concurrence.

Par la rédaction, avec AFP

 

« Il est aujourd’hui fondamental de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le régime juridique des concessions hydroélectriques et ce, depuis plus de 20 ans », indiquent les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo dans leur rapport. Les députés ont également dit leur opposition à l’article 5 inscrit dans la programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie adoptée au Sénat en octobre et qui devrait être discutée à partir du 16 juin en séance publique. « Nous proposerons un amendement de suppression de cet article » a souligné lors d’un échange avec la presse Marie-Noëlle Battistel.

Deuxième source de production électrique en France

Le parc hydroélectrique contribue non seulement à la production énergétique mais constitue aussi un important outil de flexibilité pour le système électrique français et européen, grâce aux capacités de stockage des barrages, relèvent-ils. Ces derniers représentent la deuxième source production électrique en France derrière le nucléaire, avec 13,92 % de la production d’électricité en 2024, soit 74,7 térawattheures (TWh), rappellent-ils. Et il s’agit de la première source d’électricité renouvelable française (50,47 %).

Deux régimes : la concession et l’autorisation

Selon les rapporteurs, la France compte 340 concessions, soit 90 % de la puissance hydroélectrique installée, dont 61 sont échues au 31 décembre 2025. Les principaux concessionnaires sont EDF (70 % de la puissance hydroélectrique), la Compagnie nationale du Rhône (CNR, 25%) et la Société hydroélectrique du Midi (SHEM, 3 %), le reste étant réalisé par des petits acteurs, majoritairement privés (environ 70, exploitant 750 MW de capacités installées). L’autre régime, celui de l’autorisation, concerne environ 2 300 installations de moins de 4,5 MW. Les exploitants sont généralement aussi propriétaires de leur installation et la durée des autorisations est plafonnée à 75 ans par la loi. Mais faute de visibilité sur l’avenir des concessions, les exploitants ne peuvent réaliser des investissements non prévus dans leurs cahiers des charges, ni ceux nécessaires au bon fonctionnement et au renouvellement des ouvrages.

Un enlisement qui dure à Bruxelles

« Le pays est enlisé depuis plus de 20 ans dans un différend avec la Commission européenne« , qui a ouvert deux procédures à l’encontre de la France, l’une datant de 2015, l’autre de 2019, rappellent les rapporteurs. Ces procédures portent sur la position dominante d’EDF et l’absence de remise en concurrence des concessions échues. La France refuse cette ouverture à la concurrence, mais cette situation empêche tout investissement substantiel dans le parc hydroélectrique.

Plusieurs mesures pour tenter de sortir de l’impasse ?

Revenir sur le régime de concessions ne doit pas se traduire par la mise en concurrence du secteur, plaident les rapporteurs, qui préconisent de passer du régime de concession à celui d’autorisation, ce qui permettrait d’exclure les ouvrages hydroélectriques de l’obligation de mise en concurrence. Et pour répondre à la crainte d’une privatisation de ces installations aux concessionnaires, ils suggèrent de qualifier les barrages d’ouvrages publics dans la loi, comme les aéroports. Le rapport suggère aussi de créer un pôle public regroupant les activités liées à l’hydroélectricité, permettant ainsi de maintenir le contrôle public sur ce secteur stratégique tout en répondant aux exigences européennes. Le rapport recommande aussi de redistribuer une partie des revenus générés par l’exploitation des barrages aux collectivités locales, renforçant ainsi leur implication et leur soutien aux projets hydroélectriques. Il est proposé de mettre en place des mécanismes juridiques pour protéger les barrages contre une privatisation excessive, garantissant ainsi leur gestion dans l’intérêt général. En parallèle, ils proposent une révision de la directive « concessions » en excluant les activités hydroélectriques de son champ d’application, ce qui pourrait amener la Commission européenne à lever sa procédure. Mais cette révision « prendra plusieurs années, au moins cinq ans, pour aboutir« , admettent-ils.