Énergie : faire face au coût de la transition en Europe

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, Kadri Simson, commissaire à l’énergie et Andreas Feicht, secrétaire d’État de l’Économie et de l’énergie ont échangé ce matin sur les politiques à mener au niveau national et européen pour parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050.

Publié le 18/11/2021

7 min

Publié le 18/11/2021

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La 4e édition du Forum franco-allemand de l’énergie organisée par l’Office franco-allemand pour la transition énergétique a eu lieu ce matin. Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et alors que vient de s’achever la COP26 à Glasgow, la journée était consacrée au financement de la transition énergétique en Europe. Une transition qui doit être « soutenable et inclusive » ont insisté l’ensemble des participants alors que la précarité énergétique touche plus de 18 millions de personnes en Europe et que l’atteinte des objectifs climatiques portée par le « Fit for 55 » engendrera de profondes transformations sociétales. Temps forts de la matinée.

Par Laura Icart

 

La COP26 n’est pas « un échec » pour le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, qui souligné ce matin que plus de 90 % des économies dans le monde se sont engagées à atteindre la neutralité climatique. « Il faut s’assurer que les engagements soient tenus » a cependant affirmé le patron de l’AIE qui souligne volontiers le rôle moteur joué par l’Union européenne dans la lutte contre le réchauffement climatique. « Nous somme au début d’une décennie décisive où chaque action va compter » a de son côté souligné la ministre de la Transition écologique française Barbara Pompili.

La COP26 n’est pas « un échec »

Glasgow est même un « succès politique » pour Fatih Birol. L’enjeu maintenant est de « s’assurer que les engagements pris soient mis en œuvre d’ici la fin de la décennie ». Si c’est le cas, précise le directeur de l’agence, c’est-à-dire si tous les engagements en matière de climat annoncés à la COP26 étaient respectés intégralement et dans le temps imparti, l’AIE estime que cela serait suffisant pour maintenir la hausse des températures mondiales à 1,8 °C d’ici 2100. Pour y parvenir, il y a deux piliers selon lui : développer massivement les énergies renouvelables, notamment pour décarboner le secteur de l’électricité et investir dans l’efficacité énergétique. Et il reste beaucoup de chemin à parcourir. L’année dernière, l’AIE indiquait dans son Energy Efficiency 2020 que « le rythme des progrès mondiaux en matière d’efficacité énergétique avait ralenti en 2020 », pour se situer en-dessous de 1 %, alors qu’il devrait augmenter de 3 % en moyenne par an. 

La France et l’Allemagne, moteurs de la transition européenne

La France et l’Allemagne sont « deux moteurs importants de la transition énergétique » a assuré ce matin Fatih Birol. Le directeur de l’AIE a cependant souligné que ces deux grandes puissances en Europe avaient elles aussi des axes d’amélioration. Fatih Birol estime que l’Allemagne doit devenir un véritable leader et montrer l’exemple pour accompagner la sortie du charbon de ses usages énergétiques. La France de son côté doit faire « davantage » pour les énergies renouvelables alors qu’elles ont représenté 19,1 % de la consommation finale brute d’énergie en France en 2020. Le directeur de l’AIE estime que la France peut « faire beaucoup mieux », notamment avec des objectifs plus ambitieux pour l’éolien mer. Fatih Birol a également évoqué positivement « le nouveau modèle nucléaire » annoncé par Emmanuel Macron il y a peu. Autre temps fort, le président de l’AIE a insisté pour que l’Europe ne reproduise pas sur la filière de l’hydrogène et des batteries l’erreur qu’elle a faite en abandonnant les soutiens publics sur le photovoltaïque après avoir pourtant massivement investi dans son développement. Aujourd’hui note-t-il, « 7 panneaux solaires sur 10 sont produits en dehors de l’UE. L’Europe a les moyens [industriels, recherche, compétences, NDLR] de devenir leader et pionnière d’une nouvelle économie mondiale de l’énergie décarbonée ».

Créer un marché de l’hydrogène compétitif

« Il faut organiser un marché international de l’hydrogène » a martelé le directeur de l’AIE tout en soulignant que si l’hydrogène était une solution pour atteindre la neutralité climatique, ce n’était pas non plus « LA » solution. Il s’est tout de même félicité de cet élan mondial autour de cette filière à haut potentiel. Pour Fatih Birol, deux problèmes persistent : en premier lieu le coût de la technologie, « un électrolyseur, c’est 40 % du coût total » souligne-t-il ; deuxièmement, il faut créer la demande et pour cela le secteur public joue un rôle « déterminant ». Il doit accompagner le secteur privé afin que « l’hydrogène soit intégré rapidement à notre système énergétique » avec un soutien financier fort mais aussi un cadre régulatoire propice à créer de l’attractivité. L’hydrogène c’est également un vecteur clé pour la France et l’Allemagne. « Nous portons 18 mesures à l’échelle fédérales » a souligné Andreas Feicht, secrétaire d’État à l’économie et de l’énergie. Son pays a prévu de consacrer 9 milliards d’euros au développement de l’hydrogène vert (5 GW d’ici 2030, 5 GW supplémentaires pour 2035, voire 2040) pour décarboner l’industrie et les transports. 7 milliards d’euros seront consacrés au développement d’un marché national de l’hydrogène et 2 milliards d’euros supplémentaires au développement de partenariats internationaux et de la coopération européenne pour répondre au besoin d’importation d’hydrogène vert. Du côté français, les ambitions sont également élevées : le président de la République vient d’annoncer 1,9 milliard d’euros supplémentaires – à la stratégie hydrogène de 7,2 milliards – pour la filière en début de semaine alors qu’il visitait le site de la future « gigafactory » Genvia.

Favoriser une transition « juste »

La transition doit être « inclusive, soutenable et juste pour tous » a répété Barbara Pompili alors qu’elle débattait avec le secrétaire d’État à l’Économie et à l’énergie et avec la commissaire européenne à l’Énergie. Tous se sont d’ailleurs accordés sur ce point en insistant sur la nécessité de « ne laisser personne sur le bord du chemin ». Tous se sont également rejoints sur l’idée que les plans de relance doivent grandement contribuer à la décarbonation de nos économies et les rendre plus compétitives et souveraines « tout en gardant nos spécificités nationales » a tenu à souligner Barbara Pompili. En revanche, si la ministre française s’est montrée particulièrement enthousiaste sur le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, fortement poussé par Paris, en expliquant qu’il était un moyen de rassurer les investisseurs et les entreprises à qui « on va demander beaucoup dans le cadre de la transition », son homologue allemand s’est montré plus « réticent », évoquant de son côté sa crainte que l’Europe soit taxée de protectionniste.

Crédit : Laura Icart.