Que faut-il retenir du « Pacte climatique » de Glasgow ?

Le Premier ministre indien Narendra Modi a annoncé lundi dernier à Glasgow que son pays s’était fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2070. Un objectif très ambitieux pour le troisième plus gros émetteur de gaz à effet de serre mondial.

Publié le 14/11/2021

8 min

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Temps de lecture : 8 min 8 min

Après deux semaines d’âpres négociations, l’adoption définitive du texte baptisé « Pacte de Glasgow » est intervenue ce 13 novembre. Des négociations à la COP26 qui peuvent se résumer en quatre mots : « finances, fossiles, compensations et ambition », souligne l’AFP. Quatre mots qui ont focalisé l’attention et les tensions à Glasgow et ont montré tout la difficulté des États du monde à se saisir de l’urgence climatique. 

Par la rédaction, avec AFP

 

La COP26 a adopté dans la soirée le « Pacte de Glasgow » qui doit permettre d’accélérer la lutte contre le changement climatique sans pour autant assurer de le contenir à 1,5°C ni répondre aux demandes d’aide des pays pauvres. « La catastrophe climatique frappe toujours à la porte », malgré la conclusion d’un accord samedi à la COP26 de Glasgow, a averti le secrétaire général de l’ONU António Guterres. La conférence mondiale sur le climat a débouché sur « des pas en avant bienvenus, mais ce n’est pas assez », a estimé dans un communiqué le patron des Nations unies. La Commission européenne a estimé de son côté que le Pacte de Glasgow adopté samedi par les 200 pays de la COP26 avait « maintenu en vie les objectifs de l’accord de Paris, en nous donnant la chance de limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C ».

Haro sur les fossiles

L’accord de Paris de 2015 qui vise à limiter le réchauffement de la planète « bien en deçà » de + 2 °C par rapport à l’ère industrielle, si possible + 1,5 °C, ne contient pas les mots « charbon », « pétrole », « gaz », ni même « énergies fossiles », pourtant principales responsables du changement climatique. Alors, la première mention de ces énergies polluantes dans une décision des quelque 200 pays signataires a été saluée comme « historique ». Un premier projet de texte appelait les pays à « accélérer la sortie du charbon et des subventions aux énergies fossiles ». Mais sous la pression de l’Inde, de la Chine et de l’Arabie saoudite, la portée du texte a été progressivement affaiblie. Jusqu’à la dernière minute où, sous les yeux des caméras, mais sans le son, le président de la COP26 Alok Sharma a dû faire des allers-retours entre les divers groupes pour faire accepter une ultime revendication des délégations indienne et chinoise. Le texte adopté appelle finalement à « intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture » (de CO2) alors que le premier projet parlait de « suppression » et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles, rajoutant au projet initial le terme « inefficace ». 

La fin des subventions publiques aux énergies fossiles ?

Le 4 novembre, lors de la journée dédiée à l’énergie à la COP26, une vingtaine de pays et cinq institutions financières dont l’Agence française de développement se sont engagés à mettre un terme d’ici fin 2022 au financement à l’étranger de projets d’énergies fossiles, sans techniques de capture de carbone. L’absence d’engagement de la France avait fait beaucoup parlé à Glasgow et avait été dénoncée par les ONG et la société civile. Le 12 novembre, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a annoncé que la France intégrait finalement cet accord. « La France estime que cet accord, qui concerne les projets d’énergies fossiles ne disposant pas de dispositifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, est une nouvelle étape dans la décarbonation nécessaire des financements exports sur laquelle le gouvernement est résolument engagé » indique le communiqué de presse du MTE.

Des préjudices déjà élevés pour les pays pauvres 

La convention des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 repose sur deux piliers : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation, notamment des plus vulnérables, aux impacts à venir. Mais depuis cette date, les conséquences dévastatrices du réchauffement sont devenues une réalité dans le présent et les dégâts se comptent en milliards de dollars. Face à cette réalité, le concept de « pertes et préjudices » a émergé, en référence aux catastrophes qui ne peuvent plus être évitées. Dans un rapport publié le 8 novembre par l’ONG Christian Aid, les pays les plus vulnérables seront les plus affectés par les conséquences du réchauffement climatique et pourraient voir leur PIB par habitant s’effondrer de plus de 80 % d’ici la fin du siècle. « Quand les émissions ne sont pas réduites suffisamment, vous entrez dans le territoire de l’adaptation, et quand l’adaptation n’est pas suffisante, vous devez faire face aux pertes et préjudices », résume le ministre de l’Économie et du changement climatique des Fidji, Aiyaz Sayed-Khaiyum. Mais le mécanisme mis en place en 2013 pour prendre en compte cette question est resté flou. Alors, à Glasgow, les pays en développement ont tenté de faire entendre leurs revendications. En vain. Leur proposition de créer un nouveau système opérationnel de financement a été bloqué, notamment par les États-Unis craignant les implications juridiques d’un tel engagement. Le compromis adopté met en place un « dialogue » annuel jusqu’à 2024 pour « discuter des modalités pour le financement des activités ».

Accélérer le rythme de baisse des émissions 

L’accord de Paris prévoit que les pays signataires révisent à la hausse leur ambition de réduction d’émissions de CO2 tous les cinq ans. Le premier cycle de révision devait s’achever fin 2020, mais a été repoussé en raison de la pandémie de Covid-19 qui a reporté la COP26 d’un an. Mais les émissions continuent d’augmenter et les scientifiques avertissent qu’il reste moins de 10 ans pour limiter le réchauffement à + 1,5 °C. Selon l’édition 2021 du Bulletin annuel sur les gaz à effet de serre, publié par l’Organisation météorologique mondiale, les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint un nouveau record en 2020, compromettant « clairement » pour l’institution la réalisation des objectifs de température fixés par l’accord de Paris. Alors les appels se sont multipliés pour accélérer le rythme de ces mises à jour, avant le prochain cycle prévu en 2025. Le Pacte de Glasgow adopté samedi « demande aux parties de revisiter et renforcer leurs objectifs 2030 (…) autant que nécessaire pour les aligner avec les objectifs de température de l’accord de Paris, d’ici la fin de 2022 »Dans le jargon onusien, le texte utilise le terme « requests » pour qualifier cette demande, mot que plusieurs pays, notamment la Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite, considéraient comme trop fort.

De nouvelles règles pour structurer les marchés du CO2

L’article 6 de l’accord de Paris, qui concerne le fonctionnement des marchés carbone, empoisonnait depuis trois ans les négociations climat, empêchant de conclure le « manuel d’utilisation » de l’accord de Paris. Après un échec à la COP24 en 2018, puis à la COP25 en 2019, un accord a finalement été trouvé à Glasgow sur ces règles des marchés carbone destinés à aider à la réduction des émissions de CO2Mais de nombreuses ONG soulignaient qu’il valait mieux pas d’accord qu’un accord qui remettrait en cause l’intégrité environnementale de l’accord de Paris. Le texte adopté permet de « combler certaines des failles scandaleuses, comme le double comptage », qui permettrait à une tonne de CO2 d’être comptabilisée à la fois par l’acheteur et le vendeur, a commenté Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris. « Mais ce n’est pas suffisant pour empêcher les entreprises et les États de mauvaise foi de contourner le système », a-t-elle indiqué à l’AFP, réclamant un organe de surveillance de la mise en œuvre de ces marchés.

La 27ᵉ conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) se déroulera fin 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte. 

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