Face à la crise du Covid-19, la filière méthanisation réclame des mesures fortes !

Publié le 17/04/2020

8 min

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Les acteurs de la filière méthanisation proposent dans une note adressée hier à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) une série de mesures pour répondre à la crise sanitaire dont les conséquences se font déjà ressentir pour une filière encore émergente dans notre pays. Par Laura Icart   France gaz renouvelables (FGR), l'association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la FNSEA, le club biogaz de l'ATEE, l'Amorce et l'Association française du gaz ont adressé une note à la DGEC que Gaz d'aujourd'hui a pu consulter, pour demander des mesures fortes de soutien aux pouvoirs publics. « Des mesures susceptibles d'évoluer en fonction de la situation », précise Jean Lesmaistre, secrétaire général de FGR, qui a tenu à souligner « les échanges constructifs » avec la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne et « l'ensemble des services du ministère ces dernières semaines ». À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles Première conséquence bien visible de cette crise sanitaire qui paralyse notre pays et qui impacte directement les porteurs de projets de méthanisation : l'accumulation de retards à tous les échelons, « instruction des dossiers réglementaires, obtention des financements, démarrage et finalisation des chantiers, mises en service », indique la note qui souligne qu'outre l'impact économique immédiat (frais bancaires supplémentaires, hausse des prix des chantiers…) vient s'ajouter le risque pour un grand nombre de porteurs de projets « de dépasser le délai de trois ans entre la signature du contrat d’achat d’électricité ou de biométhane et la mise en service de leur site » et de fait d'être exposés à des pertes financières en fin de contrat. Face à ce premier constat, la filière demande « un moratoire sur le délai de mise en service [disposition prévue par l’article D.446-10 du code de l’énergie, NDLR] de toute installation ayant signé un contrat d’achat de biométhane pour une durée égale à la durée de l’état d’urgence sanitaire majorée de 3 mois ». Annualisation du Cmax pour rattraper « le manque à gagner » Deuxième mesure évoquée dans cette note : « une gestion annualisée du Cmax » (capacité maximale d'injection). Autrement dit, il s'agit de permettre aux producteurs qui, du fait de la période d'état d'urgence, n'ont pas été en mesure de produire du biogaz à hauteur de la capacité maximale de production faute d'approvisionnement pour alimenter son méthaniseur, faute de salariés pour assurer l'exploitation du site ou victimes d'avaries techniques ou matériels sans possibilité de réparation ou encore pour ceux qui auront été contraints de torcher le biométhane produit faute de pouvoir l'injecter dans le réseau, de rattraper au moins en partie le manque à gagner imputable à la crise sanitaire. Pour ces installations, la filière demande « d’assouplir la règle de dépassement du Cmax pour la période comprise entre la fin de l’état d’urgence sanitaire et la fin de l’année 2020 » et de « permettre à la production de gaz renouvelable ainsi injectée en dépassement du Cmax d’être exceptionnellement rémunérée par le fournisseur au tarif d'achat en vigueur prévu par le contrat d'achat et de donner lieu à une compensation du fournisseur dans les conditions habituelles ». La note précise que cette quantité supplémentaire rémunérée au tarif d’achat « sera soumise à un plafond restant à définir ». Sur ce point, Élisabeth Borne a souligné hier lors de son audition par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale que ses services étudiaient « la possibilité de suspendre temporairement les contrats d’achat de biogaz pour les exploitants rencontrant actuellement des difficultés d’approvisionnement, notamment pour leurs méthaniseurs, afin de ne pas les pénaliser ». Un soutien financier, bancaire ou assurantiel renforcé Pour faire face, notamment au retard de mise en service des projets ou encore pour les installations qui ne sont pas en mesure de produire suite à différents aléas humains ou matériels qui impactent très significativement les trésoreries, la filière propose plusieurs « mesures financières et bancaires ou assurantielles » pour que ces installations puissent faire face avec « la prise en charge des frais bancaires et pertes d’exploitation subis » via la mise en place d'un plan financier d’état pour compenser les pertes d’exploitation et notamment, indique la note, « un plan de financement spécifique pour les installations en cogénération, dont les pertes d’exploitation ne pourront pas être rattrapées par la hausse du Cmax comme en injection ». La filière propose également  que les pertes de production soient compensées par « un report de la fin des contrats d’achat d’électricité pour tous les contrats en activité » et que l’État « responsabilise officiellement » les assureurs et « les incite à prendre en charge les pertes d’exploitation ». La seconde mesure plus spécifique concerne les sites qui ont subi un arrêt de chantier au milieu du coulage des ouvrages béton. La filière, qui s'est déjà exprimée sur ce sujet, a indiqué à l’État que ces ouvrages devraient être dans certains cas totalement reconstruits, faute de pouvoir en assurer la sécurité (étanchéité, vieillissement prématuré des ouvrages...) et elle propose la mise en place d'une commission nationale représentative de la filière et des administrations, d’assureurs et d’avocats « pour prendre position au cas par cas sur les sites concernés et leur apporter des garanties financières et assurantielles ». Elle demande également « une reconnaissance officielle de la situation de ces sites (type arrêté « catastrophe naturelle ») ». La dernière mesure, qui fait directement référence aux conséquences de l’application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, vise à limiter le retard dans l'instruction des dossiers et ainsi ne pas pénaliser les porteurs de projets en incitant l'ensemble des parties prenantes (notamment les services de l’État et les collectivités) à étudier et à pré-instruire les dossiers afin de limiter les délais d'instruction une fois l'état d'urgence sanitaire levé. Valorisation des invendus agricoles Cette dernière mesure, qui fait suite aux nombreuses remontées de terrain des adhérents de l'AAMF, vise à soutenir certaines filières agricoles, particulièrement celles dont les cultures font l’objet de contrat pour valorisation en transformation agro-alimentaire comme la pomme de terre, qui subissent de plein fouet cette période de confinement, avec l'impossibilité de valoriser leurs productions, faute de débouchés. Pour cela, la filière méthanisation demande aux pouvoirs publics, en dernier recours et pendant le temps que durera cette crise, la possibilité d'incorporer dans les méthaniseurs des productions alimentaires invendues pour lesquelles les producteurs présenteraient « des impossibilités de valorisation, suite à la crise sanitaire » sans que celles-ci ne soient « comptabilisées dans le seuil maximal de 15 % ». Un seuil mentionné à l’article D. 543-292 du code de l’environnement qui stipule que « chaque installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peut comporter une proportion de cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale [...] dont la proportion doit être inférieure à 15 % du tonnage brut total des intrants ». Dans sa note, la filière propose la mise en place « d'une cellule de crise pour chaque département sous l’égide du préfet afin de recenser, quantifier et organiser le traitement de ces invendus ». Autre piste en cours d'étude : valoriser les invendus de la filière horticole et des pépinières durement impactées par les mesures prises pour enrayer le coronavirus et dont tous les circuits de distribution habituels sont fortement remis en cause, voire à l’arrêt total.          

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