Décarbonation : CMA CGM se « demande comment faire » pour atteindre son objectif d’ici 2050

Maritime
17/09/2025
5 min

Rodolphe Saadé, PDG du géant français du transport maritime et de la logistique CMA CGM, a reconnu mercredi qu’il se demandait « comment faire » pour atteindre l’objectif « carbone zéro en 2050 » de son groupe, lors d’une audition ce 17 novembre devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Par la rédaction, avec AFP

« J’ai pris l’engagement d’être carbone zéro en 2050. Nous sommes aujourd’hui en 2025 et si je suis honnête avec vous, je me demande comment on va faire pour y arriver », a déclaré M. Saadé. Relancé à plusieurs reprises sur la question de la décarbonation, notamment par le député écologiste Charles Fournier, le PDG a répondu : « Le transport maritime n’est pas une industrie polluante. Il y a d’autres industries qui polluent beaucoup plus que la nôtre. » CMA CGM utilise notamment des alternatives aux carburants traditionnels, comme le gaz naturel liquéfié (GNL) sur certains de ses navires, a fait valoir M. Saadé. Mais cette alternative n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs de décarbonation de la filière, selon plusieurs députés prenant part à la commission des affaires économiques.

Nous n’avons pas d’autres solutions « fiables et « compétitives »

« Le GNL, ce n’est peut-être pas assez, mais pour l’instant nous n’avons pas trouvé grand-chose d’autre », a déclaré  M. Saadé. Cette « énergie fossile de transition » permet de « réduire nos émissions de CO₂ de 20 % », a-t-il dit. CMA CGM, leader mondial de logistique maritime, vise une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 (par rapport à 2008) et de près 80 % en 2040. Une ambition qui, pour l’armateur qui a multiplié ces dernières années les partenariats stratégiques avec des leaders industriels et énergétiques comme avec Suez pour produire « jusqu’à 100 000 tonnes par an d’ici 2030″, passe par le développement des énergies bas carbone. Le groupe déploie une stratégie industrielle bas carbone articulée autour de trois axes : innovation technologique, partenariat industriel et diversification énergétique. Il modernise actuellement 100 navires et développe une flotte au GNL et au méthanol (153 navires bas carbone prévus d’ici 2029). Sur le volet innovation, CMA CGM s’appuie sur l’IA embarquée via ses programmes « SmartShip » et « Fleet Center » pour optimiser les performances en temps réel. À terre, le groupe mise sur des solutions comme la géothermie marine (Thassalia) pour alimenter son siège marseillais et développe des barges fluviales électriques au Vietnam. « Décarboner notre flotte, ce n’est pas une déclaration d’intention. C’est un plan industriel solide, chiffré et mesurable », assure un cadre de CMA CGM. Parmi les autres solutions de décarbonation, le chef d’entreprise a signalé que CMA CGM avait des projets de navires propulsés à la voile, notamment entre Le Havre et New York. Mais, selon lui, cette solution, appliquée à des bateaux plus petits, « ne peut pas être faite à l’échelle industrielle« . Le méthanol, énergie non fossile qui peut servir à la propulsion de navires, « coûte trois fois le prix du GNL, nos clients ne sont pas en mesure d’accepter cette différence », a souligné le patron de CMA CGM.

Les biocarburant, en proie à des limites « structurelles » selon une étude

Dans cette course à la décarbonation, les biocarburants – biodiesel et bio-GNL (gaz naturel liquéfié) – apparaissent comme « une solution immédiatement déployable », car compatibles avec les moteurs marins existants. Mais cette solution transitoire pourrait bien se heurter à des limites plus profondes indique une analyse de Rystad Energy publiée en juin. « La capacité de production actuelle ne suit pas le rythme de la demande » estime Junlin Yu, analyste principal chez Rystad Energy. Par exemple, selon ses estimations, la demande maritime mondiale en biodiesel pourrait atteindre 140 millions de tonnes équivalent fioul d’ici 2028, dans un scénario sans contrainte d’offre. Un chiffre très au-delà des capacités de production globales, qui plafonneraient à 120 millions de tonnes dans le meilleur des cas. Idem pour le bioGNL. Si l’offre mondiale pour le transport maritime est appelée à grandir selon un rapport de Rystad Energy, le cabinet norvégien doute que la filière soit aujourd’hui en capacité de répondre à une telle demande alors que plus de 84 % de la production sont employés pour la production d’électricité dans le monde. Constat : pour satisfaire la demande, il va falloir considérablement accélérer l’offre et viser des politiques plus incitatives en la matière, explique Rystad Energy. D’après SEA-LNG, « un navire au GNL est conforme jusqu’en 2039, grâce à une réduction d’émissions pouvant atteindre 23 %. L’intégration de biométhane et d’e-méthane permettrait même de garantir la conformité jusqu’en 2050 et au-delà ».

Basée à Marseille, CMA CGM détient une flotte de plus de 650 navires. Le groupe, qui s’est dit auprès de l’AFP « engagé de façon très volontariste en matière de décarbonation », rappelle qu’il a investi 18 milliards de dollars « pour la commande de navires capables d’être propulsés avec des énergies alternatives au fuel » et 1,5 milliard pour le « développement de carburants alternatifs via son fonds Pulse ».

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