Climat : revers de la coalition de Scholz sur une loi clé sur la décarbonation du chauffage

Avec la loi sur la protection du climat, l’Allemagne s’est engagée à atteindre la neutralité sur le plan des gaz à effet de serre d’ici 2045. La décarbonation du bâtiment et particulièrement du chauffage est une priorité pour tenir cet objectif. ©Shutterstock

Publié le 06/07/2023

6 min

Publié le 06/07/2023

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Le gouvernement d’Olaf Scholz a subi un nouveau contretemps embarrassant le 6 juillet sur une loi controversée visant à diminuer le recours aux chauffages les plus polluants, qui ne sera finalement pas votée comme prévu demain au Parlement. Cette loi, qui vise à obliger à toute nouvelle chaudière de fonctionner avec au moins 65 % d’énergies renouvelables, ne cesse de faire parler d’elle. Initialement prévue pour entrer en vigueur en 2024, elle avait déjà été repoussée en 2028 suite aux contestations d’un partie de la classe politique et de l’opinion publique allemande. Pour rappel, l’Allemagne souhaite mettre fin à l’utilisation de combustibles fossiles par les systèmes de chauffage au 1er janvier 2025. 

Par la rédaction, avec AFP

 

La coalition rassemblant les sociaux-démocrates du chancelier, les Verts et les libéraux a décidé de repousser le vote à septembre après que la Cour constitutionnelle, saisie par l’opposition conservatrice, a jugé trop court le temps réservé aux députés pour examiner la version finale du texte. Cet ultime contretemps intervient alors que le gouvernement avait déjà eu toutes les peines du monde à trouver un compromis sur cette loi jugée cruciale pour que l’Allemagne réduise drastiquement les émissions de CO2 dans le secteur du bâtiment. Pour le quotidien de gauche Süddeutsche Zeitung, il s’agit « d’une humiliation méritée de longue date » par le gouvernement, qui a selon lui plusieurs fois manqué de respect vis à vis du Bundestag par le passé. Les juges de Karlsruhe n’ont émis aucun jugement contre le contenu de la loi et le gouvernement n’envisage a priori aucun changement de fond d’ici le vote.

Un calendrier « trop ambitieux », une mesure « trop coûteuse » selon l’opposition

Alors que l’Allemagne cherche à devenir neutre sur le plan climatique d’ici à 2045, via un plan qui pourrait coûter au pays près de 1 000 milliards d’euros d’ici à 2050, les trois partis de la coalition s’étaient finalement mis d’accord à la mi-juin sur un texte « édulcoré » selon les organisations environnementales avec l’objectif de le présenter à la chambre basse du Parlement avant la pause estivale comme le gouvernement s’y était engagé. Un objectif qui ne sera pas tenu. L’exécutif se débat depuis des mois autour de ces mesures qui souhaitent progressivement diminuer l’installation de nouveaux chauffages au gaz et au fioul pour privilégier les sources d’énergie renouvelable. Une fracture jusque dans ses propres rangs puisque les libéraux du FDP, également membres du gouvernement, ont jugé, comme l’opposition, le calendrier trop ambitieux et la mesure coûteuse. Du remous dans la coalition gouvernementale et de nombreuses inquiétudes sur la capacité des ménages à financer ce changement, notamment sur le coût des pompes à chaleur, près de 10 000 euros en moyenne. Ces luttes ouvertes au sein de l’équipe au pouvoir ont contribué à la chute de popularité inédite du gouvernement d’Olaf Scholz depuis son entrée en fonction fin 2021. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui s’est emparé du combat contre les mesures de protection du climat, voit lui sa popularité grimper en flèche.

Trois quarts des bâtiments chauffés aux combustibles fossiles

Aujourd’hui, selon le ministère fédéral de l’Économie allemande, « les trois quarts des bâtiments existants » sont encore chauffés par des systèmes de chauffage fonctionnant avec des combustibles fossiles, principalement du gaz naturel. Plus de 40 % de la consommation de gaz naturel est imputable au chauffage et à la production d’eau chaude. Sur quelque 41 millions de ménages, près de la moitié se chauffent au gaz naturel et près d’un quart au mazout. Un peu plus de 14 % sont raccordés au chauffage urbain. L’exécutif allemand a fixé une date limite d’utilisation des combustibles fossiles par les systèmes de chauffage au 31 décembre 2044. À partir de 2045, tous les bâtiments devront utiliser exclusivement des énergies renouvelables afin que leur chauffage soit neutre sur le plan climatique. 

65 % d’énergies renouvelables dans les chaudières ?

La proposition initiale prévoyait d’imposer dès janvier prochain à toute nouvelle chaudière de fonctionner avec au moins 65 % d’énergies renouvelables, sans toutefois contraindre le remplacement des chauffages existants, ni leur réparation le cas échéant. Des dispositions avaient également été prévues en cas de panne non réparable, des « longues périodes de transition » pour pour permettre l’installation des nouveaux chauffages fonctionnant à 65 % avec des énergies renouvelables. L’objectif : favoriser l’usage des pompes à chaleur, installations hybrides incluant par exemple le raccordement à un réseau de chauffage, pompe à chaleur électrique, chauffage électrique direct, chauffage hybride (combinaison de chauffage à énergie renouvelable et de chaudière à gaz ou à mazout), installation solaire thermique. Le gouvernement allemand évoquait « une neutralité technologique dans le choix des solutions ». Un projet de loi qui prévoyait aussi des « options » pour les bâtiments existants : le chauffage biomasse, le chauffage au gaz assorti de garanties attestant de l’origine renouvelable du gaz – avec au moins 65 % de biométhane, de gaz liquéfié biogénique ou d’hydrogène. Cette loi sur la décarbonation du chauffage avait toutefois provoqué une grave crise gouvernementale entre le parti social-démocrate d’Olaf Scholz, celui des Verts, à l’origine de la mesure, et le parti libéral qui critiquait le calendrier et le financement. Malgré l’engagement des pouvoirs publics à prendre en charge une part importante du coût des systèmes moins polluants, les plans du gouvernement ont suscité beaucoup d’inquiétudes dans la population, au regard des sommes élevées à engager. Le compromis trouvé sur ce projet de loi après plusieurs semaines de négociations gouvernementales instaurait une entrée en vigueur des règles sur les nouvelles installations de chauffage en 2028.

En France aussi le débat autour de la décarbonation des modes de chauffage a commencé. Une concertation nationale sur la décarbonation du bâtiment est en cours et les premiers arbitrages gouvernementaux, encore provisoires, qui visent une réduction des émissions de 34 MtCO2 d’ici 2030, tablent, outre l’interdiction et la suppression des chaudières au fioul, sur la suppression d’un quart des chaudières gaz en 2030 par rapport à aujourd’hui et évoquent la possibilité d’interdire l’installation de nouvelles chaudières « 100 % gaz fossile ». Une décision qui inquiète fortement les acteurs, qu’ils soient énergéticiens, industriels ou consommateurs.