Prix de l’énergie : Bruxelles veut muscler sa stratégie

Énergie
27/10/2025
5 min
Malgré les premiers effets positifs du Affordable Energy Action Plan, les prix restent 30 à 40 % plus élevés que ceux observés aux États-Unis ou en Asie, selon les données de la Commission. ©Shutterstock

Face à la persistance de prix de l’énergie trop élevés sur le continent, la Commission européenne entend passer à la vitesse supérieure. Elle a présenté la semaine dernière un nouveau train de mesures destiné à apporter un « de l’oxygène » aux ménages et aux industries, dans le cadre du Affordable Energy Action Plan lancé en début de mandat. Les prix restent « 30 à 40 % plus élevés » que ceux observés aux États-Unis ou en Asie, selon les données de la Commission. Une situation critique pour les filières à forte intensité énergétique — sidérurgie, chimie, verre, papier ou aluminium — qui voient leurs marges s’éroder. 

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui 

« Les prix de l’énergie restent trop élevés par rapport à nos principaux concurrents », a reconnu Dan Jørgensen, commissaire européen à l’énergie et au logement. Selon lui, cette situation menace la compétitivité de l’industrie européenne — notamment les secteurs à forte intensité énergétique — et pèse sur le pouvoir d’achat des citoyens. Bruxelles a ainsi proposé le 21 octobre sept actions prioritaires à mettre en œuvre en coopération étroite avec les États membres, dans l’espoir de faire baisser rapidement les coûts.

Sept leviers pour relancer la compétitivité

Parmi les mesures phares, la Commission encourage les États à mobiliser pleinement le cadre d’aides d’État renforcé (Cisaf) pour soutenir les industries énergivores, tout en accompagnant leur décarbonation. Objectif : permettre des compensations temporaires et ciblées pour les secteurs les plus exposés, tout en accompagnant la décarbonation. « C’est un signal positif, mais il faut que les dispositifs soient simples et rapides » souligne Eurofer, la fédération européenne de la sidérurgie. « Nous ne pouvons pas attendre des mois de validation administrative alors que nos concurrents américains bénéficient de prix garantis et de subventions directes. » Une nouvelle série de recommandations sera publiée d’ici la fin de l’année pour faciliter la mise en œuvre de dispositifs nationaux.

Deuxième axe : accélérer les investissements dans les réseaux et le stockage. Le plan prévoit également d’orienter les fonds de cohésion européens inutilisés vers des investissements dans les réseaux électriques, les interconnexions et les capacités de stockage. Une mesure saluée par les énergéticiens. « Le manque d’infrastructures bloque le déploiement des contrats d’achat d’électricité verte, alors que la demande industrielle est forte » reconnaît l’un des grands acteurs des renouvelables en Europe. Les États membres sont invités à réviser leurs programmes avant fin 2025 pour exploiter les marges de manœuvre budgétaires encore disponibles. Le texte met aussi l’accent sur le financement privé, en incitant les industriels à travailler avec la Banque européenne d’investissement (BEI) et les banques publiques nationales. Un programme pilote de 500 millions d’euros vient d’être lancé pour favoriser la signature de contrats d’achat d’électricité à long terme (PPA), ces contrats d’achat d’électricité directe entre producteurs et industriels. « C’est un outil clé pour stabiliser les prix à long terme et sécuriser nos approvisionnements », souligne un chimiste, poids lourd de l’industrie allemande.

Simplification et diversification en ligne de mire

Bruxelles s’attaque également aux lenteurs administratives qui freinent le déploiement des énergies renouvelables et des interconnexions. Le futur « Grids Package », attendu avant la fin de l’année, visera à simplifier les procédures et à renforcer les infrastructures transfrontalières. Ce paquet inclura aussi l’initiative “Energy Highways”, annoncée par Ursula von der Leyen lors de son discours sur l’état de l’Union, qui ciblera huit goulots d’étranglement majeurs au sein du marché européen de l’énergie. Trop souvent, les délais dépassent trois ans, freinant la transition énergétique de l’industrie. Bruxelles veut également renforcer la sécurité d’approvisionnement en gaz alors que la Commission a annoncé il y a quelques jours une rupture totale avec le gaz russe en 2028, en poursuivant la diversification des sources auprès de « partenaires fiables » comme les États-Unis, la Norvège ou le Qatar. Un exercice de mutualisation de la demande pour les entreprises d’Europe du Sud-Est sera lancé dans les prochaines semaine. Une mutualisation inspirée du modèle mis en place pendant la crise de 2022. Enfin, la Commission met le doigt sur un sujet sensible : la fiscalité énergétique. Les taxes représentent parfois jusqu’à un tiers de la facture d’électricité. Bruxelles prévoit donc d’émettre des recommandations et d’apporter un appui technique pour encourager leur réduction, au bénéfice des ménages vulnérables et des industries les plus exposées. « C’est une bonne nouvelle, mais les marges budgétaires nationales sont faibles », estime un représentant de l’industrie européenne. « Sans un vrai soutien européen, les baisses resteront symboliques. »

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