149 mesures citoyennes pour accélérer la lutte contre le changement climatique

Publié le 26/06/2020

10 min

Publié le 26/06/2020

Temps de lecture : 10 min 10 min

Les 150 citoyens de la convention citoyenne pour le climat (CCC) ont remis dimanche dernier leurs conclusions, fruits de 9 mois de travaux, à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne. 149 propositions, parmi lesquelles deux pourraient être soumises à référendum, qui doivent accélérer la lutte contre le changement climatique. Par Laura Icart   Expérience démocratique inédite en France, décidée par le président de la République Emmanuel Macron pour répondre à la crise des « gilets jaunes » et dans le cadre des conclusions du Grand débat national, la convention citoyenne pour le climat (CCC), qui s'est réunie pour la septième et ultime fois sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental (Cese) le week-end dernier, a donc rendu sa copie finale après avoir distillé une cinquantaine de mesures en avril dernier avec l’exécutif. Réduire d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans « un esprit de justice sociale », c'est tout l'enjeu du rapport de 600 pages qui passent au crible de nombreux secteurs clés : logement, consommation, institutions, agriculture, numérique. « L’engagement des citoyens a été extrême dans l'expertise, dans le débat, dans l'échange » note Laurence Tubiana, co-présidente de la CCC qui espère que la réponse du gouvernement sera « à la hauteur et à la mesure du sérieux du travail engagé ». Un exercice de citoyens lambda À peine publiées et déjà très commentées, les mesures votées dimanche par la CCC ont reçu un accueil mitigé du monde politique et de la société civile. Si tous ont salué l'exercice démocratique et l'intelligence collective, certaines mesures font déjà polémique et certains manquements sont déjà pointés du doigt. Mais n'est-ce pas là le propre de ce type d’exercice participatif de susciter le débat dans le débat ? Ni experts, ni même forcément sensibilisés aux enjeux climatiques, ces 150 citoyens tirés au sort de la CCC devaient représenter la société française dans toute sa mixité et sa diversité. Durant tous leurs travaux, ils ont été accompagnés par un comité de gouvernance, constitué d’experts du climat, de la démocratie participative et du champ économique et social recouvrant cinq grandes thématiques : se déplacer, consommer, se loger, produire et se nourrir, avec l’instauration d’objectifs finaux, 43 au total, définis pour chacune d’entre elles. Les citoyens ont voté sur les objectifs finaux et non pas sur chaque mesure proposée. Un mode de participation qui a d’ailleurs fait débat dans leurs rangs. In fine, 149 mesures sur 150 ont été votées ( dont 50 ont été retranscrites de manière legistique) par la CCC. Seule la proposition de réduction du temps de travail à quatre jours (28 heures) par semaine a été écartée par plus de 65 % des votants, jugeant le moment peu opportun pour une telle mesure dans un contexte économique fragilisé par la crise du Covid-19. « Des mesures qu’il faut penser comme un tout et regarder dans leur globalité » a insisté Thierry Perch, directeur général du groupe de réflexion Terra Nova et co-président de la CCC, lors d'un briefing à la presse, il y a quelques semaines. Écocide, rénovation énergétique, artificialisation des sols, circuits courts, éco-conditionnalités des aides publiques… « Conditionner les aides publiques aux entreprises à l'évolution positive du bilan gaz à effet de serre ; définir une enveloppe restrictive du nombre d'hectares maximum pouvant être artificialisés ; obliger les grandes surfaces à mettre en place un système de consigne rémunérée pour les contenants plastiques réutilisables dès 2021 ; rendre la rénovation énergétique obligatoire dès 2040 ; atteindre 50 % d'exploitations en agroécologie en 2040 ou encore réduire la vitesse sur autoroute en passant de 130 km/h à 110 km/h » (une mesure sans doute parmi les plus clivantes et qui sans surprise occupe la sphère médiatique) : voilà quelques-unes des 149 mesures adoptées par les membres de la CCC. In fine, une cinquantaine d'entre elles ont été rédigées sous la forme de propositions de loi ou de règlements, les autres relevant plus de la déclaration d’intention ou de la recommandation. Inscrire le climat et la reconnaissance de l'écocide dans la Constitution Au-delà des travaux thématiques, la convention citoyenne a soumis deux mesures au référendum : la modification de l’article 1er de la Constitution visant à renforcer la responsabilité de la France en matière environnementale, adopté à 53 %, et la pénalisation du crime d’écocide (81 %). Également soumises, deux pistes de réflexion : renforcer le contrôle des politiques environnementales et réformer le Cese afin qu’il soit plus représentatif de la parole citoyenne et plus impliqué dans le processus législatif de notre pays. Dans le Journal du dimanche, Élisabeth Borne, qui s’est déclarée favorable à un référendum, estime que « l’engagement et le travail accomplis sont à la hauteur du défi écologique » à venir. La mobilité, un enjeu clé de la transition Pas moins de 11 objectifs et 23 mesures ont été adoptés dans le groupe de travail « se déplacer », l’un des plus conséquents puisqu’il regroupe un quart des objectifs finaux après la thématique « se nourrir ». Aller vers des mobilités plus douces et plus actives, l’un des piliers de la loi d’orientation des mobilités votée en décembre dernier, est au cœur des préoccupations des « 150 », avec en ligne de mire l'objectif de réduire la place de voiture individuelle dans l’espace public en développant des mobilités alternatives mais aussi l’aménagement des voies publiques pour permettre de nouvelles habitudes de déplacement, en augmentant notamment le fonds vélo de 50 à 200 millions d'euros par an pour financer des pistes cyclables. Trois ou quatre mesures pour diminuer les émissions des gaz à effet de serre du transport routier et maritime ont également été votées à l’unanimité. Il s'agit, par exemple, de créer les conditions d’un retour fort à l’usage du train via des incitations tarifaires (TVA réduite de 10 % à 5,5 %), de réduire la circulation des poids lourds émetteurs de gaz à effet de serre sur de longues distances en permettant un report modal vers le ferroviaire ou le fluvial, via notamment le développement les autoroutes de fret maritime (et fluvial) sur des trajets déterminés, ou la sortie progressive des avantages fiscaux sur le gazole, en privilégiant plutôt une aide à l’acquisition de camions. La réduction « à zéro des émissions des navires lors de leurs opérations dans les ports » a été votée à la quasi-unanimité, via notamment l’électrification à quai des navires ou l’interdiction de l’usage de moteurs polluants lors des arrêts dans les ports. « Agir sur la réglementation et aider à la transition vers un parc de véhicules propres », via des dispositifs budgétaires et réglementaires (bonus, malus, taxes, prêts…), inciteraient fortement particuliers et professionnels à acquérir des véhicules propres. La formation notamment des garagistes pour les préparer à la fin de la pétro-mobilité a également été évoquée par la CCC. Les trois dernières mesures de cette thématique relèvent plus de l’organisation et de l’implication citoyenne dans des décisions relatives à des déplacements dans le cadre du travail, à une meilleure connaissance des options de mobilité disponibles sur son territoire ou encore l’intégration des citoyens au sein des autorités organisatrices de la mobilité à toutes les échelles. La rénovation énergétique, le fer de lance Si la thématique « se loger » ne dispose que de trois objectifs finaux et 14 mesures, elle est sans doute l’un des briques les plus importantes de cette CCC car elle touche à un secteur, le bâtiment, qui représente près de 45 % de notre consommation énergétique nationale et de plus 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les « 150 » proposent ni plus ni moins que de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040, avec sûrement les mesures parmi les plus fortes et les plus ambitieuses de cette CCC, puisqu’elle veut « contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover de manière globale », notamment avec la rénovation obligatoire des passoires énergétiques classées F et G, selon le diagnostic de performance énergétique (DPE), d’ici 2030 et d’ici 2040 pour les propriétaires bailleurs de logements classés D ou E. Si la CCC recule de deux ans l’échéance inscrite dans la loi énergie-climat pour les catégories F et G, elle est nettement plus radicale sur les moyens à mettre en place pour y arriver puisqu’elle prévoit une série de sanctions allant du blocage de l’augmentation des loyers pour les passoires thermiques sans rénovation dès 2021 à l’interdiction de la mise en location à partir de 2028 et jusqu’à un malus sur la taxe foncière pour les propriétaires à cette même échéance. Dès 2024, les propriétaires occupants seront dans l’obligation de procéder à des travaux de rénovation énergétique leur permettant d’atteindre au minimum une classe B s’ils veulent vendre leurs logements. « Imposer dès 2024 des rénovations globales qui demandent un budget moyen entre 40 000 et 50 000 euros va s’avérer difficile à suivre pour toutes les familles » alerte Effy, l'un des spécialistes de la rénovation énergétique en France, qui s’inquiète d’un calendrier jugé trop « radical ». Interdire les chaudières au fioul et à charbon d'ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés, accélérer la tenue des chantiers avec la mise en place de guichets uniques et instaurer un système progressif d'aides à la rénovation, avec prêts et subventions pour les ménages les plus modestes, sont les autres mesures de ce premier objectif. Deuxième objectif : «  limiter de manière significative la consommation d’énergie dans les lieux publics, privés et les industries » , en allant vers plus de sobriété avec par exemple l’interdiction de chauffer les espaces publics extérieurs ou encore limiter le recours au chauffage et à la climatisation en deçà d’une certaine température. Dernier objectif, « la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain, en rendant attractif la vie dans les villes et villages », avec des mesures immédiates pour notamment protéger les espaces naturels, les espaces agricoles périurbains et les forêts périurbaines. Si les 149 mesures proposées par la CCC ne constituent pas une révolution en soi - aucune évocation par exemple de la taxe carbone -, elles ont le mérite de remettre la sobriété au cœur du débat public et de rappeler l’importance des leviers qu’il nous reste à actionner et à entreprendre pour que notre pays soit à la hauteur du défi climatique. Les membres de la convention citoyenne pour le climat, qui se sont organisés en association pour assurer le suivi de leurs mesures, seront reçus lundi par Emmanuel Macron. Ils devraient lors de cette entrevue avoir « une première réponse à leurs propositions », indiquait la semaine dernière l’Elysée. © Katrin Baumann / Convention citoyenne pour le climat.

Cet article est réservé aux abonnés de Gaz d'aujourd'hui, abonnez-vous si vous souhaitez lire la totalité de cet article.

Je m'abonne