Gaz renouvelable : un potentiel mondial de défossilisation

Cartographie
18/09/2025
8 min

La production de biogaz et de biométhane affiche une dynamique de production croissante dans le monde. À travers des investissements importants, des partenariats internationaux et un soutien politique croissant, ce secteur émerge comme un acteur important dans la transition énergétique mondiale. D’ici 2040, il pourrait répondre à 25 % de la demande mondiale en gaz naturel, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais pour en faire une réalité à l’échelle mondiale, le développement de la production et du cadre réglementaire reste un défi de taille.

Par Laura Icart 

Du New Jersey à New Delhi, de Varsovie à Valence, les annonces se multiplient, traduisant une accélération du développement de cette filière. Cette dynamique repose sur trois piliers : les investissements massifs, les partenariats technologiques de plus en plus sophistiqués et un soutien politique plus important depuis la crise énergétique mais qui varie considérablement selon les régions du monde. Même constat au niveau de la production où la dynamique varie considérablement en fonction des régions du monde, des priorités locales, des infrastructures existantes et des contextes réglementaires.

Europe : une locomotive technologique et réglementaire

L’Europe se positionne en leader mondial du biogaz, soutenue par des politiques publiques ambitieuses, des investissements considérables et une réglementation favorable à la décarbonation. En 2023, la production combinée de biogaz et de biométhane s’élève à 234 TWh, soit 22 milliards de mètres cubes, soit environ 7 % de la consommation de gaz de l’Union européenne en 2023 et l’équivalent de la consommation totale de gaz naturel de la Belgique, du Danemark et de l’Irlande. Pourtant, les gisements identifiés pourraient atteindre 101 BCM d’ici 2040 et jusqu’à 151 BCM en 2050, selon les dernières données de l’Association européenne du biogaz (EBA). Un potentiel de production qui permettrait, toujours selon l’association européenne, de fournir de l’énergie « à plus de 90 millions de foyers européens chaque année », tout en évitant l’émission de « 483 millions de tonnes de CO₂ ». En Europe, des investissements publics et privés massifs ont été annoncés dans plusieurs pays. L’Italie, par exemple, a alloué 100 millions d’euros pour convertir ses centrales en biométhane. En France, de nouvelles dispositions règlementaires parues et à paraitre, comme les certificats de production de biogaz, au côté des tarifs d’achats, devraient permettre d’accélérer la production de biométhane. En Pologne et en Irlande, la tendance se confirme avec des projets visant à simplifier les démarches administratives et à renforcer les incitations fiscales pour les investisseurs dans le secteur. Si L’Europe bénéficie d’un cadre réglementaire favorable, porté par des objectifs ambitieux tels que REPowerUE, l’EBA regrette la complexité des normes, l’harmonisation des réglementations et une reconnaissance « relativement faible » dans les politiques publiques européennes du potentiel des gaz renouvelables dans la décarbonation de l’économie.

Pour l’EBA, qui défend une vision intégrée du biogaz comme pilier de l’économie circulaire, plusieurs leviers doivent convaincre l’Union européenne de reconnaître le biogaz comme un “actif stratégique » : pour sa contribution à la décarbonation de l’industrie, du chauffage et des transports, « tout en stabilisant les réseaux électriques » face à l’intermittence des énergies renouvelables ; pour son processus de production également, qui permettrait de « capturer et réutiliser jusqu’à 89 millions de tonnes de CO₂ non fossile d’ici 2040 », un CO₂ biogénique qui pourrait alimenter les marchés de l’alimentaire, de la chimie ou encore des carburants de synthèse.

Amérique du Nord : une approche axée sur la rentabilité et la décentralisation

L’Amérique du Nord, emmenée par les États-Unis, adopte une approche axée sur l’échelle et la rentabilité. Toutefois, le cadre législatif reste fragmenté, ce qui peut freiner l’harmonisation des pratiques entre les différents États et provinces. Les États-Unis voient l’émergence de projets phares à grande échelle, comme celui de Linden Renewable Energy, qui a investi 440 millions de dollars en 2024 dans la plus grande installation de transformation des déchets alimentaires en biométhane dans le New Jersey. L’American Biogas Council a également publié une cartographie sectorielle complète, permettant de mieux cerner les enjeux et les opportunités du marché. L’administration fédérale a mis en place des initiatives pour simplifier l’obtention des permis nécessaires, notamment dans des États comme la Californie et le Texas, qui disposent déjà d’un cadre favorable. Au Mexique et en Amérique latine, les avancées sont également notables. Le Brésil se positionne comme un leader régional en matière de production de biogaz, avec un focus particulier sur les déchets agricoles. Le pays a lancé plusieurs initiatives visant à intégrer le biogaz dans ses stratégies de développement rural durable. L’un des défis majeurs aux États-Unis et au Mexique réside dans la fragmentation du cadre législatif, qui reste encore très dépendant des politiques locales. Bien que des incitations fiscales et des simplifications administratives soient mises en place dans certains États, il existe peu de coordination à l’échelle fédérale.

Asie : une montée en puissance rapide mais inégale

L’Asie, bien que rattrapant rapidement son retard, présente des disparités notables entre les pays. L’Inde, par exemple, s’affiche comme un acteur clé de la transition énergétique, tandis que d’autres nations font face à des défis d’accessibilité au financement et de manque d’infrastructures. L’Inde se distingue par des investissements importants dans le biogaz, avec la présence d’ailleurs de plusieurs multinationales étrangères comme TotalEnergies. Le biogaz fait partie intégrante des politiques agricoles et de mobilité indienne, particulièrement pour résoudre les problèmes énergétiques des zones rurales. En Chine, après une mise en place massive de biodigesteurs domestiques au début des années 2000, les installations ont progressivement augmenté en taille, avec des matières premières plus diversifiées. En 2022, le pays a connu une hausse de 15 % de la capacité de production de biométhane. Cependant, l’Asie, à l’exception de la Chine, reste confrontée à un défi majeur : l’accès au financement. Les grands groupes publics et privés commencent à s’y intéresser, mais les pays restent dépendants des investissements internationaux pour structurer leurs marchés de biogaz.

Afrique : une dynamique décentralisée pour les zones rurales

L’Afrique et le Moyen-Orient adoptent une approche décentralisée du biogaz, privilégiant les solutions adaptées aux zones rurales, où l’accès à l’énergie est limité. En Égypte, le biogaz est au cœur de la « Vision 2030 » du gouvernement qui met l’accent sur la gestion des déchets et l’indépendance énergétique. Des projets pilotes de méthanisation sont mis en place dans les zones rurales pour fournir de l’énergie aux communautés hors réseau. L’Afrique, avec des marchés de plus en plus ouverts aux investissements étrangers, se distingue par une forte demande de solutions énergétiques adaptées aux contextes locaux. Cependant, les défis restent nombreux, notamment en matière de logistique, de formation des acteurs locaux et de maintenance des infrastructures.

Le potentiel de croissance du biogaz et du biométhane est « colossal » selon l’ »Outlook for Biogases and Biomethane » publié par l’Agence internationale de l’énergie en juin, avec un total estimé à près de 1 000 milliards de mètres cubes équivalents méthane (BCME), soit un quart de la demande actuelle de gaz naturel à l’échelle mondiale. Actuellement, si l’Europe et l’Amérique du Nord représentent près de 60 % de la demande mondiale de biogaz, d’ici 2035 ce sont les économies émergentes qui deviennent majoritaires. « La Chine devrait représenter à elle seule 40 % de l’augmentation de la production mondiale d’ici 2035 » note le rapport de l’AIE. Quant à la demande en Inde et au Brésil, elle devrait tripler.

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