2023, année charnière pour le biométhane en France

Publié le 03/12/2024

8 min

Publié le 03/12/2024

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Sia Partners publie ce 3 décembre son benchmark annuel consacré à la filière du biométhane en France. Avec 139 unités raccordées en 2023, soit un taux de croissance de 27 % par rapport à 2016, la filière poursuit sa dynamique, sur un rythme cependant plus faible qu’observé ces dernières années. La filière française des gaz renouvelables, l’une « des plus dynamiques au monde » et qui a largement dépassé les objectifs fixés dans la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie espère que le cadre réglementaire mais aussi le discours politique  lui donnera de la visibilité et de la stabilité, elle qui revendique une part importante dans la pluralité du mix énergétique français. Par Laura Icart   En 2023, la filière française du biométhane progresse mais à un rythme inférieur aux précédentes années, prémices d’un ralentissement annoncé par la filière qui s’étendra jusqu’en 2025 et conséquence d’un contexte inflationniste, d’un tarif d’achat revu inadéquat et de plusieurs dispositifs réclamés par la filière (certificats de production de biogaz, appels d’offres) qui n’ont été publiés qu’au cours de l’année 2024. « La reprise d’une croissance plus soutenue est espérée suite à la revalorisation du tarif d’achat en juin 2023 et les annonces relatives aux CPB » souligne Charlotte de Lorgeril, co-autrice de l’observatoire et associée chez Sia Partners. En 2023, la filière a injecté plus de 9 TWh de biométhane dans les réseaux gaziers, soit l’équivalent de 3,2 millions logements neufs selon GRDF. La production de biométhane injecté dans les réseaux gaziers représente entre 3 et 4 % de la consommation nationale de gaz mais la filière estime qu’elle peut multiplier par cinq son potentiel pour atteindre 20 % de gaz renouvelable dans la consommation nationale de gaz en 2030, incluant les nouvelles technologies de production de gaz renouvelables. L’actuel projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) table sur une consommation de gaz renouvelable de l’ordre de 15 % à la fin de la décennie. 2023, la croissance la plus faible enregistrée depuis 2015 Baisse des tarifs depuis fin 2020, conjuguée à trois années marquées par une conjoncture particulièrement défavorable (crise sanitaire, crise énergétique) : l’année 2023 marque le pas, avec la  croissance la plus faibles enregistrée (+ 27 %) depuis 2015, alors que l’année 2022 était déjà en recul (+ 41 %), après plusieurs années de croissance exponentielle, entre 60 et 70 % en moyenne.  « Un point d’inflexion a été franchi, confirme Charlotte de Lorgeril, avec une baisse du nombre de nouveaux projets » enregistrée en 2022. Les taux de croissance devraient également être « faible pour 2024 et 2025 » ajoute l’experte. En 2023, 139 nouvelles unités ont été mises en service, ajoutant 2,1 TWh de capacité supplémentaire et portant la puissance installée à plus de 11,9 TWh. « Avec 4,4 TWh par an de capacités installées, le parc français rassemble principalement des projets de faible à moyenne capacité par rapport aux autres pays européens » note l’observatoire, avec une moyenne de capacité de l’ordre de 18 TWh, contre 30 dans le reste de l’Europe. « La filière agricole dispose du plus large gisement mobilisable et d’un tarif d’achat avec des primes spécifiques avantageuses, comme la prime sur les effluents d’élevage. » Le ralentissement des réservations de capacité d'injection « se confirme sur la durée » et le stock de nouveaux projets inscrits au registre a encore diminué l’année dernière, même si cette tendance commence à s’inverser au troisième trimestre 2024, selon des données publiées récemment par le ministère de la Transition écologique. « Il y aura un trou d’air comme anticipé par la filière » reconnaît Charlotte de Lorgeril, mais les nouvelles dispositions prises au cours de l’année 2024 vont permettre à la filière, « si le cadre réglementaire et législatif suivent, de ne pas s’essouffler ». La France reste un pays moteur, notamment pour son cadre de développement Si la dynamique est moindre,  la France reste « l’un des pays moteurs de la production de biométhane en Europe » indique Charlotte Bouvet, manager énergie et co-autrice de l’étude, même avec sa « spécificité », c’est dire de petites unités produisant principalement du biométhane d’origine agricole. Notre pays talonne aujourd’hui l’Allemagne en termes de puissance installée et possède l’un des plus importants parcs de méthanisation en injection au monde. Une réalité qui fait aussi écho à un cadre de soutiens où plusieurs dispositifs particulièrement structurants comme le droit à l’injection ont permis de belles avancées. En France, avec l’instauration du droit à l’injection issu de la loi Egalim, avec des zonages de raccordement, la CRE a délibéré à « 16 reprises sur environ 350 zonages de raccordements représentant un potentiel de production de 35 térawattheures par an à terme » note l’étude. Un outil qui permet « une vision d’infrastructures à long terme », en « rationalisant le processus de raccordement » avec un unique opérateur de réseau en charge des raccordements et « optimise la planification des investissements nécessaires » en cas de besoin d’augmentation des capacités d’injection pour accueillir le biométhane. Les rebours sont au nombre de 20 aujourd’hui, avec une année 2023 particulièrement prolifique puisque huit y ont été mis en service.  Les CPB, un enjeu clé de massification Le décret et l'arrêté fixant les trajectoires et les modalités d’application des CPB sortis le 6 juillet 2024 rendent le dispositif opérationnel, il entrera en vigueur dès 2026. Ce dispositif s’adresse aux sites de méthanisation ou d’ISDND, quelle que soit leur capacité, qui ne bénéficient d’aucun mécanisme de soutien. Ce nouveau dispositif doit permettre de continuer à soutenir le développement de la filière biométhane sans faire appel au budget de l’État. Le volume cumulé d’obligation à atteindre est fixé à 0,8 TWh en 2026, à 3,1 TWh en 2027 et à 6,5 TWh en 2028. « Il est en particulier le seul mécanisme à ne pas exclure les projets Brownfield : c’est une opportunité pour les projets en cogénération souhaitant se convertir vers l’injection » note Charlotte de Lorgeril. De nombreux dispositifs de soutien à enclencher La fin de l’année 2023 mais surtout l’année 2024 marquent plusieurs avancées importantes pour le développement du biométhane en France et en Europe. L’année dernière, le biométhane a été reconnu éligible à intégrer la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (Tiruert), cependant la transposition n’est pas encore effective en France. « En 2025, nous espérons atteindre 50 % de biogaz dans le GNV et aller crescendo jusqu’au 100 % en 2030. Mais pour y parvenir nous avons besoins de signaux forts, notamment l’application rapide de l’Iric en donnant de la visibilité aux investisseurs et aux décideurs » soulignait Erwan Cotard, président de France mobilité biogaz à Gaz d'aujourd'hui début septembre. L’intégration du bioGNV dans la Tiruert est une nouvelle opportunité pour la production de biométhane non subventionnée. « La définition des modalités d’application, en particulier du niveau de pénalité, sera clé pour garantir des conditions économiques favorables à l’usage du biométhane pour la mobilité » précise l’étude de Sia Partners. En France, un nouveau décret publié en décembre 2022 fixe de nouvelles règles pour l’utilisation des garanties d'origine. Une partie de celles issues d’installations de production bénéficiant de tarifs d’achat réglementés pourra être utilisée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) comptabilisées dans l’ETS (emissions trading system), ce qui permettra aux industriels achetant du biométhane d’effacer leurs consommations. L’autre partie sera comptabilisée par la France au titre de l’ESR (effort sharing regulation). Pour rappel, l’ESR établit des objectifs nationaux obligatoires d’émissions annuelles de GES pour les secteurs non inclus dans l’EU ETS : transport, bâtiment, agriculture et déchets. « En 2023, le volume de garanties d'origine valorisées a augmenté en absolu sur tous les segments à l’exception de la valorisation en réseaux de chaleur, et en part relative notamment sur les usages des industries, qui cherchent à se décarboner grâce au biométhane. Le stock de GO non utilisées a également diminué » précise Charlotte de Lorgeril.

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