Biodéchets : Moulinot boucle un financement de 18 millions d’euros

D'ici 2025, Moulinot prévoit d'ouvrir six usines de traitement capables de valoriser jusqu'à 300 000 tonnes de biodéchets chaque années par méthanisation ou compostage.

Publié le 14/04/2022

5 min

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Lancée en 2013 par un ancien restaurateur, Stéphan Martinez, l’entreprise francilienne Moulinot finalise une troisième levée de fonds pour un montant total de 18 millions d’euros qui va lui permettre de poursuivre le développement de son écosystème de collecte et de valorisation des déchets alimentaires, alors que la loi Agec rendra le tri, la collecte et la valorisation des biodéchets obligatoires pour tous au 1er janvier 2024.

Par Laura Icart

 

18 millions d’euros, c’est le montant du tour de table bouclé par Moulinot auprès de la Banque des territoires, Bpifrance, NovESS, MAIF Impact, BNP Paribas Asset Management, France Active et Sycomore Impact Emploi. Une somme qui va permettre à l’entreprise d’accélérer, en ouvrant d’ici la fin l’année 2025 six nouvelles usines de traitement des biodéchets, sur le modèle de celle de Stains en Seine-Saint-Denis qui a la capacité de traiter près de 40 000 tonnes de biodéchets chaque année, valorisées en compostage ou en méthanisation.  

Des millions de tonnes de biodéchets à valoriser

« Il faut redonner du sens au déchet alimentaire » nous confiait il y a un an Stephan Martinezfondateur de la première entreprise française à s’être spécialisée dans la collecte et la valorisation des déchets alimentaires, qui souligne sa volonté avec cette nouvelle levée de fonds de faire encore grandir son entreprise. « Notre objectif est d’atteindre 500 emplois créés [l’entreprise compte 95 salariés actuellement, NDLR] et de bénéficier d’une capacité de traitement de plus de 300 000 tonnes de biodéchets par an. » Et le potentiel est bien réel : l’Ademe estime en moyenne qu’un habitant produit 83 kg de biodéchets, soit environ 30 % de nos ordures ménagères. Toujours selon l’Agence de transition écologique, le gisement est de taille : entre 10 et 12 millions de tonnes de biodéchets sont produits chaque année en France. Ce gisement, l’entreprise francilienne compte bien l’exploiter puisqu’elle travaille avec tout le monde, la restauration traditionnelle et collective, des prestataires en événementiel, des collectivités mais aussi avec des particuliers. Elle a d’ailleurs déployé une solution complète incluant l’accompagnement et la formation au tri, la collecte par des véhicules écologiques puis leur transformation en fertilisants naturels et en biogaz par compostage ou méthanisation. Rappelons que les producteurs de plus de 10 tonnes de biodéchets annuelles ont l’obligation de trier et de valoriser leurs déchets depuis une dizaine d’années. En 2021, l’usine de Stains a valorisé 12 500 tonnes de biodéchets et permit la production de 10 GWh de biométhane soit l’équivalent de 1500 logements chauffés à l’année en basse consommation. Autre production, celle de 36 000 tonnes de digestats (engrais organique) qui a permit la fertilisation de 1 200 hectares de terres agricoles. 

Le lien entre l’urbain et le rural

Depuis le lancement de son activité en 2013, Moulinot a valorisé près 50 000 tonnes de biodéchets collectés. Depuis 2019, c’est sur son site de Stains que l’ensemble des biodéchets collectés par ses soins ou par des partenaires sont acheminés. Spécificité : tous les pré-traitements des collectes, du déconditionnement à l’hygiénisation, sont effectués sur place. Un système qui permet également de massifier les collectes de proximité. Une fois traités, les biodéchets sont compostés in situ ou transformés en « soupe » pour être distribués à des sites de méthanisation agricole. Une seconde usine située à Réau (Seine-et-Marne), d’une capacité de traitement de plus grande ampleur ( 70 000 à 80 000 tonnes/an), sera ouverte d’ici la fin de l’année. Ce modèle permet une forte amélioration de l’impact environnemental lié à la gestion des biodéchets, « avec des émissions de gaz à effet de serre 3 à 8 fois moins importantes que l’incinération et l’enfouissement » indique Moulinot. Il faut rappeler que les biodéchets sont constitués à 80 % d’eau. Acteur incontournable de l’économie circulaire, le fondateur de Moulinot insiste sur une chose : au-delà de l’impact environnemental, il y a ce lien, « cette histoire à recréer entre l’urbain et le rural ». Comment ? Tout simplement en ramenant les déchets produits dans les villes dans nos campagnes pour produire de l’énergie et amender les sols. Actuellement, 5 méthaniseurs ( sept agriculteurs) intègrent dans leurs unités une part de biodéchets collectés par l’entreprise Moulinot. Jean-François Delaitre, agriculteur méthaniseur, fondateur de O’ Terres Énergies (77) et président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), incorpore une partie de ces biodéchets et s’inscrit dans cette même idée de lien et de circularité locale. « Nous avons deux modèles qui se complètent, cohérents […]. Nous avons une relation basée sur la confiance et le partage. Chacun a son expertise, on sent qu’on peut raconter l’histoire ensemble. »

Se déployer à l’échelle nationale

Si l’Île-de-France apparaît comme une région à haut potentiel – c’est notamment la plus densément peuplée de France, avec des capacités de méthanisation qui vont se démultiplier ces prochaines années -, c’est bien à l’échelle nationale que l’entreprise entend poursuivre son développement.  « Face au défi de la généralisation du tri des déchets alimentaires, l’objectif est d’offrir aux territoires des solutions structurées, à grande échelle et adaptées aux besoins locaux » souligne Moulinot à l’issue de cette troisième levée de fonds. Outre le site de Réau, une autre usine ouvrira à Bordeaux dès la fin de l’année 2022 et cinq autres sites ouvriront d’ici 2025.