Une coopération pour booster l’atome

L’électronucléaire représente environ 10 % de la production mondiale d’électricité et fournit environ un quart de l’électricité bas carbone sur la planète souligne l’AIEA. ©Shutterstock

Publié le 22/03/2024

8 min

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Une trentaine d'États, dont la Chine, les États-Unis et le Brésil, ont convenu le 21 mars à Bruxelles de collaborer pour accélérer et mieux financer le développement de l'énergie nucléaire, à l'heure où l'atome fait son grand retour comme levier de décarbonation. L’Alliance européenne du nucléaire a également réaffirmé son engagement pour faire du nucléaire, « au même titre que les énergies renouvelables », un élément « central »  pour la décarbonation et l’atteinte de la neutralité carbone. Par la rédaction, avec AFP   « C'est une source d'énergie sûre, propre et rentable (...) pas une utopie », a insisté Rafael Grossi, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à l'origine de ce sommet "historique". Organisé près de l'Atomium, monument de 1958 faisant de l'atome civil le symbole de l'innovation technologique, cette rencontre s'inscrit dans la foulée de la COP28 sur le climat où une vingtaine de pays avaient appelé à tripler les capacités mondiales du nucléaire d'ici 2050. « Il a fallu 28 conférences climatiques pour reconnaître le nucléaire. Mieux vaut tard que jamais (...). Il faut désormais définir des étapes concrètes, collaborer », notamment en termes de financements, a souligné M. Grossi. « Partout dans le monde, le nucléaire fait son grand retour : le besoin de lutter contre le changement climatique, de sécurité énergétique après l'invasion de l'Ukraine, de produire de l'électricité sans interruption », a résumé le directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol. « On n'aura aucune chance d'atteindre nos objectifs climatiques à temps sans le soutien du nucléaire » à côté des renouvelables, même si ces derniers conserveront "un rôle majeur", a-t-il martelé. 10 % de la production mondiale d’électricité L'atome représente 10 % de la production mondiale d'électricité (contre 18 % en 1988), avec 438 réacteurs dans 31 pays. L’électronucléaire fournit également « environ un quart de l’électricité bas carbone sur la planète » rappelle l’AIEA qui estime que l'atome a « un rôle clé » à jouer dans la transition vers un avenir à zéro émission nette alors que le secteur de l’énergie devra réduire ses émissions nettes de CO2 à zéro vers le milieu du siècle pour rester dans cette trajectoire. Plus de 500 réacteurs sont en projet ou envisagés, dont 61 déjà en construction. Ce sommet inédit a rassemblé une quinzaine de dirigeants, principalement européens, et des représentants d'une vingtaine d'autres États, dont le Canada, l'Égypte, le Japon, le Pakistan, la Corée du Sud ou encore l'Arabie saoudite. « Libérer le potentiel de l'énergie nucléaire » Dans une déclaration commune, ils se sont "engagés à œuvrer à libérer complètement le potentiel de l'énergie nucléaire", à "créer un environnement de marché ouvert et équitable" à l'échelle du globe, tout en "soutenant les efforts pour mobiliser des financements publics et privés". Face aux besoins colossaux d'investissements, ils veulent peser pour débloquer l'appui des institutions financières mondiales et des banques de développement. "On a une génération de réacteurs qui arrive à maturité, on la financera en ayant la taille critique, c'est-à-dire un marché plus profond, en essayant de convaincre d'autres pays de venir avec nous", a également souligné le président français Emmanuel Macron, grand promoteur de l'atome au sein de l'UE. Il a annoncé que le prochain sommet sur l'énergie nucléaire, également sous la houlette de l'AIEA, aurait lieu en France, mais sans préciser de date. "L'avenir des technologies nucléaires est loin d'être assuré (...). Il dépend de la capacité de l'industrie à respecter les délais et le budget : trop souvent, la construction des centrales génère des dépassements budgétaires et retards importants", a cependant averti la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. L'atome fait par ailleurs l'objet de farouches résistances d'une partie des États, y compris au sein de l'UE, qui dénoncent une technologie trop coûteuse et aux concrétisations trop lointaines - contrairement à l'éolien ou au solaire. Des militants environnementaux ont manifesté en marge du sommet contre "un hold-up climatique" qui priverait de financements les renouvelables au profit d'"une filière en déperdition, inadaptée à l'urgence climatique, dangereuse et productrice de déchets éternels". Des activistes de Greenpeace ont déployé une bannière contre le "conte de fées nucléaire". Une « renaissance du nucléaire » dans l’Union ? « L’énergie nucléaire est la technologie aisément disponible et non fossile capable de produire en continu une énergie de base modulable et d’assurer à la fois notre sécurité d’approvisionnement collective et la flexibilité nécessaire sur notre marché de l’électricité » souligne de son coté l’Alliance européenne du nucléaire composé de la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la France, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. « Nous réaffirmons notre objectif commun consistant à réduire nos dépendances stratégiques, en particulier à l’égard des fournisseurs russes » a-t-elle déclaré, s’engageant à développer l’accès aux financements publics et privés ainsi qu’à étudier les possibilités et les avantages des instruments de financement européens pour soutenir la production de réacteurs à grande échelle, les technologies des petits réacteurs modulaires et la chaîne de valeur européenne associée. Mais aussi à développer une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée dans le secteur du nucléaire, pour toutes ses applications civiles alors que le manque de main d’œuvre qualifiée se fait déjà ressentir. L’alliance s’est également engagée à renforcer les collaborations industrielles ainsi qu’en matière de recherche et d’innovation sur l’ensemble de la chaîne de valeur européenne et « à respecter les choix nationaux de tous les États membres en ce qui concerne la décarbonation de leur bouquet énergétique ». Un dernier objectif sur lequel la France est montée plusieurs fois au créneau ces deux dernières pour faire reconnaître la spécificité de son mix énergétique, notamment pour reconnaître la place du nucléaire dans la production d’hydrogène bas carbone. Onze projets de réacteurs nucléaires innovants sélectionnés dans le plan France 2030 Le gouvernement a annoncé le choix des trois derniers lauréats de l'appel à projets "Réacteurs nucléaires innovants" du plan France 2030, portant au total à 11 le nombre de projets soutenus par ce plan d'investissements, a annoncé jeudi le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie. Il s’agit du projet Stellarium porté par la start-up Stellaria, le projet Proxima porté par la société Thorizon et le projet Taranis porté par la start-up éponyme, tous soutenus par un appui technique du Commissariat à l'énergie atomique.  "Lors du premier appel à projets "Réacteurs nucléaires innovants", parmi 15 projets déposés, 11 projets ont été désignés lauréats, soutenus à hauteur de 129,8 millions d'euros par l'État", a indiqué le ministère dans un communiqué. Jusqu'ici, huit projets avaient été désignés lauréats au terme du premier appel à projets lancé du 2 mars 2022 au 28 juin 2023. Le ministre Roland Lescure, qui participait jeudi au sommet sur l'énergie nucléaire, a salué "un atout pour la décarbonation de notre économie et pour la puissance de l'écosystème nucléaire français". Plus petits et moins puissants que leurs grands frères du parc nucléaire existant actuel, les petits réacteurs modulaires [ou SMR, pour small modular reactors en anglais, NDLR] visent à développer la production combinée d'électricité, de chaleur et/ou d'hydrogène, essentiellement pour les sites industriels qui consomment beaucoup d'énergies fossiles dans leurs process. Essentiellement développés par des start-ups, ces mini-réacteurs sont censés selon leurs promoteurs permettre de régler le problème des déchets nucléaires grâce à un meilleur recyclage des matières radioactives. Le programme France 2030 prévoit d'investir environ 1 milliard de fonds publics en soutien aux petits réacteurs modulaires et aux réacteurs modulaires avancés, dits de « quatrième génération ».

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